Le procès d’Ikea France s’est ouvert ce lundi à Versailles. Pendant plusieurs années, la direction d’Ikea France est soupçonnée d’avoir recueilli des informations confidentielles sur des salariés mais aussi des candidats à l'embauche.
S’agissait-il d’une dérive de certains cadres ou au contraire d’un système validé par Ikea France ? La filiale française du géant suédois de l’ameublement est jugée à partir de ce lundi par le tribunal correctionnel de Versailles (Yvelines).
Selon Adel Amara, ancien syndicaliste chez Ikea, l’entreprise a une face cachée : "Quand je suis entré chez Ikea, on m’a vendu du rêve. "Oui chez Ikea, on est une grande famille, on se tutoie…" Mais ils ont oublié de me dire que chez Ikea, on vous espionne. Chez Ikea, on vous parlera mal. Chez Ikea, on n’aimera pas quand vous ferez des grèves. Tout ça, ils ne le disent pas."
Chez Ikea, on vous espionne
Instruite après une plainte du syndicat FO, l’affaire a été révélée par Le Canard Enchaîné et Mediapart en 2012. Face à la polémique, quatre hauts responsables d’Ikea France avaient été alors licenciés.
Des cadres auraient fait appel à des officines privées pour récupérer des informations confidentielles, notamment issues du STIC (système de traitement des infractions constatées), un fichier de police. Selon les termes du parquet de Versailles, l'instruction a dévoilé un "système d'espionnage" d'employés mais aussi de candidats à l'embauche, concernant l'ensemble du pays et notamment l'Île-de-France. Antécédents judiciaires, train de vie… D’après l’accusation, plusieurs centaines de personnes auraient été surveillées.
Ikea France risque une amende de plus de trois millions d’euros
"C’est un système qui a dégénéré, explique Me Sofiane Hakiki, avocat des parties civiles. Et les personnes qui animaient ce système se sont senties toutes-puissantes. Et donc dès qu’il y avait un litige, que ça soit avec un salarié ou un client, ils se sentaient dans la possibilité d'enquêter sur ces personnes. Finalement, dans ce système-là, dans le mode de fonctionnement d’Ikea, à partir du moment où vous leur reprochiez quelque chose, ils pouvaient enquêter sur vous."
Sur le banc des prévenus, une quinzaine de personnes – dont deux anciens PDG, des directeurs de magasins mais également des fonctionnaires de police – comparaissent. Ikea France, en tant que personne morale, est aussi poursuivie. L’avocat de la société, Me Emmanuel Daoud, réfute de son côté l’existence d’un "système institutionnalisé d’espionnage généralisé, avec des instructions qui ont été données pour exploiter ce genre de fichiers de façon industrielle". "Ça ne correspond pas à la réalité", affirme l’avocat.
Ça ne correspond pas à la réalité
On compte 74 parties civiles. Les prévenus, eux, auront entre autres à répondre des chefs de collecte et divulgation illicite d'informations personnelles, violation du secret professionnel ou encore de recel de ces délits. De quoi exposer certains à une peine maximale de 10 ans de prison.
Le géant suédois risque une amende de plus de trois millions d’euros. Dans ce procès, qui doit durer jusqu'au 2 avril, l’image de l’entreprise est également en jeu.