Violences faites aux femmes. Des Rennaises lancent un réseau d’autodéfense pour libérer la parole dans les quartiers

Après l’assassinat d’une mère de famille en avril 2022, des femmes du quartier de Villejean, à Rennes, ont décidé de se mobiliser pour aider les victimes de violences à sortir du silence, quelles que soient leurs origines et leur situation administrative et sociale.

Travailler en secret pour sortir du silence. C’est la devise des Clandestines, le nouveau réseau d'autodéfense féministe lancé par le collectif Kuné. Ces "Clandestines" sont des femmes du quartier de Villejean, aux origines culturelles et sociales très diverses, qui ont, au moins, un point commun : vouloir aider les femmes victimes de violences conjugales.

Un collectif de femmes solidaires et engagées 

Le collectif Kuné (qui signifie "ensemble" en Espéranto) est né en 2020. Pendant le confinement, un petit groupe de femmes proposent de mettre à profit leurs talents de couturières pour fabriquer des masques à destination des plus fragiles et des étudiants.

Constatant la belle dynamique, Régine Komokoli l’une d’entre elles, propose de poursuivre les actions communes en s’appuyant sur les compétences de chacune.  "Mon idée était de montrer que les femmes des quartiers savent faire autre chose que des enfants" résume la tête de proue du mouvement.

Les bénévoles de Kuné se lancent alors dans une collecte de jouets pour les enfants du quartier, puis dans la distribution de repas solidaires aux personnes âgées. Mais en avril 2022 le collectif prend un autre virage.

Marie, la morte de trop

C’était le 11 avril 2022 très exactement. C’est ce jour-là, que Marie Thakizimana, mère de famille, meurt sous les coups de son conjoint dans un immeuble du quartier de Villejean. "Tout le monde savait qu’elle était battue " osera dire Régine, qui a décidé ce jour là de ne plus se taire.

Pour les amis de Marie, pour les militantes féministes, c’est l’assassinat de trop.

LIRE: Colère et incompréhension après le meurtre de Marie à Villejean

En hommage à la mère de famille le collectif Kuné organise alors une marche blanche. C’est aussi l’occasion de dénoncer l’omerta qui règne dans les quartiers sur les questions des violences conjugales.

 LIRE: Féminicide à Rennes. 400 personnes rassemblées en mémoire de Marie

L’effet est immédiat.  "Nous avons été submergées de témoignages de femmes victimes de violence conjugale" raconte Régine. Cette ancienne femme battue, ne peut rester les bras croisés. Elle impulse la création d’un réseau de sentinelles dans le quartier.

"On se devait de faire notre part du travail"

"On voyait bien qu’il manquait quelque chose, raconte Régine. Malgré toutes les associations et structures officielles, les femmes continuent de mourir sous les coups de leurs maris " rappelle-t-elle. Et parmi ces victimes, de nombreuses femmes d’origine étrangère.

La conseillère départementale d’Ille et Vilaine est une ancienne réfugiée centrafricaine, naturalisée française. Elle sait ce qu’est l’isolement des femmes d’origine étrangère. "Quand une femme ne parle pas bien le français, elle n’ose pas franchir la porte d’une association ou d’une administration. Elle est totalement dépendante de son mari ".

Le groupe d’habitantes de Villejean décide de s’investir dans la lutte contre ce fléau. "En tant que victimes, en tant que témoins, en tant que citoyennes, on se devait de faire notre part du travail " commente la porte-parole de Kuné.

9 femmes aux 15 langues pour écouter toutes les femmes

Le collectif Kuné lance alors un appel aux dons et réussit à collecter plus de 2000 euros pour agir contre les violences sexistes. Leur première action consiste à former un groupe de femmes à l’écoute bienveillante.

Au printemps 2023 elles sont neuf femmes à suivre cette formation. Neuf femmes qui parlent 15 langues et peuvent écouter, soutenir et orienter les victimes vers les structures professionnelles,  et ce, quelles que soient leur langue, leur religion, leur situation administrative ou sociale.

Elles s’appellent désormais les Clandestines car elles vont œuvrer en sous-marin, la condition indispensable à la réussite de leur action. Une précaution aussi pour se protéger des intimidations dont elles pourraient être victimes.

Les Clandestines sont désormais joignables, en toute discrétion, dans les lieux publics, sur le marché, à la sortie de l’école ou à la maison de quartier de Villejean, qui est désormais leur hébergeur et partenaire. Le collectif peut aussi compter sur le soutien de près de 19 associations et structures dont le collectif Nous Toutes 35.

"Nous avons déjà gagné"

Ce 9 septembre 2023,  Régine Komokoli et quelques unes des membres affichées du collectif Kuné organisent une rencontre à la maison de quartier de Villejean pour présenter ce premier réseau d’auto-défense féministe.

L’idée est de faire parler d’elles, pour que les femmes sachent qu’elles existent et osent briser le silence. "C’est aussi pour que la peur change de camp et que les hommes violents se disent qu’ils ne peuvent plus compter sur le silence de leurs victimes " annonce le communiqué de presse des Clandestines.

Et "à ce niveau nous avons déjà gagné, estime la militante féministe. Les gens en parlent dans le quartier et nous avons eu des témoignages de femmes, qui ont vu le comportement de leur mari changer depuis qu’ils ont appris leurs liens avec le collectif Kuné" se réjouit-elle.

En communiquant publiquement, les bénévoles de Kuné veulent aussi remercier les donateurs anonymes qui ont soutenu l’initiative. Elles espèrent également que leur démarche fera des émules dans d’autres territoires.

Pour contacter le collectif Kuné : rennes.kune@gmail.com

N° écoute violences de l'ASFAD : 02 99 54 44 88

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