En 2008, les services sociaux avaient été saisis d'une information préocupante concernant Marina
Le 4 mai 2009, les services sociaux du Conseil général de la Sarthe sont saisis d'une information préoccupante concernant Marina. Cet après-midi à la barre, plusieurs membres de cette administration sont venus témoigner du suivi de cette alerte. Un suivi dont les avocats des parties civiles ont souligné les carences…
AFFAIRE MARINA : AUDITION SERVICES SOCIAUX CG72 par France3PaysdelaLoire
C'est surtout la chaîne de communication entre les différents services qui a d'abord intéressé la cour cet après-midi. Le président Denis Roucou, à l'audition d'un responsable de ces services sociaux, a cherché à comprendre pourquoi l'information préoccupante concernant Marina lancée début juillet 2008 n'a pas entraîné automatiquement une enquête sociale. Car ce n'est que le 5 mars 2009, soit 6 mois après le classement sans suite du premier signalement par le parquet du Mans, que les services sociaux du département se sont renseignés sur le contenu de l'enquête de gendarmerie. "C'est la pratique en Sarthe de ne pas faire d'évaluation de la famille si le parquet n'en fait pas la demande." Une visite de travailleurs sociaux aura même lieu dans la famille, sur son lieu d'habitation, sans donner lieu à autre chose qu'une décision de surveillance de la situation des Sabatier.
Les parties civiles montent au créneau
Me Francis Szpiner, avocat de "La voix de l'enfant", s'est alors demandé pourquoi aucune enquête n'avait été diligentée, même sans saisie du parquet, au regard de la mission de protection de l'enfance assumée par le Conseil général.
"Pensez-vous que votre service a été irréprochable dans cette affaire ?"
Réponse : "Nous avons fait notre travail avec les éléments portés à notre connaissance." Me Szpiner : "Donc, vous répondez que vous avez été irréprochable…"
A son tour, Me Rodolphe Costantino, représentant de l'association "Enfance et partage" s'interroge :
"Pourquoi n'avez vous pas saisi le procureur de la République après ce deuxième signalement émanant de l'hôpital ?"
"Ce n'est pas le protocole."
"Cinq mois de temps de réponse de vos services, vous ne pensez pas que c'est un peu tard au regard de l'urgence de la situation de Marina ?"
"Le délai moyen d'une évaluation sociale est de trois mois."
Après presque deux heures d'audition devant le jury, le témoin est enfin libéré. Pendant ce temps, les deux accusés suivent les débats silencieusement dans leur box.
Le procès dans le procès
Comme prévu avant l'ouverture de cette session de la cour d'assises de la Sarthe, c'est un autre procès qui se joue devant le tribunal : celui des dysfonctionnements des services de protection de l'enfance. Pas moins de quatre associations de défense des droits de l'enfant se sont ainsi portés parties civiles, une première dans ce type de procès. Après la mise en cause du médecin scolaire la semaine dernière, ce sont les cadres du service social du Conseil général qui sont passés sur le grill. But de la manoeuvre : comprendre comment et surtout pourquoi les signalements et les inquiétudes manifestés par les enseignants de Marina n'ont pas donné lieu à un placement de l'enfant et à une enquête approfondie.
A la barre se succèdent les différents chefs de service en poste lors des premières constatations de maltraitance. Et les avocats des parties civiles de mener la charge contre la lenteur de ce système qui n'a pas permis d'intervenir à temps pour sauver Marina. A la question, "vous voyez un danger pour l'enfant, pourquoi n'avez vous pas transmis le dossier au parquet du Mans ?", un responsable explique que "cette transmission n'a pas lieu d'être car depuis la loi de 2007 l'aide sociale ne saisit le procureur qu'en cas urgence immédiate pour la santé de l'enfant."
Les éléments de langage du Conseil général
Autre surprise de cet après-midi d'audience : un avocat révèle qu'un document interne au Conseil général, datant du 7 juin dernier, a été envoyé aux personnels des services sociaux. Il indique qu'une réunion préalable, rassemblant tous les témoins cités à comparaître, a eu lieu pour les informer de ce qui les attendait lors du procès. Et notamment les attaques des avocats des parties civiles auxquelles ils allaient être confrontés. Me Szpiner se demande si ces recommandations n'ont pas imposé des éléments de langage aux intervenants sur la conduite à tenir. L'avocat y voit la
raison pour laquelle, chaque des témoins, quand on lui demande son sentiment personnel sur le traitement du dossier de Marina, se réfugie derrière le fonctionnement du l'institution. Surtout, ce qui transpire dans ces témoignages successifs, c'est la frilosité de chacun des intervenants : tous indiquent avoir agi dans l'unique champ de leur compétence. Traduction : j'ai fait mon travail et transmis tous les éléments en ma possession. Et le dossier Marina semble, du coup, être passé de services en services.
Demain, le "vrai" procès reprendra son cours avec l'examen des dernières 24 heures de la vie de Marina et du scénario d'enlèvement imaginé par les parents pour cacher leur crime.