Depuis la rentrée, les élèves de trois écoles élémentaires de Neuilly-sur-Marne en Seine-Saint-Denis portent la même tenue vestimentaire fournie par la Ville. L'expérimentation qui a suscité de vifs débats locaux devrait durer un an.
"C'est comme si on appartenait à une famille, elle dit : on est comme des jumelles avec mes copines". Lina, 11 ans, rapporte cette mère de famille, ne tarit plus d'éloges sur la tenue imposée depuis la rentrée à l'école Jean-Jaurès de Neuilly-sur-Marne. Depuis quelques jours, Lina comme tous ses camarades de classe n'a guère l'embarras du choix sur ce qu'elle va porter en classe. "C'est facile et rapide le matin de s'habiller", dit-elle selon sa mère.
Sur son étagère, elle dispose désormais de quatre polos bleus, deux tee-shirts blancs, deux pulls et un sweat-shirt gris, floqués à l'image de la ville de Neuilly-sur-Marne. Au total, neuf vêtements composent son nouveau trousseau. Pour le bas, qui reste à la charge de la famille, elle doit porter un pantalon ou pantacourt de couleur sombre et sans marque. Tel est le nouveau règlement vestimentaire de l'école.
Consultation et controverses
Durant l'année scolaire dernière à Neuilly-sur-Marne, quatre directeurs d'écoles élémentaires se sont portés volontaires pour mettre en place cette expérimentation soutenue activement par la municipalité. Débats et consultations ont été organisés sur plusieurs mois, assure le maire sans étiquette Zarthoste Bakhtiari. "Une démarche co-construite avec les parents", affirme l'édile qui rappelle que quatre réunions publiques, des rencontres avec la communauté éducative avec des parents élèves élus se sont déroulées. Et pour clore cette campagne de consultations, la mairie a organisé, dit-elle, un référendum contesté aujourd'hui par ses détracteurs. "On n'était pas obligé" souligne-t-il.
Au final et au terme d'une suite de débats plutôt vifs, ponctuée de controverses politiques -l'expérimentation d'une nouvelle tenue uniforme a été approuvée par "69% des parents", selon la mairie et dans trois écoles sur quatre. Le nouveau trousseau a été financé et pris en charge par la Ville et par l'Etat à hauteur de 51 000 euros.
"Cohésion et de solidarité"
L'expérimentation est donc partie pour un an. Le maire s'en félicite aujourd'hui et parie que cette tenue vestimentaire pourrait contribuer "à l'amélioration du climat de cohésion et de solidarité" dans les écoles concernées. "Quand vous ne pensez plus à ce que vous portez, vous vous concentrez davantage sur l'objectif de l'école, l'éducation et notamment l'enseignement. Vous avez aussi moins de différenciations sociales par le vêtement. Dans les quartiers les plus populaires, généralement, les gens ont moins de moyens. C'est inversement proportionnel en fait, aux moyens de la famille. Il y a une course à l'achat de vêtements et à la marque dans certains quartiers qui est trop importante et qui pèse beaucoup."
L'argument financier, entre autres, a fait mouche dans la famille de Lina. Kim, sa maman, est déjà très satisfaite de cette expérimentation. "Ça aide énormément au niveau budget des familles. Ma fille, elle a 11 ans et elle grandit de jour en jour et c'est quand même un budget de pouvoir l'habiller", témoigne-t-elle.
Ce mercredi matin dans l'une des classes de l'école Jean Jaurès, les couleurs portées par les enfants ne sont pas encore complètement uniformes. Certains enfants n'ont pas mis le polo ou le tee-shirt de rigueur. L'expérimentation se met progressivement en place et ne fait toujours pas l'unanimité chez les parents. Devant la grille de l'établissement, certains d'entre eux partagent leurs réticences.
"Le 2 septembre, ils ont filtré les enfants. Ceux qui n'avaient pas la tenue et ceux qui n'en avait pas. Les parents qui ont dû aller chercher des tenues. J'ai trouvé ça choquant !", témoigne cette mère de famille. "En France, il n'y a aucune loi qui oblige les enfants de l'École publique à porter un uniforme et donc c'est hors-la-loi", assène cet autre parent. Lui et quelques autres mécontents constitués en collectif, viennent d'ailleurs d'adresser un courrier à l'Inspection d'Académie pour exprimer une nouvelle fois leur hostilité à cette expérimentation.
Tenue obligatoire
Quoi qu’il en soit, la nouvelle tenue sera vraiment obligatoire à partir du 9 septembre, affirme le maire. "Il y a des parents récalcitrants. On va discuter avec la famille, essayer de convaincre. Après, si ça persiste, il faudra envisager d'autres solutions, éventuellement un changement d'école. Mais on ne veut pas aller sur ce terrain-là. Moi, je suis convaincu que l'intérêt de l'enfant prime et y compris pour les parents. Aucun parent n'a intérêt à faire montrer du doigt son enfant qui serait le vilain petit canard qui ne porterait pas le vêtement."
Pour évaluer les effets de l'expérimentation, la mairie a constitué un groupe de travail composé d'élus, de parents d'élèves et de directeurs d'écoles. "On ne révolutionnera pas l'Éducation nationale et tous les problèmes qui concernent l'Ecole avec cette tenue ( ...) on va voir s'il y a plus de concentration dans les classes, s'il y a moins de bagarres dans les cours. Enfin, s'il y a un meilleur climat scolaire... On essaye pendant un an et on voit !"