Titi Robin, dénonce : "un relâchement moral nauséabond", et se sent blessé, humilié et en colère. Artiste, Titi Robin réagit en "citoyen du monde" homme aux métissages et aux expériences multiples, il se dit que l'Homme a besoin de se porter plus loin que son quotidien, et publie une lettre ouverte
De par ses origines, par son art, Titi Robin voyage, rencontre le monde, s'imprègne du monde. Joueur d'oud et de bouzouki, sa musique suit les chemins des tziganes, de l'Inde du nord à l'Afrique du nord en passant par l'Andalousie et l'Asie Centrale. Son parcours personnel et musical ont fait de lui un homme de tolérance, respectueux d'autrui : "il faut se projeter dans l'avenir avec de l'espoir, il y a des sociétés où la vie est bien plus difficile, bien plus violente, mais où on trouve de la joie de vivre".
Sa parole d'artiste porte, sa lettre ouverte est-elle un appel à changer le monde ? Titi Robin reste modeste, "il faut être utile, il faut retourner les difficultés pour puiser l'énergie, il faut se réveiller et se dire on y va".
Il met un point d'honneur à ne pas mettre son art en avant pour servir sa promotion : "ce serait malhonnête, je suis un citoyen, un être humain, un artiste, et en même temps au centre de tous ces amalgames, gens du voyage, noirs, étrangers..." D'où cette lettre ouverte pour exprimer un trop plein émotionnel et salutaire.
"Permettez moi de prendre la parole d'une manière personnelle.
Je suis né dans un village angevin où on élevait (comme toujours aujourd'hui) des vignes pour élaborer un vin moelleux, généreux, destiné au partage, à l'accueil des visiteurs, aux célébrations familiales. J'ai reçu dans ce village une éducation traditionnelle, riche, que je porte avec fierté, qui m'a permis de voyager et de rencontrer de par le monde des hommes et des femmes avec leurs propres bagages culturels. Nous avons échangé, et ainsi je me suis construit, j'ai grandi, mariant mes racines à celles rencontrées.
Comme je savais d'où je venais, je retrouvais toujours ma route. Durant toutes ces années, je suis toujours resté fidèle à ma région. Je l'aime.
De France et de l'étranger me parviennent des messages: "Que se passe t'il chez vous? Pourquoi les gens sont-ils devenus ainsi, en Anjou?" Dans les rues d'Angers, des gens évoquent leur gêne ou leur honte à voix basse.Aujourd'hui, je suis blessé, humilié, et en colère. Les paroles et gestes d'une enfant d'une douzaine d'années et d'un notable expérimenté auraient ils souillé l'air? Ou bien est ce le silence et l'apathie qui ont suivi ces événements qui me troublent ?
Je ne pense pourtant pas que nous ayons changé. La lâcheté ou tout au moins le manque de clairvoyance de nos dirigeants (de gauche) comme de leurs collègues dans l'opposition (de droite) encourage certains intellectuels, certains médias et des gens de pouvoir à développer dans le pays une atmosphère profondément malsaine. Il y a là quelque chose de pathologique, la crise encourageant le repli sur soi. Du coup, cette minorité dans notre société qui a porté et portera toujours en son sein des idées empoisonnées se sent soudain libre de les exprimer au grand air.
Notre pays avait connu ce phénomène il y a longtemps. Il y a aujourd'hui comme un relâchement moral nauséabond".
Et puis voilà: Une fillette de douze ans peut traiter comme un animal, en rigolant, en l'insultant, devant le public, la presse, et ses parents ravis, une femme d'une grande culture intellectuelle et morale, représentante du gouvernement, car l'enfant a la peau blanche et la femme la peau noire. Un notable d'une ville de la région ironise autour de l'extermination pendant la deuxième guerre mondiale des ancêtres d'une partie, minoritaire, de sa population (qu'on appellera ici Gens du voyage) et se félicite aujourd'hui de les chasser de son territoire.
Ces événements sont mis en lumière car ils concernent des personnages publics. Nous devons savoir qu'ils correspondent à la face émergée du problème. Cela signifie que bien d'autres personnes souffrent en silence. Si notre corps social est endormi, affaibli, il importe de réveiller ses anticorps.
Il importe aussi de parler fort. Ayons confiance en nos forces, nous devons pouvoir continuer à être fier de qui nous sommes, de nos racines comme de notre hospitalité, qui vont de pair".