Demain lundi, 9O navigateurs vont prendre le départ de la Mini-Transat. Jean Marre, le marin au bonnet rouge, quittera les pontons des Sables-d'Olonne pour sa toute première traversée de l'Atlantique en solitaire et sans aucune assistance.
Sur les pontons, on le reconnaît à son bonnet rouge qu’il ne quitte jamais, "sa marque de fabrique" comme il aime dire. Et puis, il l'a appris, "un bonnet, ça tient chaud au pied", sourit Jean Marre.
Son bonnet rouge, le skipper francilien de 28 ans le portera surment demain lundi au départ de sa première transatlantique en solitaire. Cap sur les Canaries pour une escale de 3 semaines puis départ pour la Guadeloupe. 4000 milles à parcourir en totale autonomie, sans aucun moyen de communiquer avec l’extérieur, sur un voilier de 6 mètres 50.
La Mini-Transat, c’est un état d’esprit !
"C’est une course à l’ancienne qui veut garder les fondamentaux de la navigation et qui veut lutter contre la démesure des grands bateaux", explique-t-il.
"Dans cette course, une fois qu’on a largué les amarres, pas de téléphone, pas d’ordinateur, pas de connexion. Toutes les décisions sont prises en totale autonomie. Si on a un problème, on est seul pour le gérer. Même chose pour prendre toutes les décisions stratégiques de route, de météo, de voile. On ne peut compter que sur nous-mêmes et cela est hyper formateur. C’est l’école de la course au large".
Question apprentissage, rien ne prédestinait ce francilien qui a grandi à Saint-Germain-en-Laye à se lancer dans la voile. "J’ai grandi dans les Yvelines. Ma famille n'y connaissait rien et nous n’allions pas à la mer. J’ai découvert ce sport par hasard ! La voile, c’était le mercredi après-midi sur le plan d’eau du Pecq et quelques stages l’été pendant les années collège et lycée. Rien de plus", avoue-t-il.
C’était un rêve inaccessible qui devait rester un rêve toute ma vie.
C’est donc, seul, dans sa chambre en lisant des magazines qu’il se passionne pour la course au large. Il suit tous les grands évènements nautiques depuis 2002, le Vendée Globe, la Route du Rhum... "J'avais cette envie de vivre la voile mais tout en sachant que c’était inaccessible pour moi car je ne pratiquais pas. C’est comme devenir footballeur, on veut tous devenir footballeur quand on est enfant mais peu le deviennent", livre-t-il.
Diplômé de Sciences-po Lille et un Master en entreprenariat et gestion de projets à Paris Dauphine en poche, le jeune homme travaille dans le conseil pour le secteur public à Paris. Une vie plutôt métro, boulot, dodo, jusqu’à ce qu’il ne rencontre des amis marins.
"Un soir, il y a maintenant 3 ans, je rencontre des navigateurs qui avaient fait la Mini-Transat. Ils m’ont complètement débloqué en me disant : c’est possible, même avec ta très petite expérience. Si tu montes un projet solide ça va être dur et compliqué mais la porte est ouverte. Ca ne tient qu’à toi."
La flamme est ravivée. Il achète un vieux bateau et file tous les weekend end à la Turballe au pôle Voile. "J’ai rencontré des gens extraordinaires, qui malgré mon niveau m’ont encouragé et m’ont appris les rudiments du solitaire. Au bout de trois semaines, j’ai fait ma première nuit en mer seul, une barrière symbolique !"
Un an plus tard sa décision est prise, il quitte son travail à Paris pour s’installer à Lorient, le sacro-saint berceau de la course au large. "Je me suis dit que la marche était tellement haute qu’il fallait que je m’y mette à temps plein. En 2019, j’ai quitté mon travail, je me suis endetté au maximum que je pouvais et j’ai acheté un bateau neuf", raconte le navigateur.
Je sais que j’ai quand même l’image du petit Parisien sans grande expérience de voile qui arrive et qui débarque sur les pontons
"Je suis arrivé sur la pointe des pieds dans le monde de la course au large, avec des grands yeux d’enfant. Je m’y suis mis à 100%. Avec tous les risques que cela comporte notamment financièrement. J’ai travaillé avec un entraîneur incroyable, Tanguy Leglatin qui m’a aidé et m’a fait progresser. Je sais que j’ai quand même l’image du petit Parisien sans grande expérience de voile qui arrive et qui débarque sur les pontons. On est pas forcément bien vu au début, il faut faire ses preuves", livre-t-il.
Ses preuves, il les fait peu à peu. Il se classe 5ième au championnat de France de course au large en 2020 et à la quatrième place, cette année, de la Puru Challenge Race, ancienne Transgascogne. "Au final, je suis celui qui a le moins d’expérience en voile pour cette Mini-Transat mais j'ai beaucoup navigué sur les deux dernières années. J’ai fait toutes les courses possible qu’il y avait sur le calendrier", explique-t-il.
Il découvre aussi l’autre facette du métier de skipper. Celui que l’on fait avec un ordinateur et un téléphone : trouver des sponsors et des partenaires pour financer son projet et communiquer. Question communication, Jean Marre semble plutôt bien entouré. Mais côté finances, les portes ne s'ouvrent pas facilement.
"Cela a été dur de trouver des sponsors en période de Covid. Pendant longtemps, j’ai eu 20 % du budget et à quelques jours du départ, j’ai réussi à trouver 70 % du budget. Je vais finir endetté !", s'exclame-t-il. Son premier sponsor est le cabinet d’avocat parisien August Debouzy. "Ce sont les premiers à m’avoir rejoint dès le début. Sans eux j’aurais été en impayé de factures assez rapidement." Le jeune skipper a également décidé d’offrir de la visibilité à deux associations : Sports dans la ville et Time for the planet.
Le départ de la Mini-Transat prévu ce dimanche 26 septembre a été reporté en raison d’un fort coup de vent. Ce lundi Jean Marre prendra le large. Il se dit "impatient, excité" à l’idée de découvrir "quelque chose qui lui est inconnu."
Je n’ai jamais passé plus de cinq jours en mer
"Le stress n’est pas encore là mais plus le départ va se rapprocher, plus ça va monter en pression", avoue-t-il. Il sait qu’il a parfois du mal à se faire confiance, en raison de sa petite expérience et de son manque de légitimité dans ce milieu. Mais il connaît ses qualités, celle d'avoir du plaisir à naviguer. "Il faut que je m’appuie sur cette force et que je ne l’oublie pas c’est comme ça que j’arrive à performer." Jean Marre sourit : "Je me fais confiance aussi dans ma capacité à me faire mal ! Mais je suis dur au mal pour la course !"