Violences conjugales : "les femmes révèlent davantage ces violences", un plus grand nombre de plaintes en Seine-Saint-Denis

Le ministère de l’Intérieur vient de publier son rapport annuel sur les violences conjugales. Plus de 244 000 victimes ont été dénombrées en 2022, soit une hausse de 15% sur un an, partout en France. En Ile-de-France, c'est en Seine-Saint-Denis qu'elles sont les plus nombreuses.

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C’est un chiffre qui a doublé en France depuis 2016 : celui recensant les victimes de violences conjugales. En 2022, elles étaient 244 301 selon le ministère de l’Intérieur, très majoritairement des femmes. La Seine-Saint-Denis est particulièrement concernée puisque c’est le département où ce nombre est le plus important du pays, avec un taux de 14 femmes victimes pour 1 000 habitantes, âgées de 15 à 64 ans. 

Selon Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis, ces hausses importantes démontrent une forme de libération de la parole et surtout de l’écoute des victimes. "Les femmes révèlent davantage ces violences car les forces de sécurité écoutent plus. J’aimerais que ces violences baissent plus rapidement, mais si les victimes sont crues, on gagne déjà un peu de terrain dans cette lutte", détaille-t-elle.

Une analyse partagée par Floriane Volt, directrice des affaires publiques à la Fondation des femmes. "Depuis 5 ans s’est établi un changement de paradigme, les démarches des victimes évoluent et elles dénoncent beaucoup plus ce qu’elles subissent".

Hausse des plaintes, autant de violences

Et si les faits rapportés à la police sont très nombreux notamment dans ce département du nord-est francilien, cela ne signifie pas forcément une hausse des violences en elles-mêmes, selon les associations. "À l’Observatoire, nous travaillons avec les municipalités de Seine-Saint-Denis, avec le tribunal judiciaire et la police, les travailleurs sociaux et de nombreuses associations… Tous formés et sensibilisés sur ces questions. Ces partenariats donnent confiance aux femmes pour parler à ces professionnels", ajoute Ernestine Ronai.

Les violences existent dans toutes les couches de la société. Ça n'est pas parce que nous avons une population précaire qu'il y a des violences, mais les plaintes augmentent parce que nous y travaillons collectivement.

Ernestine Ronai, responsable de l’Observatoire des violences envers les femmes en Seine-Saint-Denis

Dans le reste de l’Ile-de-France, l’Essonne et le Val-d’Oise sont également très touchés, avec respectivement 11,2 et 10,8 victimes pour 1 000 habitantes, entre 15 et 64 ans. C'est à Paris que le taux est le moins élevé de la région, avec 6,8 femmes victimes pour 1 000 habitantes.

Mais dans les 8 départements franciliens, le nombre de victimes de violences conjugales ayant déposé plainte est en hausse par rapport à l'année précédente. Toutefois, selon ce rapport, "seulement 1 victime sur 4 signale aux services de sécurité les faits qu’elle a subis". 

C’est dans ce cadre que la Fondation des Femmes a lancé une nouvelle campagne de sensibilisation, intitulée "Maintenant on agit". "Notre objectif est de mettre en avant le fait que les femmes, et leurs enfants, ont besoin d’être accompagnées après avoir dénoncé des violences conjugales. Il y a le moment de la plainte et l’après : le coût psychologique, le coût de la justice… Et cet accompagnement sur le long terme est encore trop fragile", note Floriane Volt. 

Pourtant, des outils existent pour soutenir les victimes, à l’image du "téléphone grave danger", système d’alerte rapide des forces de l’ordre, ou encore des ordonnances de protection qui permettent d’empêcher un auteur de violences de s'approcher de la victime, même sans plainte. "Ces outils sont efficaces, mais encore trop confidentiels. L'an dernier, dans notre pays, il y a eu 3 500 ordonnances de protection, 25 000 en Espagne. Il faut changer d’échelle dans la protection des victimes", alerte Ernestine Ronai. Floriane Volt approuve. "Le budget de l'Etat pour la lutte contre les violences faites aux femmes est de 184 millions d'euros. Face à la hausse du nombre de victimes déclarées, il faudrait au moins 2,6 milliards d'euros pour les protéger et les aider. Il faut aussi changer d'échelle financièrement".

La Fondation des Femmes lance par ailleurs un appel aux dons, pour pouvoir continuer à assurer ses missions d'accompagnement des femmes et des associations luttant contre ces violences. 

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