Décrit comme omnipotent, l'entraîneur historique d'un club d'athlétisme des Yvelines a été suspendu après avoir été mis en cause par des athlètes pour des faits de violences sexuelles, une nouvelle réplique après des révélations en série qui ont secoué le sport français.
Suite à plusieurs dépôts de plainte, une enquête préliminaire a été confiée au commissariat de Saint-Germain-en-Laye des chefs de "harcèlement moral", "harcèlement sexuel" et "viol commis sur un mineur de plus de 15 ans", pour des faits susceptibles d'avoir été commis entre 2004 et décembre 2019, a appris l'AFP de source judiciaire.
L'entraîneur mis en cause, désormais ex-dirigeant historique du Club athlétique de l'Ouest 78 (CAO78), a par ailleurs été suspendu de ses activités liées au sport le 4 janvier par la préfecture des Yvelines. Il a déposé jeudi dernier une requête devant le tribunal administratif pour contester sa suspension, a indiqué son avocat Me Charles Thuillier à l'AFP. "Mon client est tenu écarté de tous les éléments du dossier. Il est tenu dans l'ignorance la plus totale et n'a pas été entendu par la police, a affirmé Me Thuillier. Cette décision (la suspension) semble infondée et outrancière. C'est frustrant".
"Emprise psychologique"
Le 30 décembre 2019, un cadre technique de la Ligue d'Ile-de-France d'athlétisme (LIFA), qui a préféré garder l'anonymat, reçoit un coup de téléphone. "J'ai été alerté par un ancien membre du club, qui est toujours en contact avec les filles (membres du club). Les filles ont eu une prise de conscience collective, elles se sont rendu compte qu'elles étaient plusieurs (concernées) et se demandaient que faire, comment faire", raconte-t-il à l'AFP.Le directeur technique national de l'athlétisme et le président de la Ligue sont prévenus "dans la minute", puis la direction départementale de la cohésion sociale des Yvelines (DDCS), qui organise des auditions à Saint-Germain-en-Laye le 4 janvier. Il en ressort des "manquements" exposés dans l'arrêté préfectoral que l'AFP a pu consulter: "lors d'un déplacement sportif, partage d'une chambre avec une athlète, relations sexuelles (dont certaines avec des mineurs) imposées et obtenues dans un contexte d'emprise psychologique".
Le 4 janvier, la personne mise en cause est donc suspendue, cinq jours après que l'alerte a été donnée. Dans le même temps, une lettre anonyme de dénonciation a été envoyée au maire de la ville, qui a saisi le procureur de la République, et plusieurs plaintes ont été déposées. Décrit comme omnipotent dans le club des Yvelines, avec "un côté gourou", le coach et dirigeant participait à l'entraînement de plusieurs groupes, avec des mineurs et des adultes, dans plusieurs spécialités."On y va tout de suite"
Depuis près de trois semaines, le sport français est plongé dans une crise sans précédent avec la multiplication des révélations sur plusieurs cas de violences sexuelles, notamment en patinage artistique avec la publication du livre témoignage de la patineuse Sarah Abitbol.
Des dysfonctionnements majeurs à différents échelons -fédérations, clubs, collectivités locales, Etat, justice- ont aussi été dénoncés pour des cas de pédophilie par une enquête du site web d'investigation Disclose, publiée en décembre en partenariat avec plusieurs médias."J'ai quatre cadres techniques. La consigne c'est on y va tout de suite dans ce genre d'affaires", explique à l'AFP le président de la LIFA Jean-Jacques Godard, interrogé sur l'affaire du CAO78. "Ces cadres gèrent les entraîneurs, ils sont sur le terrain, à l'écoute des clubs. Si on entend un bruit, ce sont eux qui sont au courant, d'où l'importance de les avoir."
"La procédure a été ultra-rapide, ultra-huilée, je ne m'attendais pas à ce que ça aille aussi vite", renchérit le cadre qui a donné l'alerte. "C'est aussi notre rôle, nous sommes les garants de l'éthique et de la protection de la population." Parmi les athlètes du club évoluant à haut niveau ou proches d'y être, "deux ont retrouvé un groupe d'entraînement. D'autres continuent seules ou attendent de voir la suite", a précisé ce cadre. Le 22 janvier, sous l'observation de la DDCS des Yvelines, un nouveau bureau directeur du club a été élu. Les entraînements de la semaine du 27 janvier ont été annulés, et le club recherche un nouvel entraîneur. Contactée par l'AFP, la nouvelle présidence n'a pas souhaité émettre de commentaire.