Un homme de 37 ans est jugé depuis aujourd'hui mercredi pour avoir escroqué, via La Bon Coin, près de 130 vendeurs de véhicules d'occasion. La raison de son comportement, explique-t-il à la barre : son "addiction au jeu".
Pendant deux ans et demi, jusqu'à sa mise en examen et son placement en détention provisoire en février 2014, ce négociant automobile originaire de Challans (Vendée) a fait l'acquisition de 131 voitures qu'il revendait immédiatement pour "avoir de l'argent rapidement et le jouer" au casino, a expliqué devant le tribunal correctionnel cet homme se présentant comme un "malade du jeu".
Joueur depuis l'âge de 18 ans, son addiction "s'était amplifiée" après une séparation difficile et il pouvait "dépenser chaque soir au casino 2.000 à 5.000 euros", a détaillé le prévenu, stoïque à la barre, mesurant ses propos dans une salle remplie de parties civiles.
En 2011, alors qu'il est interdit bancaire, ce titulaire d'un BEP comptabilité lance une activité de négoce de voitures d'occasion qu'il domicilie chez ses parents, sans garage ni livre de comptes.
Pour chacun des véhicules d'occasion, il répétait le même mode opératoire: après avoir épluché les petites annonces sur le site "Le Bon Coin", il contactait le vendeur en se présentant sous son identité "soit comme un particulier, soit comme un professionnel" et lui proposait d'échelonner les paiements en échange d'une simple reconnaissance de dette et d'un chèque de garantie qui s'avérait sans provisions ou falsifié. Le véhicule acquis à crédit était rapidement revendu à perte.
"Au début, ça se passait plutôt bien. Puis, j'ai perdu la boule. (...) J'étais dépassé par les événements, un peu sur une autre planète. J'étais pris dans l'engrenage, l'addiction au jeu", répète-t-il.
De deux véhicules par semaine, il passe ensuite "à quatre ou cinq" mi-2013, malgré une première convocation devant le tribunal correctionnel, et déjà une cinquantaine de plaintes à son encontre.
Le reportage d'Elodie Soulard, Damien Raveleau et
"Auto-destruction"
Aux gendarmes qui l'entendront à douze reprises, il promet de "rembourser" et de stopper son activité, mais rien ne le "dissuade" d'arrêter, même pas quand il est menacé par le fusil à canon scié d'un client floué. "Il aurait mieux valu m'arrêter avant", admet le prévenu devant le tribunal, "au vu des très grosses sommes" qu'il sait qu'il va devoir "régler à (ses) victimes".Au total, 131 vendeurs de véhicules d'occasion et neuf acquéreurs ont porté plainte pour un préjudice global évalué à plus de 505.000 euros.
Mis en examen pour escroquerie, abus de confiance et falsification de chèques et écroué, c'est en détention provisoire, où il est suivi par un addictologue, que le prévenu, qui avait "plus ou moins" conscience qu'il n'y avait "pas d'échappatoire", finira par "affronter la réalité".
Décrivant le prévenu comme un "toxicomane du jeu" qui a "basculé dans une forme de suicide, d'auto-destruction" car "comme tout joueur, il imaginait se refaire pour rembourser", son avocat, Me Philippe Ohayon, estime qu'il n'a "rien à faire" en prison, qui n'est "pas un lieu de soins".
Les "seuls bénéficiaires" de cette "escroquerie à visage découvert" sont "les casinos", mais ils ne sont pas renvoyés, a-t-il ajouté.
Les particuliers visés par l'escroquerie sont "des gens relativement simples et crédules", qui "avaient besoin de l'argent de la vente de leur voiture. Il y a eu des embauches manquées, une perte d'emploi, les victimes sont extrêmement touchées", a de son côté mis en avant Me Olivier Robet, qui défend une cinquantaine de victimes.
Le prévenu étant "totalement insolvable", les "victimes ont très peu de chances de récupérer leur argent", a-t-il déploré.
L'audience devrait se terminer en fin de journée.