"J'avais 15 ans, la honte doit changer de camp", Estelle était dans la rue pour la journée de lutte contre les violences faites aux femmes,

"Nous sommes femmes, nous sommes fières et féministes et radicales et en colère". Des dizaines de manifestantes et de manifestants reprennent le slogan. À Rennes, ils étaient près d'un millier à marcher pour dénoncer le sort réservé aux femmes. En 2023, 115 femmes sont mortes sous les coups de leurs compagnons ou ex-compagnons et 110 000 ont été victimes de viols, agressions ou atteintes sexuelles. Certaines de ses violences, Estelle les a connues, dans sa chair. Elle en souffre encore, alors elle manifeste pour essayer de faire en sorte que les choses bougent.

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Elle se prénomme Estelle. Au milieu de la foule qui marche contre les violences faites aux femmes, elle brandit son petit morceau de carton sur lequel elle a écrit : "J'avais 15 ans, la honte doit changer de camp." 

Violée à 15 ans

Ce jour-là, elle n'était effectivement qu'une adolescente. Elle s'est rendue chez un ami. Il avait 17 ans et a abusé d'elle.  

Je croyais que c'était normal d'être forcée.

Estelle

"Je ne savais même pas que c'était un viol, explique-t-elle. Je croyais que c'était normal d'être forcée, comme je n'avais jamais eu de relation avant, je pensais que c'était comme ça. Je ne me suis rendu compte qu'après, que la normalité, ce n'est pas ça. Ce n'est pas d'être forcée. C'était quelque chose qui n'était pas consenti du tout, c'était de la contrainte, du chantage sexuel."

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Reportage de S. Breton; S. Ruaux et F. Leblanc ©France 3 Bretagne

"Croire les victimes plus que les bourreaux"

"Quelqu'un est venu me demander si ce que j'avais écrit sur ma pancarte était vrai", s'agace Estelle. "Comme si c'était faux de raconter un viol ! "

Quand on porte plainte pour viol, c'est qu'on a été violée  !

Estelle

Il y a quelques mois, la jeune femme a eu le courage d'aller porter plainte à la gendarmerie. "C'était 10 ans après les faits, mais je l'ai fait pour essayer d'aller mieux et je veux vraiment qu'on arrête de croire que quand on porte plainte, c'est pour l'argent, c'est pour la célébrité. Quand on porte plainte pour viol, c'est qu'on a été violée  ! Il faut toujours croire les victimes plus que les bourreaux."

Le rapport annuel de la Mission interministérielle pour la protection des femmes (Miprof) a été publié ce 21 novembre.  En 2023, 115 homicides au sein du couple ont été enregistrés par les forces de sécurité. Plus de 110.000 victimes de violences sexuelles (viols, agressions sexuelles, atteintes sexuelles, harcèlement sexuel, voyeurisme, exhibition sexuelle, exploitation sexuelle...) ont été enregistrées par la police et la gendarmerie en 2023 et plus de 270.000 victimes de violences commises par leur partenaire ou ex-partenaire ont été enregistrées par les forces de sécurité.

91% des viols commis par une personne que la victime connaît

Estelle serre les poings. Elle souffre encore mais refuse de se laisser abattre. "Si je craque, il aura gagné, et ça, ce n'est pas possible", lâche-t-elle, les yeux humides. Alors elle se bat et combat les idées reçues. 

"Je veux qu'on se déconstruise cette image du viol, du violeur, à 2h du matin dans la rue, quand on est bourrée, habillée en mini-jupe. 91% des viols sont commis par une personne que l'on connaît. Le viol, c'est fait par soumission chimique. Le viol, c'est fait par contrainte, par menace. Le viol, c'est fait par harcèlement. Le viol, c'est fait par chantage !"

Lire : Violences faites aux femmes. La Maison des Femmes Gisèle Halimi ouvre ses portes pour accueillir les victimes

 

"Un viol, c'est un meurtre !"

Le cortège avance, nombre de manifestants ont rehaussé leurs pommettes ou leurs yeux de paillettes, et arborent écharpes ou bonnets violets. Comme un pied de nez à la souffrance. Estelle sourit et continue son récit. "Un viol, c'est un meurtre, dit-elle, mais il n'y a pas de cadavre. Parce qu'on est toujours vivant. Mais on a un cadavre à l'intérieur de nous-mêmes. Et ça nous tue." 

Les yeux baissés, la jeune femme reconnaît qu'elle a essayé de mettre fin à ses jours. Plusieurs fois.

"Ça me casse les ovaires. Désolée d'être vulgaire comme ça, mais ça me casse les ovaires. Je veux que ça avance, que ça avance, que les peines avancent, que la justice avance sur ce sujet-là."

"Il faut que ça cesse. On n'en peut plus. Je n'ai pas envie d'avoir peur pour mes sœurs. Je n'ai pas envie d'avoir peur pour mes cousines. Je n'ai pas envie d'avoir peur pour mes sœurs féministes. On en a marre de vivre dans la peur." 

Elle souhaite que les enfants "soient informés à l'école, que les parents éduquent leurs enfants. Il y a tellement de choses à faire pour nous aider, conclut-elle. Car la chose est finalement simple : à partir du moment où il n'y a pas un oui, franc, c'est que c'est non. C'est que c'est non ! "

Lire : Violences faites aux femmes. Des Rennaises lancent un réseau d’autodéfense pour libérer la parole dans les quartiers

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