Tous les jours, des parents d'élèves forment une chaîne humaine devant des écoles d'un quartier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). En mai dernier, des dealers s'étaient introduits dans la cour d'un établissement de la ville. De la drogue avait été découverte par les policiers.
"On ne baissera plus la tête." Ce jour, ils sont 61, selon les participants, à s'être réunis à 8h20 après avoir déposé leurs enfants à l'école. Les bras se tendent et une longue chaîne humaine se forme devant les grilles du groupe scolaire Victor-Hugo."On protège symboliquement l'école", explique Agnès, 33 ans, parente d'une fille de quatre ans. "On veut être visibles, réinvestir l'espace public", ajoute-t-elle.
Intrusion de trafiquants dans une cour d'école
La mobilisation des parents d'élèves a repris dès lundi, jour de rentrée, résistant aux grandes vacances. Elle avait débuté en mai, après l'intrusion de deux jeunes dans la cour de l'école. Ce jour-là, les élèves avaient dû être confinés, cachés pour certains sous leur table de classe. Les policiers avaient retrouvé quelques jours plus tard 30 grammes de cannabis dans l'enceinte du groupe scolaire.L'épisode de trop, raconte Sylvain, 38 ans, parent d'élève. "Ça a soulevé le cœur de tout le monde". "On s'est dit: on arrête de baisser la tête".
Depuis "cinq-six ans" le trafic de drogue mine la vie du quartier. Composé de grands ensembles HLM, de copropriétés et de pavillons, il était auparavant plutôt tranquille avec ses espaces verts et piétons. Cité Gabriel-Péri d'un côté, Delaunay-Belleville de l'autre, le groupe scolaire Victor-Hugo se retrouve aujourd'hui au milieu de deux points de deal, parmi les plus importants de Seine-Saint-Denis.
Quartier de reconquête républicaine
La municipalité communiste soutient le mouvement, fournissant notamment une aide logistique. Lundi, le maire, Laurent Russier, s'est joint à la chaîne. "Voir les habitants relever la tête, ça embête les dealers", appuie-t-il. En septembre, une vingtaine de policiers supplémentaires prendront leurs fonctions, rappelle-t-il, une partie de la ville ayant été retenue comme "quartier de reconquête républicaine" (QRR).Mercredi, une délégation de parents d'élèves doit aussi être reçue par le préfet de Seine-Saint-Denis. Au-delà des mesures de sécurité, ils demanderont plus de moyens pour l'éducation ou la santé, convaincus que le "deal n'est qu'un symptôme" d'un territoire "abandonné" sur d'autres plans.
Francette Popineau (SNUipp-FSU) pointe du doigt l’absence d'un plan pour l’Outre-mer et la Seine-Saint-Denis. Ces départements regroupent la quasi-totalité des académies concernées par les 3% d'élèves non encore scolarisés avant 6 ans. #Rentréehttps://t.co/R7fREiLKCl pic.twitter.com/1KL17eLBov
— franceinfo plus (@franceinfoplus) September 2, 2019
"Guerre de tranchées"
Pour l'instant, ni les policiers, ni les habitants n'ont observé d'effet significatif de la mobilisation des parents sur le trafic.Mais "ça fait quatre mois et on ne lâchera pas", prévient Agnès. À ses côtés, une autre mère d'élève intervenue à plusieurs reprises dans les médias, elle a eu ses pneus de voiture crevés "deux fois de suite". Pas question de renoncer pour autant. Comme d'autres, elle se dit désormais engagée dans une "guerre de tranchées". "Ce qui me fait le plus peur aujourd'hui, c'est de ne rien dire".