Travail illégal : l’Île-de-France championne de France

Selon les derniers chiffres de l’URSSAF, la région est surreprésentée dans le phénomène du travail illégal en France. La moitié des sommes recouvrées par les services de l’état proviennent de cette région. Le BTP, le commerce et les transports sont les plus touchés.

Deux cents inspecteurs débarquent à l’improviste dans 286 fast-foods d’Île-de-France. Les employés sont-ils tous bien déclarés ? Le bilan de la vaste opération de contrôle des inspecteurs de l’Urssaff dans le milieu de la restauration rapide est édifiant. Nous sommes en Novembre 2022. Un quart des restaurants est hors la loi. Sur les 727 salariés interrogés, 96 ne sont pas déclarés.

Depuis 15 ans, les contrôles aléatoires et ciblés permettent d’avoir une vision précise du phénomène. Si la restauration est connue pour son turn-over important de main-d’œuvre, elle est loin d’être le secteur qui a le plus recours au travail dissimulé. Le BTP lui dame le pion, et de très loin. La moitié des sommes recouvrées en 2022 par l’URSAFF d’Île de France, provient du secteur du bâtiment, devant le transport, ou le commerce. L’hôtellerie-restauration, le gardiennage ou le service aux entreprises sont des secteurs très bien représentés.

« Ce sont des secteurs où les besoins de main-d’œuvre sont importants de manière générale, et où il y a de la sous-traitance en cascade », explique Emmanuel Dellacherie, directeur de la réglementation, du recouvrement et du contrôle à l’URSSAF. « Les contrats sont plus courts, et l’endroit où s’exerce l’activité n’est pas le siège de l’entreprise. La rigueur n’est pas la même. Cela touche plus les petites et moyennes entreprises que les grandes, même si elles ne sont pas épargnées. »

Au total, l’URSAFF a réussi à recouvrir 409 millions d’euros en Île-de-France en 2022, soit plus de la moitié des 788 millions d’euros au niveau national. Sur les 5 dernières années, la proportion reste quasiment la même avec 3,5 milliards d’euros recouvrés en France, dont 1,6 dans la région capitale.

Comment expliquer cette surreprésentation de l’Île-de-France dans le travail illégal ? Ces secteurs sont justement plus importants en région parisienne qu’ailleurs. Voilà pour une première explication.

Méthodes plus efficaces

Depuis 10 ans, l’URSSAF aurait réussi à doubler ses résultats, sans pour autant observer une évolution du montant de la fraude sur le terrain. L’efficacité du ciblage et des investigations expliqueraient la croissance de ces résultats.

Les inspecteurs s’appuient désormais sur des systèmes d’information, des données d’intelligence artificielles. Le Data mining, par exemple (la fouille de données), permet de repérer, au regard de la composition ou des profils des entreprises, des situations de risque élevé de travail dissimulé. « C’est sur cette base que les actions peuvent être ciblées », poursuit Emmanuel Dellacherie. « Il y a la machine, et il y a l’humain. »

Côté humain, l’efficacité de la lutte contre le travail dissimulé implique aujourd’hui une coordination plus élaborée avec différents services. Police, gendarmerie, l’inspection du travail, ou parquets partagent leurs données (signalement, pv, éléments de suspicion etc…). S’il y a un fort enjeu, ces services peuvent agir ensemble en amont, et constituer une force de frappe sur des opérations de contrôle. Débarquer sur un grand chantier, auditionner toutes les personnes, nécessitent un nombre important d’agents. Les autres régions n’ont pas toutes cette capacité d’agir. Fort de ces bons résultats, l’URSSAF va d’ailleurs recruter à gogo. D’ici 2027, elle aura presque doublé ses effectifs dans la région, par le jeu des nouvelles embauches et du redéploiement.

Enjeux multiples

Car le travail illégal est entré dans le viseur du gouvernement. Le 22 Mai dernier le ministère du Travail en a fait une priorité. « Un phénomène d'ampleur, qui entraîne un manque à gagner de 5,2 à 6,6 milliards d'euros pour la Sécurité sociale et l'assurance chômage », selon Olivier Dussopt, qui a ainsi présenté un plan de 34 mesures, visant à coordonner l'action des services de l'État pour « mieux contrôler, mieux sanctionner, mieux recouvrer et réparer les préjudices liés au travail illégal ».

Pour le ministère, la lutte contre la fraude n’est pas seulement menée pour remplir les caisses de l’Etat. Elle a aussi pour enjeu de préserver le modèle social, prendre en compte les droits sociaux des salariés, et assurer une concurrence loyale entre les entreprises.

Un entrepreneur risque aujourd’hui jusqu’à 3 ans de prison et 45.000 euros d’amendes en cas de travail illégal. Assez souvent il y a des suites pénales, ou des peines complémentaires, comme l’interdiction de gérer une entreprise.

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