"Les saveurs du béton" : une enfance franco-chinoise à Bagnolet racontée en BD

Fille d'immigrés chinois, l'autrice et illustratrice Kei Lam raconte dans sa nouvelle bande dessinée, "Les saveurs du béton", son adolescence dans le quartier de la Noue à Bagnolet en Seine-Saint-Denis.

Née à Hong Kong, Kei Lam arrive en France à l’âge de six ans. Après quelques années à vivre dans des chambres de bonnes de 10m² à Paris, ses parents achètent en 1995 un appartement dans la résidence du parc de la Noue. "J’ai habité 15 ans à Bagnolet à la Noue et j’avais envie de parler de cette cité que je trouve majestueuse architecturalement parlant", explique la jeune femme qui après une formation d’urbaniste, a finalement choisi une reconversion dans le dessin, il y a une dizaine d'années.

"C’est un lieu très cinématographique, il y a plein d’histoires sur ce lieu. Je me suis rendu compte que c’était un lieu de passage pour beaucoup de gens. Des gens qui sont arrivés là souvent pour des raisons financières pour avoir un logement plus grand et moins cher, comme ça été le cas pour ma famille", détaille Kei Lam.

Récit sur l’intégration

Parce qu'elle éprouvait une certaine lassitude à voir la banlieue caricaturée, l'autrice et illustratrice Kei Lam a décidé de prendre la plume. "On nous montre des films sur la banlieue avec beaucoup de clichés sur les armes sur la drogue qui circulent. Je ne retrouvais pas dans cette vision de la banlieue, je ne l’ai pas vécu comme ça".

"La violence existe mais de manière plus sourde, plus insidieuse", poursuit la jeune femme. "C’est par exemple le sentiment d’insécurité que l'on ressent à traverser le parc lorsqu’on est une femme racisée ou immigrée et ce n'est pas du tout le fait d'être confronté à des armes ou des trafics de drogue", précise-t-elle.

Dans Les saveurs du béton, l'autrice dépeint aussi un autre type de violence comme la pression psychologique que représente le renouvellement d'un titre de séjour. Les rendez-vous en préfecture sont évoqués dans la BD à plusieurs reprises pour montrer à quel point la lourdeur administrative et le mépris absolu auxquels les gens sont confrontés est humiliant et ubuesque.

"À chaque fois que je me rendais à la préfecture de Bobigny, je me déshumanisais un peu. On était comme des moutons broutant de l’herbe sagement au bord du périphérique coincé entre les barres d’immeuble et la circulation", écrit Kei Lam dans sa BD.

"Au fur et à mesure des années, j’ai vu les habitants changer à la Noue", raconte la jeune femme. "Il y a de plus en plus d’asiatiques dans le quartier alors que ce n’était pas le cas avant et c'est une population qui a des stéréotypes qui lui collent à la peau".

"On pense, qu'ils sont très riches et qu'ils possèdent de l'argent liquide sur eux. Mes parents ont subi des agressions. Un jour mon père s’est fait détrousser par une bande de malfrats alors qu’il n’avait jamais rien sur lui", se remémore-t-elle.

Dans sa BD, Kei Lam donne ainsi la parole aux invisibles et explore les rêves et les ambitions des enfants d’immigrés. Pour elle, la banlieue est un lieu de métissage. "Grâce à mes rencontres, j’ai pu découvrir la capoeira, le hip-hop, la musique, le street art, toute une culture de l’art urbain. J’ai trouvé dans ce quartier une ouverture qui a enrichi ma vision du monde", se réjouit-elle.

Déconstruire les préjugés sur la culture chinoise

Ce qu'elle aimerait, c'est que son roman soit lu par les gens, par les enfants du quartier et aide à changer les représentations et à sortir des stéréotypes, "parce que lorsque j’étais petite je n’avais pas beaucoup d’images de ce que ma vie pouvait être. A l'époque, on se disait voilà, 'je vais être esthéticienne, footballeur', parce que notre imaginaire était assez limité et aujourd’hui j’ai envie de dire aux enfants issus de l'immigration que tout est possible !"

Kei Lan, croit aux valeurs de la transmission et du partage pour réussir à sortir des stéréotypes. "Cette année, je suis en résidence d’artistes en Seine-Saint-Denis, j’ai travaillé avec des classes de 6e sur la notion de cartes postales. Je leur ai proposé de dessiner leur ville et de me la décrire. Ça va faire l’objet d’une exposition. Les travaux des enfants seront exposés à la maison du parc des Guilands, le grand parc qui longe la cité de la Noue, ça commence le 9 juillet", raconte, enthousiaste, la jeune femme qui ne regrette pas son changement de parcours. "Il y avait une urgence à écrire et je suis hyper contente d'avoir fait ce choix-là", conclut-elle.

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