Hydrogène : une énergie trop belle pour être verte ?

L’hydrogène est-il la solution miracle pour opérer la transition énergétique ? Pouvoirs publics, investisseurs, industriels et de nombreux exécutifs régionaux l’affirment. Pourtant, derrière les promesses, la réalité est plus nuancée. Le documentaire "Hydrogène, la belle promesse" décrypte l’engouement pour cette énergie largement subventionnée, mais toujours loin d’avoir fait ses preuves.

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L'hydrogène, lenteur de la recherche et défis de stockage

La recherche, c’est long et coûteux. Voilà pourquoi l’utilisation de l’énergie hydrogène, malgré des discours confiants qui eux n’attendent pas, tarde à se concrétiser. Sans doute parce que les principaux défis consistent à le stocker et le distribuer en toute sécurité, car l’hydrogène, substance la plus légère de l’univers, est aussi la plus inflammable.

Mais aussi parce que son rendement est pauvre : quand une batterie restitue 70 % de son énergie au moteur électrique d’une voiture, l’hydrogène plafonne à 25 %, qui plus est pour un coût plus élevé.

Une énergie verte à l'essai

Reste l’argument d’une énergie zéro émission, largement repris par les collectivités locales, les pouvoirs publics, l’Europe et les producteurs d’hydrogène. Les transports urbains en sont une excellente vitrine, tout comme le sport automobile, figure de proue d’une industrie en quête de verdissement et de désintoxication aux énergies fossiles.

Aujourd’hui, les constructeurs sont capables de faire tourner en démonstration sur le circuit des 24 h du Mans des prototypes roulant à l’hydrogène. Pourront-ils un jour dépasser ce stade et s’aligner en compétition ? Rien ne l’indique à court terme.

Un rêve ancien

Le rêve hydrogène ne date pas d’hier. Questionné par les documentaristes, l’historien et sociologue des techniques à l’Université de Belfort Nicolas Simoncini rappelle que les périodes d’engouement et de désintérêt pour l’hydrogène se succèdent depuis les années 60, dans un contexte d’accroissement de la population mondiale et d’inquiétude croissante quant à la fin des ressources fossiles.

Mais il y a ce côté Jules Verne, ce crédo pour un progrès technologique qui permettrait de réaliser les rêves les plus fous de l’humanité. En témoigne cette couverture du magazine Science et Vie de mars 1974 qui prédit pour les années 80 des avions propulsés à l’hydrogène, capables de transporter 400 passagers sur 9 000 km.

Plus proche du grand public et de la sacro-sainte bagnole, un reportage du journal télévisé extrait d’une savoureuse archive de 1979 explique déjà la perspective de faire rouler une voiture, en l’occurrence une Renault 8 qui, au lieu de gaz d’échappements, n’émettrait que de l’eau.

Démonstration à l’appui et encombrante bonbonne d’hydrogène logée sur la banquette arrière du véhicule, un Géo Trouvetou du plus grand sérieux explique le principe : quand l’hydrogène contenu dans la bonbonne rencontre l’oxygène, il produit de l’électricité et rejette… de l’eau.

L'hydrogène et ses promesses

Cet argument de la pureté des émissions traverse toute la communication de la filière hydrogène contemporaine. Comme dans ce clip dans lequel on voit littéralement un pot d’échappement verser quelques gouttes sur une fleur du pavé mal en point, laquelle retrouve ensuite sa vigueur. Le message des annonceurs est clair : demain avec l’hydrogène, on pourra utiliser la voiture comme avant, ce sera même bon pour la planète.

Inutile de préciser qu’on n’est pas obligé d’y souscrire. Car la "belle promesse" de l’hydrogène comme l’indique le titre du documentaire, c’est ni plus ni moins celle d’un combo miracle qui autoriserait à consommer et à produire autant qu’avec les énergies fossiles tout en préservant le climat, en assurant notre souveraineté énergétique et en réindustrialisant la France.

Les réalités de la production d'hydrogène

Un discours que les auteurs du documentaire s’emploient méthodiquement à déconstruire. En premier lieu en rappelant que si l’hydrogène est une énergie à émission zéro, sa production est majoritairement à base de pétrole, de charbon ou de méthane et donc fortement émissive de carbone. C’est l’hydrogène gris et il représente 95 % de l’hydrogène produit dans le monde. Pourquoi cela ? Parce que pour produire de l’hydrogène qui fera ensuite tourner un moteur électrique, il faut… de l’électricité.

L’électrolyse, ce procédé qui permet de décomposer l’eau en hydrogène et oxygène, nécessite d’importantes quantités d’électricité. Un argument de poids pour justifier le renforcement de la filière nucléaire française selon ses supporters, et de s’en inquiéter pour ses contempteurs, soucieux des déchets produits.

Innovations et start-ups : vers un hydrogène plus vert ?

Alors, chevaliers blancs ou plutôt verts, voici venir les start-ups qui misent sur les renouvelables et qui ont fleuri. Née en Pays de la Loire, Lhyfe est l’une des plus emblématiques en France. Son crédo, la production d’hydrogène vert, grâce au solaire et à l’éolien.

Non sans impact sur l’environnement ou les paysages, mais tout de même, la possibilité de contribuer à la décarbonation d’un côté sans produire de CO2 de l’autre. Tout a démarré à Bouin en Vendée en 2021 avec une usine capable de produire 300 kilos d’hydrogène par jour. L’objectif est de monter à 1000, et de multiplier les implantations au plus près de l’utilisateur, en premier lieu les complexes portuaires où se concentrent les sites industriels à décarboner.

Exploration de l'hydrogène naturel : promesses et incertitudes

Le voyage des réalisateurs au pays de l’hydrogène donne lieu à des séquences inattendues. Au Mans, des chercheurs testent dans leur laboratoire la production naturelle d’hydrogène à partir de microalgues.

À quelques kilomètres, toujours en Sarthe, la start-up Qairos se propose de fabriquer de l’hydrogène à base de chanvre. 1 hectare de culture s’avérerait nécessaire pour faire rouler une voiture 10 000 km. Vertige. Entre la perspective de monocultures mortifères ou de fermes solaires couvrant des centaines d’hectares, l’hydrogène fait tout à coup moins rêver.

Sur le terrain enfin, on explore les sous-sols qui par endroits regorgeraient d’hydrogène. Une ressource gratuite, naturelle, propre, l’hydrogène blanc. Qu’importe si on ne connaît ni les quantités, ni le caractère exploitable de cet hydrogène, c’est la frénésie de la ruée vers l’H. Ainsi en Lorraine se prend-on à rêver de nouveau à un destin de Texas français comme avant la fermeture des dernières mines.

Vers une réflexion critique sur notre consommation énergétique

Au terme d’un tour d’horizon critique et documenté, "Hydrogène, la belle promesse" nous permet d’engager une réflexion sur notre attachement au monde d’abondance que nous connaissons.

Peut-on raisonnablement croire qu’une technologie quelle qu’elle soit aurait la capacité de le prolonger sans dommages ? Tout en reconnaissant que l’hydrogène a un rôle à jouer dans la transition énergétique, les auteurs nous mettent en garde contre l’euphorie des discours politiques et marchands qui en font une promotion univoque sans se questionner sur le niveau de notre consommation d’énergie.

durée de la vidéo : 00h01mn17s
Extrait documentaire "Hydrogène, la belle promesse" de Nicolas Gabriel et Julie Chansel ©24 Images/France Télévisions

"Hydrogène, la belle promesse" de Nicolas Gabriel et Julie Chansel

Une coproduction 24 Images – France Télévisions

Diffusion jeudi 5 septembre à 22h55

Rediffusions à 9 h 45 les 6, 10 et 26 septembre

► À voir dès maintenant sur france.tv dans notre collection La France en Vrai 

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