Établi selon les préceptes de Charles Fourier, le phalanstère "La Colonie", à Condé-sur-Vesgre, dans les Yvelines, continue de fonctionner. Un lieu de vacances imprégné du socialisme utopique du 19ème siècle, qui ouvre ses portes pour la première fois, à l'occasion des journées du patrimoine.
"La Colonie", c'est un morceau de terre, au coeur de la forêt de Rambouillet. 35 hectares, coincés entre de vastes propriétés forestières. Philippe Starck est à deux pas, la famille royale saoudienne un peu plus loin. Et au milieu de tout ça, une poignée de colons sympas."On est les communistes", plaisante Olivier, 53 ans, qui nous accueille, avec Monique, son épouse. Le couple fréquente régulièrement les lieux depuis 1998. Il s'agit d'une longue bâtisse, construite en 1848, ainsi que trois pavillons de taille plus modeste. Le tout est situé dans un vaste terrain que les rhododendrons se disputent avec les pins. Dans les bâtiments, se trouvent des chambres individuelles, privées. Mais la part-belle est donnée aux lieux de vie collectifs : une seule cuisine, des salons partagés, et une salle à manger capable d'accueillir une tablée de plusieurs dizaines de couverts, lors des repas (à heures fixes)."Quand j'étais petite fille, c'était quand même pas très rigolo. Le frigo n'est arrivé que dans les années 70", renchérit Danielle. "Cette histoire, j'essaie de la raconter à tout le monde", poursuit l'enseignante retraitée. Cette histoire, Danielle a de bonnes raisons de la connaître, elle qui descend des fondateurs de "La Colonie".Quand j'étais petite fille, c'était quand même pas très rigolo. Le frigo n'est arrivé que dans les années 70
A Condé-sur-Vesgre, une première expérience est alors tentée par un riche médecin, adepte de Fourier. Mais le phalanstère de 400 hectares fait faillite en 1836. En 1860, il renaît, sur à peine un dizième de sa surface initiale.
"La Colonie"... de vacances
Pour le visiteur extérieur, "La Colonie" a finalement tout l'air d'une maison de vacances familiale. Où tout serait beaucoup plus grand. Mais les portraits et les bustes de Charles Fourier sont là pour rappeler la dimension particulière des lieux. Car si aujourd'hui 25 colons et leurs enfants jouissent des murs, il ne s'agit pas d'une simple occupation. "On ne veut pas devenir un gîte", souligne Monique, en charge de la société civile immobilière, le pilier juridique de "La Colonie"."Il faut compter 7.000 euros de frais par an par famille, à quoi s'ajoutent 1.500 euros d'indemnités de logement", explique Olivier. Chef d'une entreprise d'informatique, il a découvert le site alors qu'il était "bambin", en jouant dans les parcelles, avec les autres enfants du phalanstère. Entre "phalange" et "monastère", le mot sonne bizarrement aujourd'hui. Mais ici, les colons veulent faire perdurer l'esprit.Il faut compter 7.000 euros de frais par an par famille, à quoi s'ajoutent 1.500 euros d'indemnités de logement.
Fourier, version Start-up Nation
Pas facile de faire vivre un lieu comme celui-ci, dans le monde d'Airbnb. "Les résidents se font rares", expliquent les colons, prêts à ouvrir leurs portes à de nouvelles recrues. Adhésion partielle, journée découverte... "On s'interroge sur la façon de faire évoluer cette utopie", poursuivent-ils. Les colons de Condé ont d'ailleurs lancé un site : My-stere.org, une plateforme de réflexion autour de la vie en communauté. Ou comment donner une nouvelle saveur à la co-habitation.En attendant, pour la première fois, "La Colonie" ouvre ses portes au grand public dimanche, à l'occasion des journées du patrimoine... Mais c'est déjà complet."Nous referons une journée portes ouvertes, pour ceux qui n'auront pas pu venir nous voir", promettent les colons. Ouvrir les portes et essaimer... Indispensable pour poursuivre l'oeuvre de Charles Fourier.