L'accueil et l'accompagnement des gens du voyage en France restent insuffisants, avec un retard important dans la construction des aires d'accueil et un taux de scolarisation des enfants "préoccupant"
La Cour note en premier lieu que la France est l'un des rares pays à avoir défini une politique publique pour accueillir les gens du voyage, mais elle souligne que cette politique est "insuffisamment pilotée" et les actions "pas assez coordonnées" ni "suivies". De même, elle déplore l'absence de données statistiques fiables pour dénombrer cette population, qui s'établirait, selon des estimations anciennes entre 250.000 et 300.000.
Des politiques mal conduites
Dix ans après la loi du 5 juillet 2000, qui avait instauré l'obligation de création d'aires d'accueil pour les communes de plus de 5.000 habitants, la Cour souligne que seulement "52% des aires d'accueil, et 29% des aires de grands passages prévues par les schémas départementaux ont été réalisées", avec "une forte disparité territoriale".
Elles ont été freinées par "des obstacles multiples", comme "l'imprécision initiale des schémas départementaux", la "réticence forte" des riverains, les coûts prévisionnels "largement dépassés", notamment en raison de "travaux de raccordements onéreux"
liés aux "décisions des collectivités territoriales d'éloigner les aires des zones habitées", "l'absence de volonté des collectivités sur certains territoires", ou encore "l'arrêt des subventions versées par l'Etat" depuis 2008.
Sur la période 2000-2011, la réalisation de ces aires d'accueil "a représenté 632 millions d'euros, dont un tiers environ a été financé par l'Etat".
Mais "la faible attention" de l'Etat et des collectivités à l'aménagement et la gestion de ces aires "ne garantit pas une utilisation efficiente des fonds publics" et a favorisé des "modalités de gestion fortement hétérogènes (...) qui peuvent être à l'origine d'inégalités entre usagers, notamment en matière de tarification".
De plus, la sédentarisation (provisoire ou définitive) "de plus en plus marquée" d'une partie de la population "appelle à des solutions alternatives aux aires d'accueil", qui sont encore "peu développées".
Des enfants de plus en plus déscolarisés
La loi de 2000 prévoyait en outre un accompagnement social pour les gens du voyage, qui est "inégalement mis en oeuvre", selon la Cour, tout comme le dispositif visant à favoriser la scolarisation des enfants qui n'est "pas à la hauteur des enjeux, face à la non-scolarisation préoccupante d'une partie de ce public", et aux "retards dans l'acquisition des savoirs fondamentaux" pour les enfants scolarisés.
La loi de 2000 prévoyait également le renforcement des moyens de lutte contre les stationnements illicites. Si "sur de nombreux territoires, la tendance est à une baisse du nombre de stationnements illicites", ceux-ci demeurent "importants en période estivale, à l'occasion des grands passages et des déplacements dans le cadre des grands rassemblements".
"Le temps du constat et de l'embarras doit résolument laisser place à l'action publique" souligne la Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et Gens du voyage (Fnasat) dans un communiqué, soulignant qu'elle doit être "déclinée du national au local et dans une logique de concertation avec les gens du voyage".