Violences faites aux femmes. Des fermes ouvrent leurs portes aux victimes

En 2022, 121 femmes sont mortes sous les coups de leurs conjoints ou de leurs compagnons. Chaque année, 213 000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles. Pour protéger les femmes, des solutions d’hébergement d’urgence existent. Dans le Finistère, des fermes ouvrent leurs portes aux victimes de violences.

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Sur la page d’accueil du site internet de ses chambres d’hôte, Magali* a écrit, "Parfois, ici, le temps s’arrête pour se poser, respirer." Tout un programme.

Quand la Direction Départementale de la Cohésion Sociale (DDCS) du Finistère s’est tournée vers le Civam (Centre d'initiatives pour valoriser l'agriculture et le milieu rural) pour chercher des places d’accueil pour les femmes victimes de violences, elle n’a pas hésité un instant. 

"Certaines femmes ont peut-être besoin de se retrouver seules, vraiment seules, pour faire le point, explique-t-elle, mais quand on quitte son domicile, dans l'urgence, pour fuir la violence, je pense que c'est plus chaleureux de venir dans une ferme que de se retrouver toute seule dans une chambre d'hôtel". 

Accueillir dans la chaleur humaine

"La Direction Départementale de la Cohésion Sociale du Finistère souhaitait en effet réduire ces hébergements à l’hôtel, confirme Sophie Pattée, animatrice et coordinatrice du Civam 29. Pour eux, ce sont des hébergements chers, peu accueillants et qui conduisent les femmes, isolées, à retourner au domicile conjugal où elles ne sont pas en sécurité. Ils avaient constaté qu’il y avait peu de dispositifs en milieu rural et mis en place des conventions avec des gîtes ruraux en dehors des périodes touristiques, mais les femmes étaient là encore toutes seules. Nous proposons autre chose. Une présence, quelqu’un avec qui prendre un café, partager un repas, quelqu’un qui puisse écouter. "

Il y a en moyenne 7 tentatives de départ avant que les femmes ne réussissent à quitter définitivement le domicile

Sophie Pattée, animatrice-coordinatrice Civam 29

Magali et les agriculteurs d’autres fermes accueillantes ont suivi une formation avec des psychologues, la déléguée aux droits des femmes, des gendarmes. "C’est important pour les accueillants de connaître le processus des violences conjugales, savoir ce qu’est l’emprise, pour comprendre le parcours des victimes souligne Sophie Pattée.

"Il y a en moyenne 7 tentatives de départ avant que les femmes ne réussissent à quitter définitivement le domicile. Quand on accueille, ce n’est pas simple de comprendre que la femme retourne prendre des coups. Mais elle a sans doute ses raisons, il est important de ne pas juger et de ne pas culpabiliser si c’est la voie qu’elle choisit. Ce n’est pas forcément un échec. Elle aura eu quelques jours pour se poser, se reposer, faire le point et peut être que son prochain départ sera le bon."  

Ouvrir sa porte et être là

"Nous ne sommes pas des professionnels, reconnaît Magali, cela peut être un peu délicat pour trouver les mots justes avec ces femmes qui sortent d’un traumatisme, mais cela peut être aussi un plus. Nous accueillons en tant que citoyens parce que nous sommes avant tout des paysans. "

Dans sa ferme, elle reçoit régulièrement des enfants ou des adolescents en difficulté, et "cette neutralité, ça nous aide. Ils savent que nous ne sommes pas des éducateurs, donc ils ne se comportent pas exactement pareil avec nous. "

"Nous sommes là pour accueillir, pas pour creuser le passé, insiste Sophie Pattée. Les femmes sont libres de parler ou de se taire, de dire ou de ne pas dire. Sur une exploitation agricole, il y a plein d’occasions de discuter. Les repas, le café et puis les moments où on va chercher les légumes dans le potager, celui où on cuisine. C’est plein d’instants où la parole peut se libérer poursuit-elle. Pour les femmes, cela peut devenir le moment de penser et donc de panser ses plaies. "

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Quand la première femme victime de violences est arrivée à la ferme, Magali l’a installée dans un gite attenant à sa maison. Elle pouvait être autonome. "On partageait nos repas mais elle pouvait aussi se faire à manger, être tranquille."

"La relation a été compliquée et c’est sans doute normal, reconnait Magali, elle sortait de quelque chose de difficile." La fermière reste persuadée qu’une ferme peut être un lieu où les femmes peuvent retrouver confiance en elles. Redécouvrir que l’on peut faire de belles rencontres dans la vie. 

Elles voient des maris et des pères qui se comportent différemment de ce qu’elles connaissent et subissent. "Elles se rendent compte que ça existe, que c’est possible, et cela peut leur redonner de l’espoir", souligne Sophie Pattée. 

À la ferme, autour d’elle, Magali a des alliés précieux pour aider les femmes à retrouver la paix. "Il y a la nature, et c'est un excellent remède pour se ressourcer et puis, dans la cour et dans les prés gambadent chats, chiens, poules, chèvres et chevaux. "Ce sont des êtres vivants qui ne jugent pas. En fonction de leurs affinités, les femmes peuvent aller caresser l’un ou l’autre, et se reconnecter au vivant, retrouver une place." 

Une campagne qui peut aussi faire peur

Depuis le début du projet, seules deux femmes ont été accueillies dans les fermes. "Quand le 115 leur propose cet accueil, certaines ont un peu peur, constate Sophie Pattée. Elles ne connaissent pas forcément la vie à la campagne. Elles ont peur de ne pas pouvoir se déplacer, de trop s’éloigner de leurs proches. C’est parfois un frein.'

Mais le Civam n’entend pas renoncer car en milieu rural les violences conjugales existent aussi. Les chiffres sont même terribles. Alors que 30% de la population vit à la campagne, 50% des féminicides ont lieu en milieu rural.

"C’est un univers où on trouve plus d’armes à feu, note Sophie Pattée et puis les femmes s’y sentent souvent plus isolées. Physiquement et moralement. Il n’y a pas de voisin pour entendre les cris ou les coups, pas forcément de voisine non plus à qui se confier."

"Et c'est un terrible paradoxe, les femmes sont seules mais en même temps, tout le monde les connaît. Elles ne peuvent donc pas non plus pousser la porte d’une gendarmerie par peur des regards des voisins, par crainte que le gendarme ne soit un copain de leur conjoint. Elles n’appellent à l’aide que quand elles sont menacées de mort." 

Alors, en cas de besoin, Sophie et Magali se tiennent prêtes à ouvrir leurs portes, poser une assiette sur la table. Si une femme appelle à l’aide, elles seront là ! 

*Pour que les auteurs des violences ne puissent retrouver les fermes accueillantes, il est important de ne pas révéler son identité. 

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