Nantes : rencontre avec l'auteur de bande dessinée Gwen de Bonneval

40 ans ! Comme le festival international de la Bande Dessinée d'Angoulême qui ouvre ses portes dans quelques heures. 40 ans, une bibliographie déjà consistante et des projets plein les crayons. Mais pour l'heure, le Nantais Gwen de Bonneval savoure la publication de son 19e album. Rencontre...

Les personnages du nouvel album de Michaël Sterckeman (au dessin) et de Gwen de Bonneval (au scénario) auraient très bien pu s'appeler Adam et Eve ou Roméo et Juliette. Ils s'appellent finalement Adam et Juliette. Comme un compromis !

Tous deux sont parisiens, n'ont pas encore la trentaine et sont addictes aux soirées entre potes dans les bars de la capitale. C'est d'ailleurs dans une de ces soirées qu'ils se croisent et se remarquent. Mais Adam sort d'un terrible chagrin d'amour et n'est pas prêt à s'investir de si tôt. Alors, ils se voient, partagent parfois le même lit et se laissent porter par la vie.

C'est une histoire universelle que nous racontent les deux auteurs, une histoire universelle mais dans laquelle ils ont bien évidemment mis leur grain de sel. L'album paru chez Glénat s'intitule "Adam et elle"
...


Votre nouvel album, "Adam et elle", est sorti le 16 janvier. Avez-vous déjà des retours de la part du public et des professionnels ?

Gwen de Bonneval. Quelques-uns oui… Ca va, c’est plutôt positif. Mais j’espère surtout avoir un retour sur l’ensemble de l’histoire, qui est en deux volumes. Les deux ne sortent qu’avec trois mois d’intervalle, un délai raisonnable je crois. J’espère aussi que ce tome 1 donne envie de découvrir ce qui arrive à Adam et Juliette par la suite. Les professionnels ont apprécié le dessin de Michaël Sterckeman, et j’en suis ravi, car, vous l’aurez deviné, j’admire beaucoup son travail. C’est le dessinateur qu’il fallait pour ce récit.

Comment vivez-vous ce moment précis où l'album est terminé, imprimé, mais pas encore distribué ?

Avec un léger trac quand même. À chaque sortie… J’essaye de ne pas trop me répéter quand je réalise un album, et je n’ai pas trop d’idée à l’avance de comment celui-ci va être accueilli. J’essaye au maximum de conserver de la fraîcheur et de l’envie. Ce petit trac en est la contrepartie, mais il disparaît assez vite quand même… Le bouquin vit sa vie, je ne peux plus faire grand chose une fois qu’il est commercialisé. Alors j’essaye de prendre ça avec distance, même si ce n’est pas toujours simple !


Nous sommes à quelques heures du 40e Festival International de la Bande Dessinée d'Angoulême où vous devez vous rendre. Qu'attendez-vous d'une telle manifestation ?

Ca dépend des années. Celle-ci va être très dense pour moi, en raison d’une actualité multiple. En plus de la sortie du premier volume de "Adam et Elle", il y a la sortie du premier tome de "Varulf" (dessin Hugo Piette. Ed Gallimard, collection Bayou)… Et aussi la présentation du magazine de bandes dessinées numériques, "Professeur Cyclope", que nous sommes en train de réaliser avec quelques amis auteurs (Fabien Vehlmann, Brüno, Hervé Tanquerelle, Cyril Pedrosa). Il y a donc pas mal d’enjeu pour cette 40ème édition du festival, au moment où je fête moi même mes 40 ans.

Pour vous, Angoulême c'est : A une énorme foire commerciale, B l'endroit où il faut être vu, C un moment inoubliable, D l'angoisse totale ?

Un peu tout ça et plein d’autres choses encore. C’est aussi l’occasion de découvrir de jeunes auteurs, ou des auteurs déjà publiés mais à côté desquels on était passé... C’est revoir des amis, des connaissances, parfois perdues de vues, vivre des moments inattendus. On passe par des moments où l’on se sent porté haut, des moments exaltants, et par des redescentes rapides et angoissantes. Tout est très concentré, contrasté. On peut avoir l’impression de n’avoir le temps de rien, ou au contraire de trouver le temps long et se demander ce qu’on fait là. C’est parfois un peu comme passer dans une lessiveuse. J’aime cependant y aller, c’est une étape incontournable.

Quel a été votre premier coup de cœur BD. Et quel a été son influence sur votre travail ?

Mon premier souvenir de bande dessinée était un illustré : "Pépito" de Luciano Bottaro. Je ne savais pas encore lire, je devais avoir 4 ou 5 ans et je l’empruntais à ma grande sœur. Je le lisais dans n’importe quel sens, fasciné par les images. Je me racontais ma propre histoire. Je pense que ma première série ("Samedi et Dimanche", scénario F. Vehlmann, ed Dargaud), est en filiation directe avec "Pépito".


Scénariste sur "Adam et elle", mais aussi dessinateur, créateur puis rédacteur en chef du magazine BD "Capsule Cosmique", directeur de collection chez Sarbacane... Quel rôle finalement vous colle le mieux à la peau ?

Et maintenant directeur éditorial de Silicomix, la société qu’on a monté pour réaliser "Professeur Cyclope" ! Ca peut paraître un peu éclaté comme parcours, mais en fait je crois qu’il est assez cohérent. J’aime la bande dessinée sous de nombreux aspects, et, comme je le disais un peu avant, l’idée de me répéter ne me plait pas vraiment. J’essaye de ne pas m’enfermer trop tôt dans un rôle, ni creuser le même sillon. Ca viendra bien assez vite, on est tous rattrapé par ses limites. D’ailleurs, quand on regarde derrière cette apparente variété, je suppose que certains thèmes ou certains sujets reviennent malgré moi. C’est évidemment le cas pour tous les auteurs.

Science fiction, historique, humour, histoire réaliste... quelque soit le genre abordé, il semble qu'il y est un thème récurrent dans votre travail : les sentiments, la vie, le quotidien, les rapports humains.... Pouvez-vous nous en dire un peu plus ?

Et voilà, c’est bien ce que je disais donc ! Certains sujets s’imposent. Les thèmes que vous évoquez sont effectivement ceux qui me parlent le plus. Ils ne sont pas bien originaux d’ailleurs. Mais comment faire autrement que d’évoquer tout ça ? Vous connaissez des gens que les sentiments et les rapports humains n’intéressent pas ? Je n’échappe pas à la règle donc, l’important c’est de le faire avec sa personnalité.

Vous venez de l'évoquer, vous travaillez actuellement sur un projet de magazine BD numérique, "Professeur Cyclope", qui devrait voir le jour en mars prochain et dont nous reparlerons bientôt. Je suppose que vous lisez déjà de la BD numérique. Quelle vision avez-vous de la chose ? Est-ce pour vous un vrai nouveau média ou une déclinaison de la bande dessinée traditionnelle ?

Je pense que l’important est de réaliser de bonnes histoires. Un auteur reste un auteur en changeant de médium ou de support. Avec le numérique, nous disposons d’une boîte à outil plus large, de nouvelles possibilités s’offrent à nous, auteurs comme lecteurs. Certains ont envie de s’en emparer, d’autres moins, ou pas du tout. Comme je suis curieux et que j’aime être actif dans mon domaine, la perspective m’a intéressée. Et puis surtout j’aime les aventures collectives, celles qui proposent une avancée et qui permettent de franchir des étapes difficiles à franchir seul. Je suis aussi très attaché aux magazines de bandes dessinées : "Professeur Cyclope" est donc la réponse à un peu tout ça.

L'histoire de "Adam et elle" est universelle, traitée bien évidemment de nombreuses fois. Comment fait-on pour renouveler le genre, apporter un regard différent ?

Je ne cherche pas à renouveler le genre, mais à raconter une histoire en passant par un prisme personnel, à être le plus sincère possible. L’apport du dessin de Michaël Sterckeman est bien entendu primordial. L’enjeu c’est de faire résonner notre petite musique, que l’on espère  singulière. Ce qui se passe, ou pas, avec le lecteur, ensuite nous échappe. Une certaine alchimie doit se créer entre le scénario et le dessin, le fond et la forme.

L'amour, le désamour, le célibat, le refus de s'investir, la peur de l'autre... le tout avec des héros auteurs de BD... Quelle est la part autobiographique ?

Il y en a une bien sûr, mais cette part me regarde ! C’est l’histoire elle-même qui compte… Et si elle sent le vécu, tant mieux, ça donne du corps et de la véracité à mon propos. J’avais envie avec "Adam et Elle" de parler plus frontalement de ce que je connaissais, d’avancer avec moins de masques. Je me suis inspiré largement du réel, ça ne veut pas dire pour autant que cette histoire est totalement autobiographique.

L'album s'ouvre sur une scène qu'on peut avoir l'impression de prendre en cours avec un jeune homme qui raconte son expérience de tueur à gages mais dont il ne sera plus question dans l'album. Pourquoi ce parti pris dès l'ouverture ?

Je voulais qu’on entre de plein-pied dans la vie des protagonistes. Que l’on vive avec eux les moments bizarres et inattendus qu’on peut rencontrer quand on vit dans une grande ville  et que l’on sort le soir dans les bars. On a voulu assumer Paris, comme un des personnages principaux de l’histoire… Paris et son mode de vie quand on a 25 ans et que l’on évolue dans un milieu d’apprentis artistes ! Et l’idée de lancer une fausse piste, pour moi, c’était la volonté de faire ressentir que tout était possible. On ne sait même pas si ce que raconte le « tueur à gage » est vrai, il est peut-être complètement mythomane. La frontière entre le vrai et le faux est aussi un de mes sujets récurrents.

L'amour pour vous c'est : A la galère, B compliqué, C chabadabada chabadabada, D des enfants ?

Le choix que vous laissez entre A et B n’est pas très réjouissant ! C : non, pas seulement. D : Les enfants, c’est encore une autre histoire…  En fait, je crois qu’on a de grandes chances de passer par toutes ces étapes dans une vie, c’est ce qui en donne sa saveur et son intérêt.

Bashung, Gainsbourg, Brassens forment la bande originale de l'album... est-ce vos goûts musicaux ?

Oui, ils en font partie. J’aurais pu en mettre d’autres, mais ceux-ci sont incontournables pour moi… Je reconnais que la chanson française m’a pas mal accompagnée et a été importante au moment où je traversais des turbulences. Là, oui, on touche un point autobiographique certain ! Je voulais une « bande originale de la vie d’Adam », qui sonne comme un écho, un porte-voix de ce que ressentait Adam, sans qu’il ne l’exprime lui-même. La chanson et la bande dessinée ont pas mal de points communs, dont celui de mêler deux médiums artistiques différents pour en faire naître un troisième, original.


Angoulême, "Adam et elle", "Professeur Cyclope"... What else ?

La suite de "Varulf", la suite de "Bonneval pacha" (dessin de Hugues Micol, ed Dargaud), un troisième tome des "Racontars" (d’après Jorn Riel, dessin Hervé Tanquerelle, ed Sarbacane)… On va dire que c’est déjà pas mal pour l’instant.

Merci Gwen et à très bientôt...


Retrouvez la chronique de l'album sur notre blog dédié BD
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