VIDEO. Guerre des bandes: "Cela fait 50 ans que deux quartiers s'affrontent"

Yann Elliam et Ben Mvouama se sont immergés au cœur des rivalités entre bandes à Gennevilliers dans les Hauts-de-Seine. Afin de comprendre l'engrenage de la violence, ces deux anciens surveillants de lycée ont filmé les minutes qui précèdent un affrontement. "Jour de guerre" est l'un des films du concours France Télévisions : "Filme ton quartier", ou comment en moins de 3 minutes 30 mettre une lumière crue sur un débat relancé par la mort d'un adolescent devant son lycée à Thiais. Entretien avec Yann Elliam, co-réalisateur du documentaire.

Comment est né ce film?

Je travaillais pendant longtemps dans un lycée à Gennevilliers, j'étais en lien avec beaucoup de jeunes et il y avait souvent des affrontements entre bandes rivales aux alentours de l'établissement. Cela perturbait la vie du lycée car il y avait plusieurs jeunes mêlés à ces guerres de bandes. J'ai dialogué avec eux, organisé des ateliers pour discuter de ces problématiques et un jour, un d'eux m'a proposé de venir filmer pour voir leur état d'esprit avant une rixe. J'ai interviewé un jeune et j'ai filmé les minutes juste avant un affrontement pour être en immersion totale dans ce qui est leur quotidien.

Quel regard portez-vous sur ces affrontements?

En tant que surveillant on est toujours en première ligne: on est les premiers au courant, on a aussi souvent le rôle de médiateur ou pacificateur. Après ce sont des choses qui nous dépassent parce que ce sont des affrontements qui durent depuis des années et les structures extérieures au lycée n'ont pas beaucoup de moyens pour tenter de régler ces problèmes. On est souvent impuissant. 

On sent dans le film une forme de fatalité pour les jeunes embarqués dans les rixes?

Ça fait partie de leur vie, c'est leur quotidien. Ils savent que s'ils se retrouvent dans un lieu tout seuls et qu'ils croisent d'autres jeunes d'une bande rivale, potentiellement il peut y avoir une bagarre puis une autre en cas de représailles. 

"Cela fait plus de 50 ans que deux quartiers s'affrontent, et la raison première de ces rixes, même les jeunes l'ignorent."

Yann Elliam

 Ils savent juste que c'est le territoire ennemi. Les anciens du quartier étaient en guerre contre l'autre territoire donc instinctivement, il y a une haine installée dans leur tête. N'importe quel prétexte va être l'occasion de démarrer une rixe. C'est inscrit dans leur mentalité. Mais on a suivi des jeunes qui ont participé à un atelier vidéo et aujourd'hui on les trouve changés, ils ont mûri et ils essayent de se sortir de ces rixes. Peut-être que le cinéma est une échappatoire pour eux.

Qu'est-ce qui vous a marqué pendant le tournage?

Avant d'être surveillant au lycée, je lisais pratiquement chaque semaine des articles dans la presse sur ces rixes, parce qu'un jeune s'était fait poignarder ou parce qu'une affaire avait été médiatisée avec des vidéos violentes. Ce qui m'a marqué c'est qu'on n'humanise pas vraiment ces jeunes. Ce sont des jeunes violents, des sauvages etc... Et avant même que je sache qui participait aux rixes, je parlais avec eux, j'aidais certains pour leurs devoirs ou leur orientation et parfois j'étais choqué d'apprendre qu'un jeune si gentil et intelligent faisait partie d'une bande. Vraiment, n'importe qui peut être pris dans ce tourbillon de violence. Quand j'interroge le jeune avant la rixe, pour lui c'est la fatalité. Il se dit qu'il va être dedans jusqu'à ce qu'il déménage. La plupart du temps, ces jeunes arrêtent leur scolarité parce qu'ils se retrouvent inscrits dans un établissement d'un territoire ennemi. Quand ils sont repérés c'est le début d'une descente aux enfers. Les établissements qu'on leur propose ensuite sont tellement loin que la plupart du temps il ne tiennent pas le coup. Les rixes ont vraiment un impact très fort sur la scolarité des jeunes. 

durée de la vidéo : 00h03mn17s
Jour de guerre, réalisé par Yann Elliam et Ben Mvuama

Tous les courts-métrages de l'édition 2022 de "Filme ton quartier" sont à retrouver sur france.tv

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