Laval : La Maison Tellier en concert au 6par4 ce vendredi et en interview ici et maintenant

En dix ans de chevauchées épiques, La Maison Tellier a fini par jeter les fondations d'une country-folk à la française. Fort d'un quatrième album, le quintet originaire de Rouen repart en campagne avec une foulée un peu plus rock et un slogan universel: Beauté pour tous, beauté partout. Rencontre!

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Cette maison-là n'est ni bleue ni adossée à la colline, ceux qui y vivent ont jeté les bases d'une musique qui doit autant à Neil Young ou Ennio Morricone qu'à Bashung ou Noir Désir. La Maison Tellier a été fondée en 2004 du côté de Rouen - le pays des armorqueurs - autour des premiers frères Tellier, Raoul et Helmut, bientôt rejoints par Léopold, Alphonse et Alexandre.

Avant d'être le nom d'un groupe, d'une famille comme ils aiment dire, La Maison Tellier est le nom d'un recueil de nouvelles de Guy de Maupassant, un clin d'oeil à un autre Normand qui vivait au XIXe siècle, période fondatrice de l'univers des Tellier.

Des sons et des images ! La musique de La Maison Tellier s'écoute, se regarde, nous égare du côté des saloons enfumés, des duels au soleil, des chevauchées fantastiques dans les plaines du Far west, des parties de poker truquées de Vegas à Reno. "Unis dans la cité du vice, par un prêtre en costume d'Elvis, j'avais des as de pique plein les manches, toi du sang sur ta robe blanche"...

Avec "Beauté pour tous", leur nouvel album, les Tellier nous ramènent un peu du côté du Vieux Continent, "à l'ombre de la Tour Eiffel, flâner dans les allées de l'exposition universelle". Mais c'est peut être pour mieux nous parler de cette Amérique fantasmée, "On dit qu'on y voit des indiens qui dansent comme des enfants".

Cette fois, la maison Tellier a sciemment abandonné la langue de Shakespeare pour celle de Maupassant sans renier pour autant ses amours d'origine, le folk, la country sont toujours là, le rock un peu plus appuyé, les influences un peu plus variées.

Entre deux dates de leur nouvelle tournée baptisée "Beauté partout", Helmut et Raoul Tellier ont pris le temps de répondre à nos questions...

"Beauté pour tous" est le nom de votre quatrième album. Pourquoi ce nom ? Faut-il y voir une revendication, une promesse, un slogan révolutionnaire, un retour des utopies ?

Raoul. C'est une référence au Bauhaus, mouvement architectural allemand des années 30, dont c'était le slogan. J'aimais le côté "utopie avant l'apocalypse", on sait ce qu'il est advenu des utopies allemandes dans les années 30... On vit dans une époque où l'on nous répète à longueur de temps que la race humaine arrive à son terme, que nous avons tout foutu en l'air. J'ai préféré me dire : ok, admettons que tout soit fini. Hé bien dans ce cas, profitons de la beauté, qui est là partout, tout autour de nous, plutôt que de se vautrer dans le cynisme. Et oui, c'est une revendication, absurde et désespérée, comme un slogan situationniste. Quitte à se battre pour quelque chose, je pense que c'est la seule cause qui vaille réellement la peine de lever le poing.

Ce nouvel album semble marquer un changement de cap dans votre parcours musical. Pouvez-vous nous dire en quoi ?

Helmut. On avait usé la formule far west / mariachi, et j'avoue que l'idée de repartir là dedans m'ennuyait. J'ai bataillé pour que chacun réfrène ses tendances naturelles. Je voulais ramener le propos vers l'Europe, les influences britanniques. Nous avons pour la première fois travaillé dans des studios luxueux, avec un réal/mixeur extrêmement talentueux, qui a su donner forme à nos envies de changement. Plus d'électricité, du cor, des claviers, et... le français, seulement le français !

Justement, vous qui nous avez habitué à manier avec dextérité la langue de Shakespeare, vous avez opté cette fois pour le tout français. Pour quelle raison ?

Raoul. Question de choix. On a une grande diversité d'influences musicales, et nos disques précédents ressemblaient parfois à une auberge espagnole. Dans un monde qui veut tout simplifier, il fallait faire au moins ce sacrifice de la langue unique. C'est sans regret. Chanter en anglais pour un groupe français, c'est se comparer potentiellement à des groupes ou des artistes internationaux qui nous dépasseront toujours. Comment passer après les Clash, Springsteen ou Nirvana ? Là au moins, on passe après Indochine ou Carlos, en terme d'écriture de chansons, c'est pas trop dur de faire mieux...

Malgré ce changement de cap, les ambiances sont une fois encore très cinématographiques et western. Chassez le naturel, il revient au galop ?

Helmut. Il paraît que les écrivains font toujours le même livre. Pourquoi les chanteurs ne feraient-ils pas toujours le même disque ? Toute la difficulté consiste à opérer un changement dans la continuité. Personnellement, le virage electro de Radiohead sur Kid A m'avait profondément ennuyé. Les ambiances du désert, on a voulu que ça soit plutôt du désert nord-africain. L'ambiance cinéma et western, ça doit être notre fond de sauce j'imagine, mais ça n'était pas nécessairement volontaire. 

Les noms de Noir Désir ou Ennio Morricone reviennent souvent lorsqu’on parle de votre musique. Est-ce que vous êtes - toujours - d'accord avec ces références ?

Raoul. Oui, sans problème. Enfin, les termes "influences" ou "références" sont toujours ambigus. Les auditeurs y retrouvent ça et ça fait partie des choses qu'on a écoutées. Mais nous n'avons pas nécessairement voulu nous en inspirer plus que ça.
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Quelles sont vos influences musicales ?

Helmut. Ce n'est pas évident. Qu'est-ce qu'une "influence"? Est-ce un artiste qu'on essaye de copier, ou à qui l'on pique telle ou telle recette (dans la grande tradition du folk et du blues), ou bien un artiste qui nous a guidé jusque là où l'on se trouve aujourd'hui, même si cela ne s'entend pas dans la musique qu'on fait ? Nous sommes 5, avec des parcours musicaux différents, donc influencés par énormément de choses, certainement beaucoup plus que ce qu'on peut entendre dans nos albums. Pour faire simple, je dirais toute la musique anglaise et américaine depuis le début du 20e siècle, plus précisément son versant rock, folk, blues. Et plus récemment, nous sommes allés chercher quelques ambiances du côté de l'Afrique, ou plutôt de l'idée fantasmée qu'on s'en fait.

La Maison Tellier est le nom de votre groupe. C’est aussi une maison close dans un roman de Maupassant. Les influences littéraires sont-elles importantes dans vos chansons ?

Raoul. Bien sûr. Le cinéma est aussi une grande source d'influences. Ceci dit, là aussi, on n'écrit pas des chansons à partir de tel film ou tel livre, mais plutôt des sentiments ou des réflexions qu'ils nous inspirent. Quand on écrit "Un Bon Français", ce n'est pas une chanson sur "Le Corbeau" de Clouzot, par contre ce film est un point de départ, ou un repère, permettant d'inscrire la chanson dans un certain contexte. De la même façon, "Prison d'Eden" part de la lecture d'Octave Mirbeau, mais ça s'arrête là. Souvent, on essaye de développer une idée inspirée par une lecture, un film, et puis après, ça bifurque vers autre chose. Mais le point de départ littéraire ou cinématographique est toujours là dans nos têtes. 

Vous ne vous considérez absolument pas comme un groupe engagé, bien au contraire, et pourtant le titre "Un bon français" dont vous parliez à l'instant est l’une des plus belles chansons engagées du moment. Que s’est-il passé ? 

Helmut. Le démon de midi... Plus sérieusement, en effet, c'est sans doute notre chanson la plus engagée, enfin la plus "premier degré" dans l'engagement. Mais non, nous ne sommes pas pour autant un "groupe engagé". Nous avons toujours considéré l'écriture de chansons comme une sorte de thérapie, pour sublimer les choses qui nous plaisent ou au contraire exorciser celles qui nous angoissent. 
Là, c'est un exercice de style, un jeu de rôle, qu'est ce que ça fait d'être dans la peau d'un type qu'on déteste, un salaud ordinaire ? Ça pourrait être n'importe qui, au fond, notre voisin, par exemple, celui que l'on salue tous les jours. L'idée est venue juste après les présidentielles, sûrement après quelques séances de lecture des forums des grands quotidiens sur internet, les nouveaux "cafés du commerce", en pire, puisque l'anonymat garantit une liberté quasi totale dans le propos. 
Mais il ne s'agit pas de donner de leçon, ou de dicter quoi faire aux gens, on n'est pas là pour ça. C'est en ce sens que nous ne sommes pas engagés. Par contre, oui, à titre individuel et citoyen, nous avons tous nos idées, nos envies, qu'on retrouve parfois dans nos chansons. 
Il s'avère que cette chanson trouve une résonance particulière dans le climat politique et idéologique français, depuis un an ou deux les "bons français" se trouvent tous les 3 mois un nouveau cheval de bataille et ressortent des vieux discours qu'on pensait voués aux oubliettes, mais ce n'était pas du tout une volonté de notre part de coller de si près à l'actualité, bien au contraire !

Quel artiste, chanson ou album vous a donné envie de faire de la musique?

Helmut. Gérard Manset, ou peut-être bien Bonnie Prince Billy
Raoul. John Renbourn, Led Zeppelin et Les Beatles. Et Dire Straits, mais c'était il y a longtemps
Léopold. Bach ou Miles Davis, voire les deux. Allez savoir
Alphonse. Charles Mingus ou Bob Marley, c'est pas clair...

Merci Les Tellier et bonne chevauchée


Interview réalisée le 3 avril 2014
Plus d'infos sur le groupe ici et


 

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