Trois jeunes hommes ont été condamnés vendredi en Seine-Saint-Denis pour le guet-apens tendu en décembre à une adjointe au maire de Saint-Denis, une nouvelle agression d'édile qui avait choqué l'opinion.
Ils assurent qu'on leur promettait 2.500 euros pour tabasser une élue dans la rue: Les trois jeunes hommes ont été condamnés pour violences volontaires sur une personne chargée de mission de service public. Le tribunal correctionnel de Bobigny a infligé une peine de 18 mois de prison dont six avec sursis probatoire à un prévenu de 22 ans. Âgés de 18 ans, les deux autres ont été condamnés à 12 mois de prison dont six avec sursis, et huit mois de prison avec sursis probatoire. Le tribunal a estimé qu'ils ne connaissaient pas la qualité d'élue de la victime.
"Je suis contente que ça ait pu se passer et que les auteurs aient été reconnus coupables", a déclaré à la presse Oriane Filhol, 6ème adjointe au maire, à l'issue de l'audience. "J'aimerais qu'on ait un jour l'explication finale (...) qui permettra de savoir pourquoi et qui. Là, c'est les hommes de main qui ont pris pour tout le monde mais le coupable qui a pensé ça et monté cette attaque n'a pas encore été retrouvé", a-t-elle ajouté. À ses côtés, le maire PS de Saint-Denis, Mathieu Hanotin s'est félicité qu'un "message clair" ait été envoyé : "quand on frappe des élus, on est sanctionné, il y a des peines de prison qui s'appliquent".
"Moins libre"
Il fait nuit ce 20 décembre au soir lorsqu’Oriane Filhol sort d'une réunion à Saint-Denis du conseil d'administration du bailleur social Plaine Commune Habitat, dont elle assure la vice-présidence. Rentrant chez elle, la jeune femme réalise que deux individus la suivent dans la rue. Elle tente de les semer, change de chemin. Entrant dans une résidence privée dont elle connaît le digicode, elle se met à courir. Mais l'un des deux hommes la rattrape sous le porche, lui fait une balayette et la frappe à la tête avant de prendre la fuite, sans piper mot. L'agression provoquera l'émoi du monde politique.
À la barre, seulement légèrement blessée mais encore choquée, Oriane Filhol raconte d'une voix étranglée se sentir "beaucoup moins libre, beaucoup moins sereine" depuis cette attaque, survenue dans un contexte de recrudescence nationale de violences contre les élus. "J'ai l'impression qu'on m'a volé ma liberté de femme, de personne dans la rue, et aussi qu'on m'a volé un peu de ma volonté d'engagement en tant qu'élue", relate la trentenaire, entre ses larmes. Confiée au service spécialisé de la sûreté territoriale en raison de la sensibilité du dossier, l'enquête a abouti à l'arrestation mercredi de trois jeunes de Saint-Denis, deux exécutants et un chauffeur présumés. Ils ont été jugés en comparution immédiate vendredi après-midi.
Commanditaire inconnu
Les mis en cause, au casier judiciaire vierge, expliquent s'être vus promettre 2.500 euros chacun par un commanditaire qui n'a pas été identifié pour passer à tabac la victime, qui leur a été désignée dans la rue et dont ils ignoraient l'identité."Il fallait juste taper et rien dire, pas de vol, rien. Moi pour 2.500 euros je frappe, même si c'est une femme. J'ai pas tiré les cheveux, rien", a raconté en garde à vue Karl N., qui est celui qui a frappé l'élue, peu loquace à l'audience.
Voyant que la cible était "une fille", Nader T., dit "Le Nain" en raison de sa petite taille, a préféré rester en arrière au dernier moment et ne pas participer à l'agression. L'omerta plane sur le nom du commanditaire - un "daron", "un bledard", "entre 30 et 50 ans". "Si je parle de lui à la police, je sais ce qu'il peut me faire, Madame. Comme je l'ai dit (à un enquêteur), je sais pourquoi je ne vais jamais sortir son prénom, je sais ce qu'il peut me faire", confie le jeune homme de 18 ans.
Face au tribunal correctionnel, le maire Mathieu Hanotin suppute un lien avec l'opération de rénovation urbaine prévue dans la cité des Francs-Moisins, quartier sensible dont sont originaires deux des jeunes. Ce projet "va complètement exploser le point de deal", explique l'édile, en référence au trafic de drogue .Selon le ministère de l'Intérieur, en 2023, les agressions envers les lus devraient augmenter de 15%, après une hausse de 32% en 2022 (2.265 plaintes et signalements). "Si ces messieurs ne sont pas contents du mandat que l'on mène, il y a de nouvelles élections en 2026 et ils peuvent aller voter", a plaidé Oriane Filhol.