C'est une victoire pour les opposants à la méga-bassine de Banthelu dans le Val-d’Oise. A la demande de la préfecture, elle va être rebouchée. Elle a en effet était bâtie sur un terrain inconstructible. Retour sur cette pomme de discorde entre écologistes, riverains et un agriculteur, propriétaire du terrain.
Alors que de violents affrontements ont eu lieu à Sainte-Soline dans les Deux-Sèvres entre les opposants à la méga-bassine et les forces de l'ordre, à Banthelu dans le Val-d'Oise, c'est une décision préfectorale qui a mis fin au conflit entre les riverains, les écologistes et le propriétaire du terrain. En effet la réserve d'eau doit être rebouchée, étant bâtie sur un terrain inconstructible.
Une réserve d'eau de 25 000 m3
Comme un nez au milieu de la figure. Avec ses 125 mètres de long sur 50 mètres de large, difficile de passer à côté de la "méga-bassine" implantée en bordure de route à l’entrée du village de Banthelu (150 habitants) . Une bassine pouvant contenir l’équivalent de dix piscines olympiques, soit 25 000 m3 d’eau, réalisée en catimini cet été. "Le propriétaire du terrain, un agriculteur, avait fait une simple demande de forage auprès de la direction départementale des territoires. Elle lui permettait de prélever près de 150 000 m3 d’eau par an à 111 mètres de profondeur pour irriguer 350 hectares de cultures, explique Maxime Colin, juriste à l’association France Nature Environnement. Mais une fois la demande acceptée, il en a profité pour entreprendre les travaux de la bassine sans l’autorisation de la mairie, donc illégalement."
Plusieurs habitants de Banthelu s’étant alarmés de cette installation à leur retour de vacances, une demande de permis d’aménagement est finalement déposée en septembre. Or, le terrain est en zone protégée non constructible. L'agriculteur n’obtient donc pas l’autorisation de raccorder le forage à la bassine, un immense trou couvert de bâches au milieu du parc naturel. Fin décembre, alors que le terrain n’a toujours pas été comblé, le préfet du Val-d'Oise Philippe Court indique à la mairie la démarche à suivre pour dresser un procès-verbal dans les plus prompts délais. Une démarche restée lettre morte. Dans un communiqué publié cette semaine, le préfet a décidé de mettre en demeure le maire de la commune afin qu'il transmette le procès-verbal dressé. Le cas échéant, il menace de se substituer au maire comme le droit l'y autorise.
Mobilisation des écologistes et des riverains
"Cette bassine est terminée, mais il n’y a aucune possibilité pour qu’elle soit régularisée. Nous exigeons aujourd’hui la remise en état du terrain qui a été défriché afin de lui rendre sa vocation agricole", indique de son côté Maxime Colin. Son association, France Nature Environnement, sera présente ce samedi à Banthelu aux côtés de Val-d’Oise Environnement, les Amis de la Terre-Val d’Oise, la Confédération Paysanne, des habitants et des élus. Tous demandent que ce projet soit définitivement stoppé et souhaitent plus largement ouvrir un débat sur la gestion de l'eau dans le département. "C’est pas seulement le problème de la bassine, c’est celui de la politique agricole", pointe Bernard Loup, président de l’association Val d’Oise Environnement. Le militant, très actif dans son département, dénonce la multiplication des forages autorisés ou en cours d’instruction dans le Vexin et la Plaine de France pour l’irrigation agricole.
Il y a actuellement 7 ou 8 forages dans le Vexin. Pour faire quelques hectares de légumes, on va aller pomper la nappe en dessous de l’eau potable alors que les ressources en eau se font rares et que c’est un bien commun. Il y un problème de partage. Aujourd’hui, chaque exploitant fait ce qu’il veut.
Bernard Loup, président de l'Association Val d'Oise Environnement
Une problématique soulevée également par le député écologiste du Val-d’Oise Aurélien Taché. Il sera présent ce samedi lors de la mobilisation. "Pour l'irrigation, l'eau est prise dans la nappe inférieure à la nappe d'alimentation en eau potable. L'intensification des pratiques agro-industrielles et l'irrigation impacteront la qualité de la nappe d'eau potable, indique-t-il. La manière dont s’implantent les méga-bassines est révélatrice d’une absence de gouvernance partagée autour des orientations agricoles d’un territoire. Comme dans tous les départements, il existe des comités ressources en eau présidés par la préfecture qui le réunit seulement lors des périodes sécheresse pour valider les arrêtés préfectoraux. C'est dans ce contexte et sans aucune concertation qu'est apparue durant l'été 2022 la construction de la bassine de Banthelu."
Alors que la recharge des nappes phréatiques est de plus en plus faible, que les arrêtés préfectoraux anti-sécheresse se multiplient en Île-de-France, la confédération paysanne s'associe à cette demande de concertation. "Nous ne sommes pas opposés à l’irrigation. Nous avons beaucoup de maraîchers qui ont des petites retenues d’eau, mais pas à cette échelle. Quid du contrôle de ces forages ? Là, dans le cas de Banthelu, il y a une forme d’accaparement. Il faut des instances de décision, de la concertation sur cette question."
L'agriculteur, a l'origine de la construction de cette méga-bassine, n'a pas répondu à nos sollicitations.