A Triel-sur-Seine, dans les Yvelines, le maire Cédric Aoun souhaite lutter contre les "points de deal" en interdisant les rassemblements de plus de deux personnes dans plus d'une dizaine de lieux. L’opposition y voit une mesure "complètement inadaptée" et une "opération de communication".
La ligne jaune tracée sur le sol devant le Fontenoy, un café situé rue Paul-Doumer à Triel-sur-Seine, est censée marquer l’interdiction de se regrouper. Dans une vidéo diffusée vendredi sur Facebook, le maire Cédric Aoun (SE) dénonce l’"ensemble d’individus" qui "reste à peu près toute la journée" devant l'établissement, le lieu étant selon lui "un point de deal, carrément".
L’élu explique s’être "fait agresser" par des individus "qui étaient tranquillement en train de se rouler un pét’". Il décrit une "altercation" et explique avoir porté plainte. "On va passer en mode tolérance zéro, la police municipale a des consignes précises. Dès qu’il y aura plus de deux personnes à cet endroit-là, ils seront verbalisables (sic)... Ça fait trop longtemps que ça dure. Ce n’est pas tolérable d’avoir un point de deal officiel en plein centre-ville", déclare-t-il.
Dans une autre publication, Cédric Aoun annonce que "l’agresseur" a été placé en garde à vue et "sera déféré devant le tribunal judiciaire de Versailles en janvier 2025". "Je me constitue partie civile dans cette affaire pour outrages avec violences", poursuit-il.
L’édile explique aussi avoir pris "plusieurs arrêtés municipaux restrictifs permettant d’éviter tous les 'squats', 'personnes alcoolisées' et 'troubles à l’ordre public'".
"La décision ne paraît ni nécessaire ni proportionnée"
Sophie Kerignard, élue d’opposition (SE) du groupe Vivre Ensemble à Triel, pointe du doigt "une décision ubuesque". "La question de tranquillité publique et de la sécurité est primordiale, mais il faut des mesures adaptées aux réalités du terrain", réagit-elle.
"Pourquoi une ligne à cet endroit ? Il y a déjà eu des opérations de police par le passé devant le Fontenoy mais pour de la consommation de cannabis, ce n’est pas du tout un point de deal. Quand on regarde la liste des 11 autres lieux visés par l’arrêté, ce ne sont pas non plus des points de deal", déclare l’élue.
"La décision du maire ne paraît ni nécessaire ni proportionnée. On a l’impression qu’il n’a même pas consulté ses propres élus. C’est complètement inadapté. Et la notion de 'plus de deux personnes', c’est vraiment compliqué. Sur la place Prévost, qui est concernée par l'arrêté, il y a parfois plus d’une centaine de personnes présentes. Le maire évoque des dérogations possibles, mais ça ne semble pas du tout réfléchi. C’est lui qui va choisir quand les rassemblements sont autorisés ou interdits ?", s’interroge-t-elle.
Sophie Kerignard souligne aussi que "l’arrêté date du 7 mai", alors que la vidéo "dans laquelle il semble présenter cette décision comme une conséquence de son agression" date du 10 mai. "Il y a quelque chose d’incohérent", estime-t-elle.
"Le maire a fait fort, ça devient difficile de se regrouper"
"On voudrait toucher à l’image et à l’attractivité de la ville, on ne s'y prendrait pas autrement", réagit Yvon Rosconval, élu municipal d’opposition (SE), membre du groupe Triel Autrement. "Il faut ramener les choses à leur juste niveau, Triel est une ville plutôt calme au regard des communes environnantes. Il y a un point de deal bien localisé et identifié à Triel, et ce n’est pas non plus un niveau très important en termes de deal", explique-t-il.
"Ça mérite évidemment qu’on s’y attelle mais cette difficulté existe depuis des années. Depuis quatre ans le maire n’a rien fait et là, il se réveille brutalement. Il dit que sa priorité est la lutte contre l’insécurité mais en 2023, les effectifs de la police municipale ont été réduits de 25% par rapport à 2022", déplore l’élu.
"Avec cette interdiction au-delà de deux personnes, le maire a fait fort, ça devient difficile de se regrouper dans la ville", ironise Yvon Rosconval. Selon l’élu d’opposition, "ce nouvel arrêté relève d’une opération de communication".
"Il faut bien avoir conscience de la situation politique du maire, qui a perdu 13 élus qui étaient membres de sa liste. Début avril, le conseil municipal n’a pas voté en majorité le budget 2023 ainsi que le budget prévisionnel pour 2024, essentiellement en raison d’un manque de transparence évident dans la gestion des affaires municipales. Le maire se retrouve mis en minorité, il est clairement dans une logique de pré-campagne électorale", explique-t-il.
Contactée, la mairie de Triel-sur-Seine n’a pas répondu à nos sollicitations.