A l’approche de la journée des droits des femmes, le 8 mars, la Ville de Saint-Denis annonce préparer la mise en place d'un dispositif "Angela" : un système qui invite les commerces à accueillir les femmes victimes de harcèlement de rue. Une initiative lancée pour la première fois en Île-de-France par la mairie d'Alfortville, il y a trois ans.
Des macarons "Où est Angela ?" vont bientôt faire leur apparition sur les vitrines des commerces de Saint-Denis, en Seine-Saint-Denis. La mairie compte en effet mettre en place un dispositif "Angela", "avant les JO". "Quand une femme se sent harcelée ou fait face à un risque d’agression, elle peut entrer dans un établissement et demander 'Où est Angela ?' pour s’y réfugier. Le commerçant doit alors avoir été formé à accueillir la parole, mettre à l’abri les personnes, et contacter la police", résume Oriane Filhol, l’adjointe en charge notamment des droits des femmes.
"C’est un complément, un dispositif supplémentaire qui ne se suffit pas à lui-même, souligne l’élue. Nos policiers municipaux sont formés aux violences sexistes et sexuelles, et ont donc déjà une sensibilité particulière et une capacité à faire face aux situations problématiques dans la rue, et accueillir les femmes concernées. Nous comptons aussi sur la vidéosurveillance et la sensibilisation."
"Toutes les femmes l’ont déjà expérimenté : quand on ose interpeller quelqu’un dans la rue, il arrive que l’accueil qu’on reçoit des autres personnes présentes ne soit pas à la hauteur, avec parfois des remarques sexistes, ou des hommes qui ne comprennent pas la détresse à l’instant t. Pour le dispositif 'Angela', on a commencé le recrutement des commerçants, qui devront ainsi être formés", poursuit Oriane Filhol.
"On invite tous les commerçants à participer à la démarche. On espère avoir des types d’établissements très divers, pour correspondre aux habitudes du plus grand nombre de femmes", ajoute-t-elle. La mairie de Saint-Denis précise que la liste des établissements n’est pas encore fixée, mais que les formations devraient commencer "courant avril". "Des documents ressources seront également fournis", indique la Ville.
"Le but est d’abord de dissuader"
En région parisienne, la première municipalité à avoir mis en place ce type d’initiative est la mairie d’Alfortville, dans le Val-de-Marne. C’est Catherine de Rasilly, l’adjointe en charge notamment des droits des femmes, qui a lancé l’idée. "Le dispositif date du 8 mars 2021, en pleine crise sanitaire, raconte-t-elle. Le concept 'Where's Angela?' vient de villes universitaires britanniques comme Cambridge et Oxford, pour aider les étudiantes importunées dans la rue à trouver refuge dans des salons de thé ou des pubs."
"J’ai gardé le nom et le logo des pastilles installées sur les vitrines, afin de conserver le même symbole, mais j’ai détourné le système. J’ai essayé de me mettre à la place des jeunes filles qui sortent du collège ou du lycée : en France, est-ce que j’aurais le courage de pousser la porte d’un café ou d’un resto ? J’ai donc adapté le dispositif en ciblant les commerces. Ce n’est pas la même ambiance", poursuit l’élue.
Depuis trois ans, 200 commerces ont rejoint l’initiative. Et contrairement à Saint-Denis, aucune formation n’est requise. "Donc ça ne coûte rien. Ça ne demande aucun investissement, ni en temps ni en argent. Il s’agit juste d’être prêt à ouvrir sa porte à quelqu’un qui ne se sent pas en sécurité. Au début, j'ai fait du porte-à-porte, d’abord dans les rues principales. Puis au fur et à mesure, d’autres établissements nous ont contactés, ça a bien accroché", retrace Catherine de Rasilly.
"Aujourd’hui, les retours sont bons. Les commerçants racontent que les personnes qui poussent la porte ne sont pas forcément des jeunes femmes, il y aussi des gens d’un certain âge qui se sentent suivis. Le dispositif a vraiment eu un impact positif. Les gens qui m’en parlent disent que c’est notamment utile à la sortie du RER ou du métro, et ça fonctionne aussi particulièrement bien l’été quand les terrasses sont ouvertes. Le but est d’abord de dissuader, les femmes peuvent attendre que ça passe ou contacter leurs proches, on arrive rarement au stade policier", indique-t-elle.
"Depuis, beaucoup de villes ont copié le système. Nîmes, Lyon… Je sais que ça va aussi être mis en place à Paris, avec le même logo. C’est bien, ça reste reconnaissable", se réjouit l’élue. Elle explique aussi avoir été contactée par la RATP, avant la création des premières "safe places" sur le réseau de transports.