Dans le box, Student Caldararu s'excite et se met à dénoncer un autre Rom assis dans le public: "lui aussi, il faisait voler ses enfants pour construire sa maison en Roumanie".
Depuis lundi, et pour deux semaines, il comparaît à Paris avec 19 autres tziganes roumains, soupçonnés d'avoir forcé des enfants, âgés de 9 à 17 ans, à voler dans les rues de la capitale entre 2011 et 2012, et aux côtés de trois Marocains poursuivis pour "recel".
Les prévenus, qui vivaient dans des campements de Seine-Saint-Denis, auraient exigé de leurs enfants qu'ils ramènent "un à deux portefeuilles par jour
et deux à trois téléphones portables", en recourant parfois à la violence, selon la présidente du tribunal Dominique Piot.
Le but, selon elle, était de rembourser des dettes de jeu en France ou de financer la rénovation ou la construction de maisons en Roumanie.
"Je reconnais que ma fille Daniela a volé. J'avais des dettes, ça m'a aidé à payer", admet d'emblée Student Caldararu par l'entremise d'une interprète. Il se montre en revanche plus confus sur les 11.000 euros transférés en Roumanie et au sujet de son neveu, dont le sort lui vaut d'être jugé pour "traite des êtres humains".
En 2011, le garçon, alors âgé de dix ans et qui vivait avec son oncle et sa tante, était déjà connu de la police pour une quarantaine de vols. "Vous trouvez ça normal ? interroge Mme Piot. Et comment vous expliquez qu'il soit défiguré?"
Le quadragénaire évoque une vague marmite, nie avoir frappé le garçon, qui a évoqué en audition "des coups de ceinture". Mais il reconnaît qu'une soeur restée en Roumanie lui devait de l'argent et qu'elle lui avait cédé son fils pour rembourser sa dette.
"Je l'ai envoyé voler", admet-il. -'Arrêt de mort'-
Les téléphones portables arrachés à des passants ? "Je les revendais à ces deux-là", explique l'homme, corpulent sous son T-shirt blanc, en désignant deux des prévenus qui comparaissent libres. Son doigt accusateur poursuit, pointe un autre prévenu dans le box, puis un homme dans le public.
"Il vient de signer son arrêt de mort", glisse surpris un policier venu suivre les débats.
Le prévenu semble plutôt vouloir banaliser les faits, montrer qu'il n'était pas le seul. Il répond "da da" quand la présidente lui demande si les parents envoyaient sciemment les enfants voler parce qu'ils savaient qu'ils n'étaient pas pénalement responsables jusqu'à leurs 13 ans.
Il acquiesce encore quand elle lui demande si les enfants avaient pour consigne de ne rien dire de leurs familles pour éviter que les enquêteurs ne remontent jusqu'aux adultes.
"L'enquête a été difficile", souligne Mme Piot, mais avec la coopération d'agents roumains, plusieurs mois de surveillance et plusieurs auditions, les policiers ont interpellé en septembre 2012 une vingtaine d'adultes.
Certains avaient initialement été mis en examen pour traite des êtres humains en vue d'un jugement aux assises. Mais la plupart ont finalement été renvoyés devant le tribunal correctionnel pour "provocation de mineurs à la commission de vols".
Seuls Student Caldararu et une de ses soeurs restent poursuivis pour "traite d'être humain".
Certaines des victimes ont été placées et ont changé de vie mais d'autres ont été récupérées par la famille et envoyées voler en Espagne. C'est notamment le cas du neveu de Student Caldareru. "Son placement n'a pas tenu, il a rapidement fui, a souligné le procureur. Mais il faut dire qu'il avait été placé dans un foyer situé à un kilomètre du camp de sa famille".