VIDEO. L'Equipe Mobile de Soins Palliatifs à Créteil, une des toutes premières en France pour accompagner la fin de vie

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Notre reportage en immersion dans l'Unité Mobile d'Accompagnement et de Soins Palliatifs (EMASP) à Créteil (94) ©Didier Morel, Marion Huguet, Laurence Puech, Christine Gadelorge, Laurence Comiot et Jérémie Capelier

Soins palliatifs et accompagnement pour soulager la douleur sont devenus indissociables depuis un peu plus de 20 ans. L'équipe mobile accompagne les patients en fin de vie dans les services l'hôpital de Créteil (94) où ils sont hospitalisés. En plein convention citoyenne sur l'aide médicale à mourrir et l'euthanasie, découvrez ce reportage en immersion.

"Plus on met précocement en place les soins palliatifs, meilleur est le bénéfice", nous confie d'entrée le Dr Anne Rohan.

Ce médecin généraliste de formation, qui a aussi exercé dans un service de cancérologie, a compris très tôt l'importance de l'accompagnement des patients hospitalisés. Un accompagnement pour soulager les douleurs réfractaires et, quand les soins curatifs ne sont plus possibles, mettre en place des soins palliatifs. Anne Rohan est ainsi à l'origine de la création de l'Equipe Mobile d'Accompagnement et de Soins Palliatifs (EMASP) du CHI de Créteil (94) au début des années 2000. Une des toutes premières structures de ce genre en France. Cette hiver nous avons suivi en immersion ce médecin - cheffe de service et son équipe de quatre personnes composé d'un infirmier, deux psychologues et une assitante médicale.

Ce jour-là, dans une chambre du service d'oncologie, une dame âgée à la tunique colorée de vert, orange et jaune nous autorise à entrer dans sa chambre. Elle est assise sur le bord de son lit quand elle est soudain prise de tremblements. Elle souffre d'un cancer du foie. Pour l'apaiser, Lambert Vadrot, l'infirmier de l'équipe spécialiste de la douleur lui parle avec douceur et lui propose d'utiliser une balle de caoutchouc.

L'expression "soins palliatifs" continue de faire peur

Depuis juin 1999, une loi pose le recours aux soins palliatifs et à l’accompagnement comme un droit pour toute personne qui en a besoin. Une alternative à l'aide médicale à mourir, le suicide assisté ou l'euthanasie, pour répondre aux débats qui traversent notre société depuis des décennies.

Alors dans certains hôpitaux se sont mis en place près de 80 EMASP, des Unités Mobiles d’Accompagnement et de Soins Palliatifs

La différence avec les services de soins palliatifs, c’est que ces équipes se rendent directement dans les autres services de soin : oncologie, pneumologie pour soulager la douleur des patients et aussi accompagner la fin de vie de certains.

Chaque matin l'équipe se réunit pour faire le point sur les différents patients suivis. Lors de la semaine précédant notre arrivée, le Dr Rohan constate : "Dans le service de Pneumologie, il y a eu 10 décès en une semaine avant votre venue. Les soignants n'en peuvent plus...") Après avoir évoqué le départ d'un patient en ORL vers une structure à proximité de Soins Palliatifs, elle précise : "il y a le feu partout et on recherche constamment des lits..."

"Au début quand j'entrais dans une chambre, on me demandait où est la faucheuse ?"

Dr Anne Rohan - médecin responsable de l'Equipe Mobile d'Accompagnement et de Soins Palliatifs

Cette expression "soins palliatifs" continue de faire peur. Alors les soignants de l’unité mobile se présentent parfois comme l’équipe de la douleur. Le Dr Rohan se souvient des premières fois : "C'est un mot qui est chargé, c'est un mot qui fait peur, c'est un mot qui dit la mort. Bien sûr que ça faisait peur il y a 20 ans et ça fait peur encore aujourd'hui. Mais les soignants ont appris à nous connaître, et donc c'est ça qui a changé. Le patient, il a toujours cette représentation de soins palliatifs, mais les équipes se sont formées, elles ont appris à nous appeler. les soignants ont vu aussi le bénéfice de ces prises en charge de soins palliatifs précoces. On s'est apprivoisé. Mais ça reste un mot difficile."

La morphine est très efficace contre la douleur

Dans l'équipe, l'infirmier Lambert Vadrot est devenu un spécialiste de la prise en charge de la douleur. Il a rejoint l'unité mobile il y a 5 ans. Il nous confie : "Avant de rentrer dans le milieu palliatif, je trouvais qu'on s'occupait de la maladie et non de la personne. Et ça, ça ne m'allait pas vraiment. Et là, j'ai pu trouvé dans cette équipe de soins palliatifs, la possibilité de vraiment prendre en compte la personne dans toute sa dimension physique, psychique et spirituelle, et accompagner aussi la famille. Et c'est cette globalité, cet ensemble, qui m'a séduit et qui m'a donné ce déclic aussi de partir rejoindre une équipe qui s'occupe de la personne humaine."

Depuis il s'est formé également à l'hypnose et aux massages. Jusque dans les années 1980, la plupart des personnes finissaient leur vie à domicile. Désormais pour 3 personnes sur 4, c’est à l’hôpital. Auparavant le traitement de la douleur n’était pas - ou peu pris - en compte. Seulement guérir à tout prix importait. Désormais, dès que c'est nécessaire, l'équipe mobile propose la mise en place d'une pompe à morphine.

Lors de notre passage, après un week-end de souffrances, un enseignant formateur de 62 ans peut enfin soulager par lui-même ses douleurs persistantes. Depuis 7 ans, il vit avec un cancer du poumon.

Décriée, comme toutes les drogues, la morphine a longtemps eu mauvaise réputation. Aujourd'hui, bien dosée, on la propose plus facilement. Reste à convaincre et former les soignants des différents services.

Même si on ne peut pas toujours guérir, on doit pouvoir toujours soulager et accompagner jusqu’au bout avec des soins dispensés aux mourants. D'ailleurs chaque membre de l'équipe réfute ce terme. Lambert, l'infirmier précise : "Il y a de la vie jusqu'au dernier souffle." Parfois les soignants font face à des demandes pour abréger les souffrances au plus vite. La boussole de l’équipe est claire, uniquement ce que permet la loi. C’est-à-dire une sédation profonde et continue jusqu’au décès.

Accepter de s’effacer tout en restant présent

En lien quotidien avec les autres hôpitaux et les familles, l'assistante médicale de l'équipe mobile, Audrey Commun, permet de ré-orienter les patients qui le demandent vers les Unités de Soins Palliatifs de la région. Mais les places manquent. Pour les 12 millions d’habitants de l'Ile-de France, on compte seulement une trentaine d’unités dédiées parmi les 240 établissements de santé en IDF.  

L’annonce de la fin de vie est un moment particulier et souvent difficile. Dans ces situations, les deux psychologues de l'unité, Odile Viel et Ludivine Dupire, sont à l'écoute des malades et de leur famille. Quand le temps de vie est compté, toute la perspective change et « ce n’est plus la quantité mais la qualité du temps passé » qui importe, précisent-elles.

Les deux psychologues occupent chacune un poste à mi-temps. Pour autant le travail ne manque pas. L'équipe devrait être deux fois plus nombreuse. Comme dans tous les établissements de santé public, les financements font défaut - et les personnels compétents difficiles à recruter.

Une évolution avec la convention citoyenne sur la fin de vie ?

Depuis décembre 2022, une convention citoyenne débat sur la fin de vie. Il faut améliorer le "cadre actuel d'accompagnement de la fin de vie" en développant notamment les soins palliatifs, et cela indépendamment de l'éventuelle légalisation d'une "aide active à mourir", ont plaidé majoritairement les 184 participants à ce dispositif de démocratie participative. Entre autres propositions, les citoyens participants suggèrent d'inscrire dans la loi un "droit opposable à l'accompagnement à la fin de vie et aux soins palliatifs" et de débloquer pour cela les budgets nécessaires sur le principe du "quoi qu'il en coûte". Il faudrait également financer des recherches pour mieux soulager la douleur, et développer l'accompagnement des mourants par des psychologues, proposent-ils.

Jusqu'en décembre dernier, l'Unité Mobile de Soins Palliatifs de Créteil comptait un second médecin dans l'équipe. Depuis lors, le Dr Anne Rohan cherche activement à le remplacer. L'épuisement professionnel guette. Dans l'accompagnement de la fin de vie plus que dans les autres secteurs de santé, il est devenu très difficile de recruter. C'est dès la formation initiale que les nouveaux soignants devraient être sensibilisés.

Dans la région, plus de 6 Franciliens sur 10 auraient eu besoin de soins palliatifs sur la fin de leur vie. Les unités mobiles apparaissent donc comme une bonne alternative possible à l'aide active à mourir en débat.

A découvrir, notre reportage en immersion dans une unité mobile, méconnue du grand public et même de certains soignants - Didier Morel, Marion Huguet, Laurence Puech, Christine Gadelorge, Laurence Comiot et Jérémie Capelier dans l'émission Enquêtes de Région.

Pour trouver une équipe ou une structure : l'atlas des soins palliatifs

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