Après avoir dénoncé le harcèlement moral et sexuel dont elle était victime, une jeune femme pompier affirme avoir été violée par un de ses supérieurs. Son avocat dénonce "l'omerta" au sein de la caserne qui a "brisé le rêve d'une gamine de 20 ans".
C'est une plainte qui fait suite à plusieurs autres déjà déposées contre des sapeurs-pompiers de Paris. Cette fois, un caporal est accusé de viol par une jeune femme qui était sous ses ordres. Alizée (son prénom a été modifié) a raconté au Monde (abonnés) son calvaire depuis son entrée dans la brigade au fort de Villeneuve-Saint-Georges (Val-de-Marne).
Après des semaines d'harcèlement moral et sexuel, la jeune recrue dénonce les faits à ses supérieurs, dont un caporal qui aurait profité d'un moment de faiblesse pour la violer, en août 2016. Une plainte a ensuite été déposée en octobre 2017.
Omerta chez les pompiers ?
L'avocat d'Alizée, Me Frank Berton, dénonce son lâchage par sa hiérarchie : "Je crois que cela ne se passe pas au niveau du général, mais de la caserne où elle était, de son centre de formation."Et d'ajouter : "En vérité, sa compagnie qui la soutenait dans un premier temps a cessé de la soutenir parce que c'est un peu l'omerta, parce que le but est que tout le monde entre dans le rang et que ce qu'il peut se passer auprès des jeunes filles qui intègrent le corps des pompiers sont des choses qui dérangent et qui gênent."
Un procédé "très curieux"
En cause, un rendez-vous chez une psychologue à la demande de sa hiérarchie. Ce rendez-vous se situe après que la jeune femme ait communiqué des faits de harcèlement par écrit à ses supérieurs. "Alizée a passé tous ses tests de psychologie, elle avait la capacité, des supers notes dans le cadre de sa formation et d'un seul coup, on est venu décréter (…) que finalement, elle était inapte au service. Cela paraît très curieux."Selon Me Berton, il s'agit là d'une tentative d'écarter Alizée "des cadres de sapeurs-pompiers de Paris et forcément, si elle n'en faisait plus partie, elle ne pouvait plus dénoncer ce qu'il s'y passait. C'est une réponse scandaleuse parce qu'on a brisé le rêve d'une gamine de 20 ans."Elle n'a eu aucun soutien de sa hiérarchie qui a préféré protéger son agresseur et la faire passer pour folle.
Une femme brisée
Depuis, la jeune femme a repris une formation médicale selon les dires de son avocat qui affirme qu'elle est psychologiquement "relativement brisée"."Sa vocation a toujours été d'aider les autres mais c'est vrai que son rêve d'être pompier, c'est terminé." Il indique tout de même qu'elle "remonte tout doucement la pente".
Franceinfo a recueilli son témoignage.
La réponse des sapeurs-pompiers de Paris :
- La Brigade des Sapeurs-Pompiers de Paris (BSPP) ne nie pas les cas de harcèlement et d’humiliation qui sont tout à fait inacceptables et condamne avec la plus grande fermeté toutes déviances contraires à ses valeurs, son éthique et son engagement quotidien.- Pour ces sujets, la BSPP prône la tolérance zéro. Les pompiers concernés ont été immédiatement sanctionnés en interne. Bien entendu, la BSPP offre sa pleine et entière coopération avec les enquêteurs et la Justice.
- Comme tout autre milieu professionnel, nous sommes également impactés par ces phénomènes qui sont pour autant d’une extrême minorité à la BSPP. Pour lutter contre ce phénomène, la BSPP a mis en place un cours de sensibilisation sur le harcèlement sexuel et moral, ainsi que les risques encourus. Cette sensibilisation est pilotée par le chef de la section médico-psychologique qui répond également à toutes les questions.
- En outre, la BSPP dispose d’un dispositif de soutien adapté pour détecter et soutenir toutes victimes d’harcèlement sexuel ou moral dans ses murs. Cette chaine de soutien facilite la remontée d’informations, la vigilance et l’accompagnement de toute victime éventuelle, qui peut s’appuyer sur :
=> sa chaîne de commandement formée aux questions de harcèlement ;
=> les référents harcèlement dans les groupements ;
=> l’officier mixité ;
=> les présidents de catégories (officiers, sous-officiers et militaires du rang) ;
=> les assistantes sociales ;
=> la section médico-psychologique ;
=> la cellule d’assistance juridique ;
=> l’Association pour le développement des œuvres sociales des Sapeurs-Pompiers de Paris (ADOSSPP).