Législatives 2024. "Il y a 577 circonscriptions, et peut-être 5 à 10 dissidents. C’est peanuts", en Seine-Saint-Denis, des électeurs face aux fissures de la gauche

Le collectif "L’Union maintenant" a organisé un rassemblement à Montreuil, ce lundi 17 juin. Objectif : appeler au rassemblement pour soutenir le "nouveau Front populaire". En Seine-Saint-Denis, des querelles politiques ont pourtant fissuré cette union des gauches. Paroles d'électeurs.

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Sur une scène en plein air devant la mairie de Montreuil, plusieurs centaines de sympathisants de gauche ont vu se succéder le leader du PS Olivier Faure, la patronne des Ecologistes Marine Tondelier, le sénateur et porte-parole du Parti communiste français Ian Brossat et l'ancienne présidente du groupe insoumis à l'Assemblée, Mathilde Panot.

Danielle, 73 ans, est habitante de Montreuil. Elle a pour habitude de voter à gauche, et confie avoir "voté Glucksmann", aux dernières Européennes. Attentive aux interventions des leaders de la gauche sur l’estrade, elle sait déjà pour qui voter. "Je voterai Corbière, et non pour la parachutée qui, au demeurant, n'est pas mal. Il n’y a pas de raison. C'est une purge stalinienne, car ils ont viré les opposants", tonne la retraitée. 

"C’est dégueulasse, crapuleux et très contre-productif"

En effet dans ce département acquis à la gauche, des querelles d'ego et d'appareil ont fissuré cette toute nouvelle union lors des investitures des candidats. Alexis Corbière, sortant de la 7e circonscription (NDLR : celle de Montreuil), se maintient face à Sabrina Ali Benali, investie par la France Insoumise

La députée Raquel Garrido, élue depuis 2022 mais en froid avec la direction insoumise, n'a pas été réinvestie par LFI pour les élections législatives anticipées, ce qui a également créé la polémique à gauche.

La Montreuilloise s’inquiète toutefois de l’image que cette dissidence peut donner, sur cette alliance : "La direction de la France Insoumise a viré Corbière, Simonnet et Garrido, les opposants historiques, de façon complètement antidémocratique et sectaire. C’est dégueulasse, crapuleux et très contre-productif. Certains qui pouvaient déjà hésiter à voter pour LFI, vu leur position en particulier sur le Hamas, vont encore plus hésiter. Il n’a rien compris Mélenchon, là. Il y a une union qui se fait, et il nous ressort ces vieilles pratiques comme en 1937."

À quelques pas de Danièle, se tient Prabagar. Cet homme de 47 ans, habitant lui aussi Montreuil, se considère moins inquiet. "Tout ça s’est basé sur les Européennes, en fait. Je pense qu’ici même à Montreuil, qu’il s’agisse des jeunes ou du reste, il y a eu beaucoup d’abstention. Le vote n’a pas été pris au sérieux, donc on s’est trouvés d’un seul coup avec le Rassemblement national qui est passé en force", détaille celui qui confie n’avoir jamais raté une seule élection depuis son arrivée en France, il y a 26 ans. 

"Je pense qu’avec cette union, on va frapper fort"

L’agent de la fonction publique ne se formalise pas sur les candidats dissidents : il estime qu’ils ne représentent pas de risque, tant l’union est puissante, selon lui. "Je pense qu’avec cette union, on va frapper fort. Même si le RN ou les Républicains arrivent au deuxième tour, je ne m'inquiète pas trop là, avec le nouveau Front populaire. C’est une bonne idée, un bon choix", s’enthousiasme-t-il. 

Autre électeur à être confiant dans la possible victoire du "nouveau Front Populaire" : Erick, 37 ans, lui aussi installé à Montreuil. Il confie avoir toujours voté pour le même côté, "pour le Front de Gauche", excepté aux seconds tours des présidentielles où il affirme voter "blanc". "Il s’agit plus d’une histoire de programmes au final, donc je ne suis pas vraiment inquiet. En fait, peu importe réellement la dissidence : c'est davantage des histoires internes aux partis. On ne sait pas réellement ce qui s'est passé. Ce ne sont pas forcément nos affaires", éructe-t-il. 

L'homme ajoute : "Il y a l’Union du Front populaire, l'essentiel est de voter pour eux pour qu'ils conservent la circonscription. Historiquement, cela fait quand même plusieurs années qu'à Montreuil, ça va clairement dans le sens de la Gauche, vers LFI et tout ça. Cela m'étonnerait que les gens soient réellement attachés par exemple à Raquel Garrido ou Alexis Corbière. Le programme reste toujours quasiment le même, depuis l'histoire du Front de Gauche ou du tout début des Insoumis. Je pense que les gens votent plus pour ça, que pour une tête en soi."

"C’est le premier meeting unitaire complet"

Entre ces habitants, circulent des militants qui distribuent des tracts et petits magazines à l’effigie des différentes formations du "nouveau Front populaire". À l’image de Hugues, 68 ans, militant à la gauche démocratique et sociale. Venu depuis Paris 12e, il voulait être présent, car "c’est le premier meeting unitaire complet". 

Confronté à la question des dissidences, il évacue très vite la question : "Le problème est qu'effectivement, avec toutes les scories, ça va se jouer serré. Avant tout, on va à l'Union. Aujourd’hui, on a la chance d'avoir l'ensemble des organisations qui se réclament de la gauche sur un programme. Personnellement, je le signe dès demain. Il est fondamental : évidemment que toutes les scories qui interviennent ne sont pas une bonne chose. Si j’en crois cet élan que je n’ai pas vu depuis des années, c’est le seul bloc qui est capable de résister au RN."

La société civile vent debout contre la désunion

Côté société civile, plusieurs personnes ont fait le déplacement. Outre l’écrivaine Caroline de Haas, la secrétaire générale de la CGT Sophie Binet, d’autres incarnations emblématiques ont tenu à assister au meeting. À commencer par le journaliste et cofondateur de Médiapart, Edwy Plenel. "Je suis venu dire aux gens qui sont ici, qu’il est minuit moins une : le passage au pouvoir d'un gouvernement d'Extrême droite en France, ce n'est pas simplement la continuité de politiques conservatrices liberticides violentes. C'est un changement de quantité en qualité, l'arrivée à autre chose", avertit-il. 

L’ancien du journal Le Monde pointe d’ailleurs un autre risque, même si cette union de la Gauche est d’après lui une bonne idée : "Ce n'est pas l'heure des divisions. Elles nuisent à cet objectif (NDLR : d’union de la gauche). Il y a de la diversité, des carrières, des ambitions. Il y a même la société civile qui n'est pas suffisamment représentée dans ces accords d'appareils, mais ce n’est pas le moment de barguigner. Ce sont des problèmes de luxe, de privilégiés, de professionnels de la politique. En tant que citoyen, toutes ces divisions n’ont pas lieu d’être."

Autre personne de la société civile présente parmi la foule, l’acteur et musicien Yvan le Bolloc'h. Habitant de Paris, il a tout de même tenu à faire le déplacement pour ce rassemblement. Interrogé sur la question des candidatures dissidentes dans certaines circonscriptions, il ne se considère pas comme inquiet. "Il y a 577 circonscriptions, et peut-être 5 à 10 dissidents. C’est ‘peanuts’, pas grand-chose. Là, actuellement, le danger porte sur nos libertés, c’est en ce moment qu’il faut se mobiliser", assure-t-il. 

Pour les prochaines élections à venir, 49,3 millions de Français sont appelés aux urnes. Un scrutin à deux tours à suivre sur notre antenne et sur france.tv/idf, avec notamment des débats, les mercredis 19, 26 juin et 3 juillet, dès 21h10.

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