Plus de 700 élèves franciliens se sont rencontrés lors d'un tournoi inter-établissements de jeux vidéo dans le Val-d'Oise. A cette occasion, nous avons interviewé Nicolas Besombes. Maître de conférences en sociologie du sport à l'Université Paris-Cité, il mène une étude sur l'impact du esport dans les collèges et les lycées.
Dans le cadre du projet Educ ESport, des ateliers hebdomadaires ont été mis en place sur le temps para ou périscolaire pour 5 ans dans 20 collèges ou lycées de l’académie de Versailles. Ces élèves encadrés pas des animateurs et des professeurs se sont rencontrés lors d'un grand tournois de esport vendredi à Athética, un complexe sportif à Eaubonne dans le Val-d'Oise.
Ces ateliers de esport sont aussi l'objet d'une vaste étude universitaire menée par le laboratoire de l'Institut des Sciences du Sport Santé de Paris de l'Université Paris-Cité. Nicolas Besombes, maître de conférences en sociologie du sport au sein de cet institut nous en explique les enjeux et déconstruit nos préjugés sur les jeux vidéos.
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Quels sont les objectifs de l'étude que vous menez au sein des ateliers de jeux vidéos ?
Nicolas Besombes : Tout d'abord, nous souhaitons évaluer les effets de la mise en place de ces ateliers d'esport dans les collèges et les lycées : quels sont les effets sur le climat de la vie scolaire ? Sur les relations interpersonnelles entre les élèves dans une même classe, ou entre des classes différentes ou de niveaux différents ? Quels ont les effets entre les élèves et le personnel enseignant qui encadrent les ateliers ? Nous voulons évaluer également les relations entre les élèves et le personnel administratifs.
Evaluer les effets de ces ateliers sur le développement de compétences cognitives, mais également des compétences psychosociales
Nicolas Besombes, maître de conférences Université Paris-Cité
Le deuxième objectif est d'évaluer les effets de ces ateliers sur le développement de compétences cognitives, mais également des compétences psychosociales, et bien sûr des compétences numériques qui sont nécessaires dans le jeu vidéo.
Le dernier objectif est d'être en mesure de proposer des actions et des recommandations à mener au cours des cinq ans que va durer ce dispositif au sein des établissements scolaires.
Que vous apprennent ces ateliers ?
N B : Notre étude se poursuit, mais nous avons déjà travaillé sur des enquêtes exploratoires dans trois collèges, à Trappes, au Mureaux et à Chatou et avons pu en tirer des enseignements.
Ce que nous avons remarqué, c'est qu'il y a une vraie complémentarité entre le rôle de l'enseignant et le rôle de l'animateur de esport qui gère les ateliers. Cela nous montre l'importance du rôle de l'adulte en tant que médiateur entre l'outil technologique et les élèves. Ils jouent un rôle majeur dans le processus d'apprentissage des jeux vidéos. Les élèves ne jouent pas seuls chez eux, mais dans une pratique éducative encadrée.
Ce qu'il faut bien comprendre dans ce dispositif, c'est qu'il est encadré. Il est supervisé pédagogiquement par des enseignants, des animateurs spécialisés dans le jeu vidéo, et cela dans un contexte scolaire. Ça se passe dans l'établissement scolaire avec tout ce que l'institution peut déterminer dans le comportement des élèves.
Ce que nous avons observé également, c'est qu'il y a une grande diversité d'interactions entre les participants ou participantes : entraide, capacité à se féliciter, à se réjouir, mais aussi parfois à railler les perdants. Nous avons aussi observé lors des tournois un sentiment de fierté d'appartenir à son établissement scolaire.
Les élèves ne jouent pas seuls chez eux, mais dans une pratique éducative encadrée.
Nicolas Besombes, maître de conférences Université Paris Cité
Quels sont les bénéfices pour les élèves ?
Nous avons observé une amélioration du savoir-être, de l'estime de soi, certains élèves qui ne performent pas spécialement en cours étaient valorisés par leurs compétences dans le jeu vidéo. Les enseignants ont pu tisser des liens avec les élèves.
Les élèves savent qu'à la fin ils peuvent être sélectionnés pour participer à un tournoi et représenter leur collège ou leur lycée. On observe une amélioration de l'assiduité des élèves notamment en difficulté. Ces ateliers sont aussi un levier pour lutter contre l'absentéisme, mais aussi un moyen de faire la promotion de filières dans le monde de la technologie.
Ce que l'on observe aussi que c'est que le jeu est aussi un levier de motivation pour apprendre car la dimension ludique engage beaucoup plus les élèves dans les apprentissages que dans les cours traditionnels.
Ces moments de jeux sont aussi vus comme un moment de détente, "un sas de décompression" pour les troisièmes à l'approche de l'examen du brevet.
Et pour les professeurs ?
Certains enseignants ont relevé des améliorations comportementales de certains élèves. Ceux qui étaient agités dans des cours traditionnels avaient appris à rester plus calmes pendant ces temps périscolaires.
Pour les enseignants, cela a un réel intérêt éducatif, car aujourd'hui pratiquer le jeu vidéo nécessite des compétences qu'elles soient motrices, cognitives ou sociales.
Il faut se poser la question suivante : est-ce que ces compétences nécessaires pour le jeu vidéo sont-elles transférables dans d'autres matières scientifiques, que ce soit l'apprentissage des langues, les mathématiques, l'histoire ou encore la technologie... ?
Les jeux vidéos ont-ils leur place à l'école ?
N B : Je pense que l'école est un espace privilégié pour faire de l'éducation au numérique en se servant des jeux vidéos, pour former des citoyens qui sauront utiliser les nouvelles technologies, les outils numériques. Quel que soit le métier que les élèves feront, ils seront amenés à naviguer sur le net, dans un ordinateur, dans un répertoire. On les fait aussi s'exprimer à l'oral pour commenter les compétitions.
A l'école, quel que soit son niveau social, sa religion, son genre, tous les élèves peuvent bénéficier du même enseignement et du même encadrement.
Et pour les élèves pour qui les écrans sont une source de conflit dans le cadre familial, l'école permet d'apprendre les bonnes pratiques, et de faire de la prévention.