Une octogénaire admise en décembre à l'hôpital d'Eaubonne (Val-d’Oise) a dû faire face à une attente interminable, "dans un couloir". Alors que la patiente est décédée deux semaines après, sa fille dénonce "l’impact sur sa santé" de ce passage aux urgences.
"Quand on voit la succession de brancards et de patients qui attendent aux urgences, ce n’est pas acceptable", dénonce Marie-Pierre Mazzaggio. Cette habitante de Beauchamp a décidé de porter plainte contre l’hôpital Simone Veil d’Eaubonne pour "délaissement d’une personne hors d’état de se protéger", après la mort de sa mère, Josette Carlier, à l’âge de 83 ans.
L’octogénaire - résidente de l’Ehpad Le Village à Taverny - a été admise dans un état de faiblesse aux urgences de l’hôpital Simone Veil le 19 décembre à 19h, en présentant une saturation basse et une hypotension faible, raconte Marie-Pierre Mazzaggio. "Quand je suis arrivée, à 21h, ma mère était placée sur un brancard dans un couloir, avec seulement un drap jetable et une chemise de nuit. Ils n’avaient même pas de couverture, j’ai laissé ma doudoune à ma maman et je suis reparti vers minuit", explique-t-elle.
"J’ai appelé l’hôpital le lendemain matin, on m’a dit que ma mère n’avait pas encore vu un médecin, il y avait toujours deux personnes devant elle. Ma nièce a pris le relai en allant attendre dans le couloir des urgences avec ma maman. Un médecin a pu l'ausculter à 19h, soit 24 heures après son arrivée. Au cours de la journée, ma nièce a demandé plusieurs fois un change pour ma mère. Comme collation, elle n’a mangé que deux cuillères de compote", poursuit Marie-Pierre Mazzaggio.
"Ça ne fera pas revenir ma maman, mais si ça peut permettre d'éviter ça à d’autres familles…"
"Le diagnostic du médecin indiquait que ma mère souffrait notamment d’un manque de sodium, d’un globe urinaire, d’une insuffisance rénale aiguë, de déshydratation et de plusieurs oedèmes, raconte-t-elle. Puis, en attendant d’être admise au service de gériatrie aiguë, elle a été remise dans un couloir pour passer la nuit. Le 21 décembre à 14h, on nous a expliqué qu’il n’y avait pas de place dans ce service. A 15h, ma mère a été renvoyée dans son Ehpad. Elle a passé 44 heures aux urgences."
Deux semaines après, le 4 janvier, Josette Carlier est décédée. "J’étais à ses côtés. De retour dans sa chambre à l’Ehpad, ma mère a refusé de s'alimenter. Elle avait notifié depuis bien longtemps qu’elle ne voulait pas subir d’acharnement thérapeutique. Quand elle est rentrée à l’Ehpad, elle était dans un désarroi physique et psychologique, elle a totalement lâché", explique Marie-Pierre Mazzaggio, qui dénonce "l’impact sur sa santé" du passage aux urgences.
En déposant plainte, elle souhaite pointer du doigt "les négligences du gouvernement, qui ne prend pas suffisamment en compte ce qui se passe aux urgences et dans les hôpitaux". "Ça ne fera pas revenir ma maman, mais si ça peut faire bouger un petit peu les choses, et permettre d'éviter ça à d’autres familles… Personne ne mérite ça", souligne-t-elle.
L’hôpital évoque un contexte "de tension exceptionnelle"
"Le message de la famille de la patiente a retenu toute notre attention, nous compatissons à leur peine et nous sommes en lien pour apporter des réponses", répond l'hôpital Simone Veil dans un communiqué. "Concernant le contexte, la fin de l'année 2022 a été marquée par une situation critique au niveau national et local, poursuit l’établissement. Cela s'est traduit par des tensions très fortes sur les hôpitaux publics liées aux épidémies de grippe et de Covid, à des difficultés de recrutements et à des fermetures de lits."
"A l'Hôpital Simone Veil, cette situation de tension exceptionnelle a conduit à renforcer les équipes soignantes autant que possible et à gérer au plus près les lits d'hospitalisation disponibles. Malgré la mobilisation de nos équipes, le temps d'attente aux urgences a été allongé sur cette période", ajoute l’établissement. L’hôpital dit être "sincèrement désolé" pour les patients "et leurs proches".
De son côté, Marie-Pierre Mazzaggio souligne l’"extrême bienveillance" du personnel de l’Ehpad de Taverny. "On casse du sucre sur le dos des Ehpad, mais il ne faut pas tous les mettre à la même enseigne… Avec ma famille, nous sommes restés non-stop dans la chambre pour veiller et accompagner ma mère jusqu’à son dernier souffle", se souvient-elle.