Lettre de Madeleine Riffaud : "Aujourd'hui à l'hôpital, on maltraite les plus faibles de notre société, les personnes âgées", réagit l'urgentiste Christophe Prudhomme

Dans un courrier adressé à l'AP-HP, la résistante âgée de 98 ans raconte le calvaire qu'elle a vécu aux urgences de l'Hôpital Lariboisière à Paris, abandonnée sur un brancard pendant 24 heures sans manger.

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"Il y a deux semaines, j’ai dû me rendre aux urgences pour un examen important dû à un covid long, variant omicron." Voici comment la résistance de 98 ans, aujourd'hui malvoyante, débute le récit de son passage aux urgences à l'hôpital Lariboisière (AP-HP) dans le 10e arr. de Paris relaté dans une lettre adressée au directeur de l'AH-HP et publiée sur un site internet. 

Je suis restée 24 heures sur le même brancard, sans rien manger, dans un no man’s land

Madeleine Riffaud

"Je suis restée 24 heures sur le même brancard, sans rien manger, dans un no man’s land. C’était Kafka", écrit-elle. (...) "Et puis on m’a laissée là, sans aucune affaire, sans moyen de communication avec mes proches (qu’on ne prévenait d’ailleurs pas de l’évolution de la situation."

Et de poursuivre : "Le lendemain après-midi, l’hôpital n’ayant pas de lit disponible pour moi, on m’a transférée dans une clinique privée, sans jamais avoir prévenu mes proches. J’étais la troisième âme errante que cette clinique réceptionnait ce jour-là."

Ma mésaventure, c’est une histoire quotidienne dans l’hôpital en France (...) Si je peux être leur voix - comme Aubrac m'avait demandé d'être l'une de la résistance - alors je le serai.

Madeleine Riffaud

La crise de l'hôpital public

Madeleine Riffaud ne vise pas les soignants mais dénonce plus généralement, l'état de l'hôpital public. "Nous avions été nombreux, au cours des années, à témoigner sur l’état lamentable de la santé. Durant tout ce temps, aucun dirigeant n’a voulu entendre. Si la pandémie de 2020 a changé quelque chose, c’est en mal : le personnel est épuisé. L’état les a tous abandonnés, soignants comme malades", témoigne la nonagénaire, ajoutant : "Moi, j’ai de la chance, j’ai des amis, et des confrères journalistes. Mais tous ces pauvres gens qui n’ont personne, que peuvent-ils faire ? Quand on entre dans le circuit infernal, quand on est aspirés dans le néant des urgences, on ne peut pas en sortir indemne. Parfois même, on n’en sort pas vivant."

Oui il y maltraitance des patients

Christophe Prudhomme, urgentiste en Seine-saint-Denis

Pour Christophe Prudhomme, médecin urgentiste en Seine-Saint-Denis, et porte-parole de l’Association des médecins urgentistes de France, "La voix de Madeleine Riffaud peut être un écho pour dénoncer cette maltraitance contre laquelle on lutte depuis des années et qui ne provoque aucune réaction des autorités qui sont dans le déni total." Une maltraitance qui entraîne, selon lui, une perte de sens pour les patients et les soignants.

"Le problème des urgences, n'est pas de culpabiliser les gens qui viendraient soit-disant pour rien, le problème c'est que nous n'avons pas de lits pour hospitaliser les gens qui en ont besoin. Notamment à  l'Hôpital Lariboisière, l'un des plus grands hôpitaux parisiens .D'où le transfert de Madeleine Riffaud dans une clinique", souligne-t-il. L'urgentiste s'élève contre les fermetures successives de lits : "100 000 en 25 ans dont 17 000 pendant le premier quinquennat de Macron et 5000 l'an dernier " et pointe le développement de l'ambulatoire déployé dans les hôpitaux.

La réponse de l'AP-HP

Dans un communiqué, l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris dit regretter, "la façon dont la patiente (Madeline Riffaud, Ndlr) a vécu sa prise en charge et le fait qu’elle ait eu le sentiment d’avoir été insuffisamment accompagnée".

L'AP-HP affirme néanmoins que "des gestes techniques, de soins et de surveillance ont ainsi été dispensés à la patiente de façon régulière tout au long de sa prise en charge", retraçant la prise en charge de la patiente : "La patiente s’est présentée seule en ambulance aux urgences de l’hôpital Lariboisière le 4 septembre 2022 à 12h10. Elle a été accueillie par l’infirmière d’accueil et d’orientation, enregistrée dans le circuit de prise en charge du service puis auscultée par le médecin senior à 12h25, lequel lui a prescrit un certain nombre d’examens. Les prélèvements biologiques ont été réalisés à 12h43 et un scanner a été effectué à 17h25. Dans la soirée, la patiente a été transférée dans le secteur d’hospitalisation de courte durée des urgences. Le 5 septembre au matin, après l’examen clinique du médecin, la patiente a été transférée vers un autre établissement de santé adapté à sa situation médicale."

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