Il y a presque deux mois, on s'interrogeait sur la capacité à supporter le confinement. On s'est rendu compte au fil des semaines que, comme souvent, il n'y a pas une, mais des réponses. A l'heure du déconfinement et du retour des interactions sociales, comment allons-nous vivre le port du masque ?
Avant même le déconfinement, on avait pu constater que le port du masque s'était largement répandu dans la population. Et pas seulement chez les personnes âgées, les plus touchées par les formes sévères du Covid-19.
Avec le déconfinement, l'obligation de porter un masque dans les transports en commun, et dans certains commerces rend la pratique des plus visibles.
Ce qui, il y a deux mois, nous aurait semblé totalement incongru, est aujourd'hui totalement... accepté.
Prendre le risque d'être infecté est plus angoissant que le port du masque
Mais nous ne sommes pas tous égaux devant cette nouvelle injonction, dût-elle être sanitaire.Le port du masque ne va-t-il pas être une source d'angoisse pour certaines personnes ? On pense notamment au personnes souffrant de claustrophobie.
Pour Jacky Rabibisoa, psychologue à Saint-Herblain dans la banlieue nantaise, la source d'angoisse ne viendra pas forcément du masque mais d'avoir, en sortant de chez soi, à croiser d'autres personnes, de prendre le risque d'être infecté par le virus. Cette peur d'être confronté au danger avec le déconfinement peut être source de stress. Il suffit d'ailleurs d'observer certains comportements pour se rendre compte de la réalité de cette angoisse.
N'importe qui peut déclencher une phobie sur n'importe quoi
Quant à vivre un véritable rejet du masque, comme certains peuvent vivre une phobie des ascenseurs, la probabilité ne semble pas évidente pour les psychologues interrogés. Même si, selon Christophe Spire "N'importe qui peut déclencher une phobie sur n'importe quoi".Ce spécialiste de l'hypnose qui exerce à Angers, pense que l'angoisse pourra venir éventuellement d'un questionnement de la part de la personne en difficulté. "Vais-je pouvoir bien respirer, aurai-je suffisamment d'air ?" Chez des gens sujets naturellement à des épisodes d'angoisse, ces interrogations peuvent à elles-seules provoquer un état de stress. Et pas seulement chez les claustrophobes.
Il faut alors être capable, selon lui, de ne pas se projeter dans une anticipation négative, ne pas se poser de questions sur un problème qui n'existe pas.
Plus un problème d'image
Est-ce que cela aurait à voir avec de la claustrophobie, je n'en suis pas certaine" s'interroge Dominique Chabannes, psychologue à Nantes. Pour elle, la claustrophobie est plus liée au visuel, à ce que l'on voit de son environnement. Cette psychothérapeute est plus encline à pointer les problèmes d'image que le port du masque pourrait poser. L'image que l'on a de soi avec un masque, l'image que l'on donne à voir aux autres.Mais la masse d'informations diffusées actuellement sur le sens de cette démarche, l'intérêt pour soi et pour les autres de porter un masque, devrait contribuer à faire taire ce genre d'inquiétude...
Christine Jeoffrion, Maître de Conférence en psychologie sociale à l'Université de Nantes, pense que le port du masque pourrait poser des difficultés à certaines personnes souffrant peut-être de claustrophobie par exemple. Mais ce n'est pas son inquiétude première.
"le port du masque ne facilite pas les relations sociales..."
"Il est vrai que la sensation d’étouffement peut être vite présente, dit-elle. J’y vois aussi d’autres inconvénients. Par exemple, le port du masque ne facilite pas les relations sociales, notamment à l’égard des personnes qui sont malentendantes, car une partie du non-verbal s’efface, on ne peut plus lire sur les lèvres."Mais Christine Jeoffrion s'interroge plus sur la sensation trompeuse d'invulnérabilté que peut induire le port du masque
"Cette possible perception d’invulnérabilité, explique-t-elle, pour soi et pour les autres, lorsque l’on porte un masque, avec ce sentiment d’être protégé par cette barrière que constitue le masque. Ceci peut avoir pour effet de diminuer les gestes barrières comme la distance physique. Or, on sait combien le port du masque exige une bonne connaissance des gestes à faire, ne toucher que les élastiques et non le masque lui-même, et à ne pas faire : baisser son masque en le touchant dans sa partie supérieure et l’abaisser sur son menton, etc.."
Pour Christine Jeoffrion, malgré les difficultés qu'auront peut-être certains à l'utiliser, il convient de souligner l’importance du port du masque dans les lieux publics car il reste un moyen d’éviter la propagation du virus.