Réchauffement climatique : que fait le Château de Versailles pour préserver son patrimoine

Des relevés de température quotidiens, une vérification des taux d'humidité et de l'exposition à la lumière. Une équipe de scientifiques travaillent à Versailles tous les jours. Leur objectif : permettre au monument de survivre au changement climatique annoncé.

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Comment conserver le patrimoine à l'heure du réchauffement climatique ? C'est la question à laquelle tente de répondre une équipe de chercheurs au Château de Versailles.

Danilo Forleo est responsable de la conservation préventive et il pilote ce projet. "Nous évaluons l'impact des causes de dégradations d'origine humaine et naturelle, telles que le dérèglement climatique, sur les collections et les décors", indique-t-il.

Depuis 2014, le monument fait partie du programme European Protocole In Preventive Conservation (EPICO), qui tente de trouver des solutions de conservation de différents monuments ou demeures historiques à travers l'Europe.

"Au quotidien nous effectuons plusieurs relevés de conservation, y compris des paramètres de température et d'humidité, afin d'évaluer et de réguler le climat de conservation des collections, tout en tenant compte des objectifs de consommation d'énergie du château", explique Danilo Forleo.

Des défis de conservation à l'intérieur et à l’extérieur

À l'heure du changement climatique, les défis sont nombreux pour le chercheur et son équipe. Il y a d'abord la préservation du mobilier et les objets à l'intérieur du château, mais aussi, les murs de l'enceinte royale.

"Nos systèmes de contrôle permettent par exemple d'évaluer le temps durant lequel une pièce est exposée au soleil et donc d'évaluer également à quel point cette exposition à la lumière détériore ou non le mobilier. C'est une donnée importante, car le Château pourrait être de plus en plus exposé au soleil dans les prochaines années selon les projections du GIEC. La conservation préventive peut passer par des gestes simples comme le fait de fermer les rideaux à certains moments de la journée."

Lors d'un séminaire donné en avril dernier, l'équipe EPICO a également mis en évidence "l'impact majeur du climat intérieur des châteaux européens membres du programme" et la nécessité de contrôler dès aujourd'hui les conditions climatiques pour la bonne conservation du mobilier. "C'est un contrôle qui va devenir de plus en plus important au fil des années avec le réchauffement climatique", explique le directeur de EPICO à Versailles. 

Pour cela, il préconise par exemple "l’abaissement du chauffage en hiver à des températures plus modestes qui permet à la fois de maintenir une humidité relative acceptable pour les matériaux les plus réactifs, tout en réalisant des économies d'énergie et en réduisant les émissions de CO2."

Il alerte notamment sur les "limites déjà atteintes par les systèmes de régulation du climat, même récents et performants, face aux nouvelles contraintes du changement climatique".

Des résultats attendus en 2025

L'équipe EPICO travaille à la conservation de 1500 œuvres et objets répartis dans 87 salles du Château de Versailles. Depuis 2023, elle compile des données qui donneront lieu en 2026 à une charte de "bonnes pratiques" pour la conservation des collections et des résidences historiques face aux impacts du changement climatique. "Nous souhaitons créer une base de connaissances scientifiques qui permettent aux gestionnaires de prendre les meilleures décisions possibles pour que l'on puisse continuer à visiter nos monuments sans que les collections, et les décors subissent des altérations du fait du climat."

Le travail des chercheurs se porte aussi sur la conservation de la façade extérieure. "Nous tentons d'anticiper tout risque de fissure qui pourrait entraîner l'affaissement du bâtiment", indique le chercheur.

Bien que EPICO n'ait pas encore rendu ses conclusions, l'équipe pilotée par Danilo Forleo identifie le climat comme l'une des trois causes majeures de l'altération des objets avec les polluants et l'application de forces physiques. "Ces altérations peuvent être une décoloration tapisserie ou bien des fissures sur un meuble", détaille le scientifique. 

Selon le spécialiste, l'objectif du programme EPICO n'est "pas d'alarmer les gens sur le changement climatique, mais de les sensibiliser et de montrer que des solutions existent pour conserver le patrimoine."     

"Le changement climatique devrait avoir un impact sur le tourisme culturel"

Le dernier rapport du Réseau Action Climat (RAC) montre que dans les prochaines années, l'Île-de-France va connaître des canicules plus longues, plus chaudes et plus fréquentes. Il alerte de manière globale sur la hausse des températures dans la région et notamment à Versailles.

L'été, période la plus faste pour le tourisme au Château de Versailles, devrait être plus chaud de 2 degrés en moyenne en 2050. Selon des données de Météo-France, à cette même date, Versailles pourrait connaître jusqu'à 2 mois de sécheresse en été contre 45 jours actuellement.

"Même si le dérèglement climatique aura plus d'impacts sur le patrimoine naturel, il en aura aussi sur le patrimoine culturel et le tourisme", estime Benjamin Crettenand, chargé de sensibilisation au changement climatique pour le Réseau Action Climat. Les habitudes des touristes pourraient être changées.

"Faire du tourisme culturel sera de plus en plus compliqué, car les événements de fortes chaleurs vont se multiplier. Cela devrait être le cas à Versailles, mais également à Paris qui n'est pas très bien protégée contre les vagues de chaleur. Il pourrait faire jusqu'à 50 degrés. Cela rendra le simple fait de s'y promener très difficile", note le chargé de sensibilisation du RAC.       

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