Quinze juges des enfants du tribunal de Bobigny situé en Seine-Saint-Denis, signent une tribune dans laquelle ils dénoncent le manque de moyens pour répondre à leur mission de protection des mineurs. Au delà de cet appel au secours des magistrats, quel est le rôle du juge des enfants ?
"Nous sommes devenus les juges des mesures fictives": dans une tribune publiée de lundi par Le Monde et France Inter, les quinze juges des enfants du tribunal de Bobigny lancent un "appel au secours" face à l'état de la justice des mineurs en Seine-Saint-Denis.
Des délais prises en charge inacceptables
Dans le département, les "mesures d'assistance éducative" sont soumises à des "délais de prise en charge inacceptables", écrivent ces magistrats, chargés de la répression des mineurs délinquants mais également de la protection des mineurs en danger.En raison d'un "manque de personnel" dans le secteur associatif habilité à faire appliquer ces mesures, "près de 900 mesures, soit 900 familles, sont en attente", expliquent-ils. Il s'écoule "jusqu'à dix-huit mois" entre la décision prononcée par le juge et "l'affectation du suivi à un éducateur", selon ces juges qui exercent dans le deuxième tribunal de France.
"Les éducateurs du Conseil départemental, en sous-effectif eux aussi, ne parviennent plus à assurer correctement les missions de l'aide sociale à l'enfance", s'alarment également les magistrats, qui ajoutent: "de l'autre côté du périphérique, la prise
en charge des mesures éducatives judiciaires se fait sans délai, ce qui crée une inégalité inadmissible de réponse aux difficultés des familles."
"Nous sommes devenus les juges de mesures fictives", poursuivent-ils. Pourtant, les "enjeux sont cruciaux pour la société de demain": "des enfants mal protégés, seront davantage d'adultes vulnérables, de drames humains, de personnes sans abri et dans l'incapacité de travailler. Ce seront davantage de coûts sociaux, de prises en charge en psychiatrie, et ce n'est plus à prouver, de passages à l'acte criminel." "Notre alerte est un appel au secours", concluent-ils.
Pour la ministre, le département à une responsabilité dans la mise en oeuvre des décisions
Dans la tribune, "ce sur quoi mettent l'accent essentiellement les juges des enfants c'est sur (...) la protection de l'enfance en danger", a réagi sur France Inter, la ministre de la Justice, Nicole Belloubet. "Je ne nie pas la responsabilité de l'État, mais je dis que la mise en oeuvre des décisions de nature civile, cela appartient au département", a-t-elle ajouté.
Au tribunal de Bobigny, "il y a eu 8 postes de magistrats supplémentaires par rapport à 2016 et il y a eu une affectation de 19 greffiers supplémentaires", a-t-elle ajouté. "Après, c'est au président du tribunal de savoir où il les affecte dans son tribunal".
Qu'est ce qu'un juge des enfants ?
Le juge des enfants est un magistrat spécialisé du siège du tribunal de grande instance chargé de la protection de l’enfance en danger et de la répression des mineurs délinquants. Il est assisté dans l’exercice de ses missions par de multiples partenaires, dont les services de l’Aide sociale à l’enfance (ASE), de la Protection judiciaire de la jeunesse (PJJ), et de divers associations et spécialistes du domaine de la protection de l’enfance qui assurent son information et le suivi de ses décisions.
La direction de la Protection judiciaire de la Jeunesse (DPJJ) « est chargée, dans le cadre de la compétence du ministère de la Justice, de l'ensemble des questions intéressant la justice des mineurs et de la concertation entre les institutions intervenant à ce titre » (décret du 9 juillet 2008 relatif à l’organisation du ministère de la justice). Depuis la loi du 5 mars 2007, le président du Conseil général est le chef de file de la protection de l'enfance (prise en charge des mineurs en danger).