Sacrifices d'animaux et purification par le sang, les ex-adeptes floués décrivent des cérémonies aussi ahurissantes que coûteuses: une "prêtresse" vaudoue et sa famille sont jugées à partir de mardi au tribunal correctionnel de Pontoise (Val-d'Oise).
Leur procès, qui doit se tenir jusqu'au 22 février, est la conclusion d'une information judiciaire ouverte en novembre 2008 pour des faits d'abus de faiblesse aggravé et d'actes de barbarie sur animaux domestiques.
La "prêtresse", une femme de 65 ans surnommée "Maman" par les adeptes, dirige alors depuis plusieurs années avec son mari du même âge, dit "Parrain", et leurs filles jumelles de 39 ans, un mouvement animiste antillais d'environ deux cents membres franciliens, accusé de dérives sectaires.
Des cérémonies avec sacrifices d'animaux sont organisées dans le Val-d'Oise
L'enquête avait débuté deux ans plus tôt, quand des membres de cette association, qui a ses habitudes dans le petit pavillon du couple à Marly-la-Ville dans le nord du Val-d'Oise, déposent leurs premières plaintes fin 2006 à la gendarmerie, dénonçant des extorsions de fonds et une forte emprise psychologique. Ils décrivent aux enquêteurs des cérémonies sordides, où sont sacrifiés des poulets à coup de sabre et les fidèles aspergés de sang lors de rites de purification menés au son du tambour et des transes de la "prêtresse".
Mais pour l'accusation, le culte vaudou n'est qu'un prétexte pour enrôler des adeptes: recrutés lors de séances de voyance que la prêtresse autoproclamée pratique depuis 1989, ils sont ensuite invités à des cérémonies initiatiques pour lesquelles la participation financière requise augmente de plus en plus.
Sujétion psychologique
Les victimes, qui ont parfois dû lourdement s'endetter, voire vendre leur maison ou se couper de leur famille, rapportent diverses techniques d'intimidation et de pression. Ils accusent "Maman" de recourir aux insultes ou à la violence en présence de l'assemblée des adeptes.Selon leurs témoignages, les consultations de voyance pouvaient coûter jusqu'à 500 euros, un "travail" pour faire revenir l'être aimé ou trouver un emploi était payé entre 300 et 3.000 euros, tandis que les séances d'initiation pouvaient se chiffrer jusqu'à 12.000 euros.
La procédure judiciaire s'allonge : les victimes, qui craignent des représailles, y compris par le biais de maléfices, sont difficiles à identifier. Elles répugnent à déposer plainte ou finissent par la retirer.
En 2009, une première vague d'interpellations est menée qui aboutit à la mise en examen du couple et de leurs enfants ainsi qu'à la dissolution de l'association. Mais les activités reprennent par la suite, jusqu'à la décision fin avril 2015 de renvoyer les prévenus en correctionnelle.
Une trentaine de plaintes mais seulement onze personnes se sont portées parties civiles
Au final, une trentaine de plaintes ont été enregistrées sur la centaine de membres entendus par les enquêteurs, mais onze seulement se sont portés parties civiles. "Les témoignages varient et certains ont quitté la procédure en cours de route: il leur est difficile de sortir de l'emprise psychologique" de cette famille, explique un de leurs avocats. "Certains ne viendront pas au procès car ils ont peur de revoir" les prévenus, ajoute-t-il, précisant que les victimes "sont de tous âges et de toutes couches sociales".
Les investigations avaient aussi mis au jour l'existence d'un temple vaudou dans la résidence secondaire de la famille en Martinique. L'abus de faiblesse commis par le dirigeant d'un groupe maintenant ses membres en état de sujétion psychologique est passible de cinq ans d'emprisonnement et de 750.000 euros d'amende.