Modeste compagnie aux comptes opaques qui n'avait qu'un seul avion il y a 13 ans, l'indonésienne Lion Air a signé lundi sa deuxième commande faramineuse en 16 mois, dans un pari risqué de 35 milliards d'euros sur le boom du transport aérien dans l'immense archipel.

La compagnie indonésienne à bas coûts a commandé 234 appareils de la famille A320 pour un montant de 18,4 milliards d'euros, soit "le plus gros contrat de l'aviation civile d'Airbus en montant", a confirmé lundi la présidence française.
Il y a moins d'un an et demi, en novembre 2011, Lion Air avait déjà annoncé l'achat de 230 moyen-courriers Boeing 737 pour 21,7 milliards de dollars (17 milliards d'euros).

Lion Air premier transporteur aérien privé d'Indonésie
Cette commande géante avait propulsé Lion Air, jusqu'alors largement inconnue hors de ses frontières, sur les manchettes de la presse mondiale. Lion Air n'a pourtant fait décoller son premier avion qu'il y a 13 ans. A l'époque, sa "flotte" se limitait à un seul Boeing 737-200, en leasing.
Entreprise familiale, elle est née du rêve des frères Kusnan et Rusdi Kirana, classés par Forbes la 33e fortune d'Indonésie avec un patrimoine estimé à 900 millions de dollars (700 millions d'euros).
Les deux hommes d'affaires visionnaires ont misé sur le formidable boom du transport aérien dans l'immense archipel de 240 millions d'habitants, saupoudrés sur 17.500 îles.

Avant les autres, ils ont su comprendre que la croissance fulgurante du quatrième pays le plus peuplé de la planète (plus de 6% l'an en moyenne) allait faire naître une classe moyenne avide de l'avion. Le nombre de passagers transportés en Indonésie
bondit ainsi en moyenne de plus de 20% par an.
Aujourd'hui, Lion Air est le premier transporteur aérien privé d'Indonésie.
Mais, avec 92 avions (tous des Boeing mis à part un McDonnell Douglas), Lion Air n'est que la neuvième compagnie d'Asie. Ses 72 liaisons sont en majorité indonésiennes. A l'étranger, elle ne vole que vers Singapour, la Malaisie, le Vietnam et l'Arabie
saoudite.

"Quelques centaines d'avions supplémentaires" !
Réputée pour ses billets bon marché, elle l'est également pour ses retards récurrents, qui lui ont valu en 2011 de se retrouver belle dernière d'un classement opéré par le ministère des Transports, avec seulement les deux tiers de vols arrivés à l'heure.
La compagnie reste bannie de l'espace aérien européen et américain, faute de normes de sécurité satisfaisantes et, en janvier 2012, elle avait été sanctionnée par les autorités après l'arrestation de plusieurs de ses pilotes en possession de
méthamphétamine.

Mais la jeune société nourrit de sérieuses ambitions. Elle devrait sous peu lancer "Batik Air", sa filiale long-courrier qui fera voler cinq Boeing Dreamliners. Et elle compte damer le pion à son grand concurrent régional, AirAsia, première compagnie
aérienne a bas prix du continent, en ouvrant sur son terrain, en Malaisie, une filiale appelée "Malindo Airways".
C'est dans cette optique que s'inscrivent les commandes monstres de Boeing et d'Airbus.
"Ils voient une hausse de la demande. Les commandes sont ambitieuses mais, si vous regardez les projections de croissance en Indonésie, Lion Air va avoir besoin de quelques centaines d'avions supplémentaires", juge Brendan Sobie, analyste au
"Centre for Asia Pacific Aviation" de Singapour.

Une compagnie qui ne publie pas ses comptes
Les 234 A320 s'ajoutent aux 331 Boeing déjà commandés récemment par Lion Air. Sa flotte sera ainsi portée à plus de 600 appareils d'ici 2025, date de fin de livraison des Boeing, soit au niveau actuel de KLM-Air France.
Lion Air rejoindra alors les dix premières compagnies au monde, en terme de nombre d'appareils.
Mais le rêve de Lion Air ne serait-il pas icarien, se demandent certains analystes, pointant du doigt la lourde facture de 35,4 milliards d'euros que totalisent les commandes Boeing de 2011 et Airbus de ce lundi.
"C'est énorme", reconnaît Dudi Sudibyo, expert au magazine indonésien Angkasa. "La question se pose dorénavant: comment financer ces avions?"

Non cotée, Lion Air ne publie pas de comptes. Son chiffre d'affaires et ses bénéfices sont un secret jalousement gardés par les frères Kirana, des hommes d'affaires discrets qui fuient la presse.
La compagnie avait annoncé début 2011 qu'elle prévoyait une entrée en Bourse à hauteur de 30% de son capital, début 2012, pour lever un milliard de dollars. Mais elle se fait attendre.

Chappy Hakim, ancien commandant des forces aériennes indonésiennes, trouve ainsi "bizarre" la nouvelle commande Airbus. "C'est bizarre car Lion n'est pas vraiment une compagnie établie depuis longtemps. Ce que je vois, c'est une compagnie qui achète des centaines d'avions mais sans savoir où aller", estime l'expert.

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