Une vingtaine de femmes accompagnées de leurs enfants en bas âge campent depuis une semaine avenue de la République à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), en face du gymnase d'où elles ont été expulsées. Et attendent une mise à l'abri. Reportage.

10h, avenue de la République à Bagnolet, à quelques pas du périphérique. Sous un soleil de plomb, deux policiers recensent les personnes qui campent depuis une semaine sur le trottoir à l’entrée du gymnase Jean Reneault. "Ils sont déjà passés hier après-midi et ils nous ont dit que nous avions 24h pour partir. Mais pour aller où ? s’inquiète Karidjia, les yeux rivés sur les fonctionnaires. On a nulle part où se réfugier." Après plusieurs mois d’errance, cette ivoirienne de 32 ans a atterri ici il y a une semaine. Depuis, elle vit et dort à même le sol, au milieu d’un capharnaüm de cartons, de couvertures, de jouets et de mouches attirées par la nourriture. Avec elle, une vingtaine de femmes et leurs 28 enfants. Les plus chanceux ont réussi à dénicher des matelas abandonnés dans la rue mais ils sont infestés de punaises. "C’est pas facile, on dort mal, certains ont des maux d’estomac, surtout les plus petits. Mais ça va, explique en souriant Afisiata, la trentaine, qui tient à louer la solidarité des gens du quartier et des associations. On nous apporte de quoi nous nourrir, des couches, des lingettes pour bébés que l’on partage. Et chacune d’entre nous veille sur les enfants."

Le fils d’Afisiata, Amadou, est âgé de deux mois et reste constamment lové dans les bras de sa mère. D’autres bambins, plus âgés, déambulent le long de la route en trainant leurs jouets. Un environnement dangereux en raison de la circulation incessante de jour comme de nuit. Hier, la mairie de Bagnolet a fait installer des plots pour les protéger.

"Pour éviter un drame", le gardien du gymnase a préféré confisquer toutes les trottinettes et les vélos. Derrière sa grille cadenassée, l’homme se dit impuissant. "La seule chose que je peux faire, c’est les laisser entrer pour aller aux toilettes et se doucher. C’est le minimum, leur permettre de rester propre. C’est une question d’humanisme. Les enfants n’y sont pour rien dans tout ça. Quand je les vois, je pense aux miens, je ne voudrais pas de ça pour eux." Un constat partagé par une habitante du quartier venue apporter une bouteille d’eau. "Le voisinage souffre de cette situation, mais on fait avec. C’est terrible. » Un touriste qui semble perdu les interpelle alors. "Je suis allemand, d’origine éthiopienne. Je n’ai jamais vu ça dans mon pays. Mon cœur saigne en voyant ces femmes et ces enfants sur le trottoir. Comment c’est possible ?"

 

Une situation de blocage

 

Toutes ces femmes d’origine africaine proviennent du campement de la rue l’Epine à Bagnolet où avaient été recensées 317 personnes en juillet. Il y a trois semaines, la préfecture de Seine-Saint-Denis l'a fait évacuer et a orienté les migrants vers des gymnases aux Lilas, Clichy-sous-Bois et Bagnolet. Avant de leur faire des propositions d'hébergement le 4 août : à Nice, Lyon, Libourne, Besançon ou encore Toulouse. "Quand on est arrivé à Reims, les gens nous ont dit qu’en fait, ils ne pouvaient pas nous loger car nous n’étions pas demandeurs d’asile, explique une des femmes qui préfère rester anonyme. Ils voulaient nous donner de l’argent pour que l’on retourne chez nous. Mais je ne peux pas. Je viens de Guinée-Conakry et si j’y retourne, je vais être tuée par ma famille car j’ai refusé un mariage forcé." Des retours volontaires contre de l’argent que relatent plusieurs des femmes qui ont préféré revenir sur ce morceau de bitume de Bagnolet. D’autres avaient tout simplement refusé de monter dans les bus. C’est le cas de Barakyssa, 37 ans. "On m’avait proposé d’aller à Nice mais je n’ai pas voulu car mes enfants sont scolarisés en Ile-de-France. Et mon mari travaille ici même s'il n’a pas de papiers. Je ne voulais pas le laisser. Depuis, je continue d’appeler le 115 plusieurs fois par jour mais souvent, ça ne répond pas."

Face à cette situation de blocage, la ville de Bagnolet semble impuissante et indique que seule la Préfecture de Seine-Saint-Denis est compétente dans la mise à l’abri de ces populations en situation de grande vulnérabilité. De son côté, la Préfecture affirme rechercher de nouvelles solutions de mise à l’abri, en raison de la dangerosité de la route et des conditions sanitaires déplorables. "En attendant, il y a une urgence sanitaire. Il y a des femmes qui craquent psychologiquement, certaines sont malades. Il y a des tensions entre elles. On sent une énorme détresse", s’alarme Alma Bashir, présidente de l’association Charity Concept qui leur apporte chaque matin le petit-déjeuner. 

Avec 25 autres associations, elle a lancé une pétition qui a recueilli plus de 700 signatures pour demander la réouverture du gymnase Jean Reneault, faute de mieux.

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