Ils ont été imaginés, écrits, dessinés dans la région mais nous emmènent parfois loin derrière l'horizon. Aventure, humour, science-fiction... voici six albums ligériens qui ont marqué la rentrée...
"Le Dernier Atlas" : l'aventure en cinémascope
On commence par la fin ou plus exactement par la fin d'une aventure, une belle aventure, Le Dernier Atlas, trois volets parus aux éditions Dupuis, le dernier ce mois-ci, plus de 750 pages, et bien sûr un dénouement titanesque, à la hauteur de cette saga imaginée et conçue par les quatre Nantais Fabien Vehlmann, Gwen de Bonneval, Hervé Tanquerelle et Frédéric Blanchard.
Prix René Gosciny en 2020, Sélection officielle du festival d'Angoulême deux années de suite, en 2020 et 2021, Le Dernier Atlas propose un scénario exigeant tout en restant divertissant quelque part entre l'uchronie et le polar, un mélange des genres qui permet aux auteurs de jeter un regard sur notre monde d'hier (La Guerre d'Algérie) et celui qui nous attend demain avec ses enjeux environnementaux, énergétiques, sociaux et politiques.
Impossible de résumer l'histoire en une phrase tant elle est dense mais tout commence à Nantes où un lieutenant de gang, Ismaël Tayeb, est chargé par son boss de trouver une pile nucléaire. Il la trouve dans un Atlas, un de ces robots géants construits aux chantiers de l'Atlantique de Saint-Nazaire et qui ont contribué à des constructions titanesques jusqu'au milieu des années 70. Cet Atlas, le dernier au monde, est embourbé du côté de Darukhana en Inde. Pendant ce temps-là, en Algérie, d'étranges phénomènes ont lieu, une nouvelle menace qui pourrait bien changer le cours de l'histoire...
"Lucien et les mystérieux phénomènes" : un autre monde est possible
Delphine Le Lay et Alexis Horellou habitent la petite ville de Craon en Mayenne où ils organisent chaque année Rustine, un festival BD différent, alternatif, ouvert sur la musique, le tatouage, la sculpture, la photo ou encore la peinture. Dans les bandes dessinées documentaires ou de fiction qu'ils réalisent à deux, Delphine et Alexis visent toujours un objectif bien précis : nous faire savoir qu’un autre monde est possible et que tout ça dépend de nous.
La solidarité avec Cent Maisons, la résistance et le rejet du nucléaire avec Plogoff, le vivre autrement avec Ralentir ou encore, à destination des plus jeunes, l'écologie avec Lucien et les Mystérieux phénomènes, Delphine et Alexis ont des choses à dire et ne s'en privent pas.
Sorcière!, troisième volet de la série, nous embarque pour un château ensorcelé. Lucien et ses camarades de classe y sont hébergés dans la cadre d'un voyage scolaire et vont tout faire pour lever le mystère qui entoure le lieu. Enfin, selon la légende. Sans donner dans la morale, les auteurs évoquent ici la biodiversité et le vivre ensemble, notamment la place des femmes, sur fond de légende et d'aventure. Un très beau graphisme et un scénario intelligent qui a pour vocation de nous faire réfléchir.
"La Guerre olympique" : le retour du super-héros qui n'a pas envie d'être un super-héros
En avaient-ils assez d'animer les aventures officielles et parfois un peu trop sages du groom Spirou ? On ne le saura jamais mais à l'évidence les Ligériens Fabien Vehlmann et Yoann Chivard s'éclatent dans leur nouveau projet. Supergroom, c'est son nom, est un super-héros pas franchement comme les autres. Lui ne rêve que de vivre une vie ordinaire mais un malheureux concours de circonstance en a décidé tout autrement et l'a poussé à épouser cette nouvelle identité.
Dans ce deuxième épisode, paru en septembre aux éditions Dupuis, Supergroom se fait enlever par une sombre organisation qui traficote sur le darknet et l'oblige à participer à la WOW, la Worldwide Olympic War, autrement dit les Jeux Olympiques des superhéros.
Le ton, le dessin, les dialogues, le rythme et les personnages sont résolument modernes, une sacrée mise à jour qui pourrait déstabiliser les plus vieux fans de la série mais que les deux auteurs assument avec bonheur, avec aussi la volonté affichée de rajeunir le lectorat et de se rapprocher un peu plus des préoccupations actuelles telles que l'écologie. Spirou un jour, Spirou toujours...
"L'Ile du Docteur Moreau" : la science dans le viseur
Maintes fois réinterprété en roman, adapté en bande dessinée, porté à l'écran, L'Ile du Docteur Moreau est l'un des livres de science-fiction les plus connus de l'écrivain britannique H.G. Wells. Le Nantais d'adoption Joël Legars en propose une nouvelle lecture sur un scénario de Stéphane Témaillon avec un trait charbonneux qui contribue largement à l'atmosphère inquiétante du récit.
L'histoire ? Edward Prendick, unique survivant d'un naufrage, est secouru par un navire avant d'être abandonné sur une île du Pacifique loin d'être déserte et paradisiaque. Le docteur Moreau, scientifique sans limite déontologique, s'y est en effet installé pour mener à bien ses sombres expériences de vivisections sur les animaux avec l'objectif d'en faire des chimères. Dans ce récit, H.G. Wells souhaitait dénoncer les expériences sur les animaux et plus largement le danger des sciences et des technologies nouvelles. Une adaptation prévue en deux volumes.
"Taj" : recherche planète désespérément
Olivier Supiot et Damien Geffroy vivent autour d'Angers. Les déboires intersidérants de TAJ le survivant est le fruit de leur collaboration dans les pages du magazine Fluide Glacial. L'histoire met en scène un extraterrestre solitaire, un rescapé, dernier de sa lignée, à la recherche d'une planète hospitalière.
Bien évidemment, la tâche se révèle plutôt complexe et TAJ n'a pas fini de traverser l'espace vers l'infini et au-delà. Même la Terre sur laquelle il jette son dévolu, prêt à y apporter "la paix, la connaissance et la vie éternelle", oui quand même, se révèle hostile.
Bâtit autour d'une douzaine d'histoires courtes, Les déboires intersidérants de TAJ le survivant nous parle bien évidemment de notre futur, et comme tout récit de science-fiction, de l'absurdité et de la violence de notre monde contemporain. Avec un humour... très noir !
"Claude Gueux" : Plaidoyer contre la peine de mort
Intemporel, universel, ce récit de Victor Hugo qui dénonce les conditions de détention au XIXe siècle, la disproportion des délits et des peines et bien sûr la peine de mort, retrouve toute sa force sous la plume de Séverine Lambour et les pinceaux de Benoît Springer, deux Nantais qui ont déjà commis plusieurs albums ensemble avec à chaque fois un fond psychologique marqué.
Il n'est jamais facile de s'attaquer à l'adaptation d'un roman, qui plus est le roman d'un écrivain aussi célèbre et encore largement lu aujourd'hui, mais les auteurs sont parvenus à se l'approprier en créant une atmosphère et une tension particulières qui nous entraînent avec le protagoniste principal dans la spirale infernale de la répression. Arrêté pour le vol d'un morceau de pain, Claude Gueux tente de survivre en prison en essayant de maintenir un semblant d'humanité face à une administration carcérale impitoyable qui le brise, le pousse au crime et finit par le guillotiner. Une claque !
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