On a rien appris du Titanic !

Capitaines et experts réunis à Nantes demandent qu'on limite la capacité des paquebots de croisière

Impossible d'évacuer 4 000 personnes au large, sans secours terrestres. Le naufrage et l'évacuation chaotique du paquebot Costa Concordia, échoué le 13 janvier en Italie, illustrent les dangers de la course au gigantisme en cours dans l'industrie des croisières, ont estimé experts et capitaines réunis en congrès à Nantes.

Car si l'on sait accueillir, transporter, nourrir, divertir et faire rêver des milliers de passagers sur des villes flottantes, le drame qui s'est joué au large de l'île italienne du Giglio montre qu'on ne maîtrise pas l'abandon, par des milliers de passagers et membres d'équipage, d'un paquebot en train de couler.

"Imaginez le Concordia coulant non pas à 150 mètres de la côte mais dans une zone inaccessible: cela aurait été une catastrophe maritime majeure", a assuré Laurent Galy, chef du département sécurité et sûreté de l'Ecole nationale supérieure maritime (ENSM) de Nantes.

Pas de changement depuis le Titanic

M. Galy était l'un des organisateurs du 4e Forum international sur la prévention des risques maritimes et portuaires, qui s'est tenu à Nantes jeudi et vendredi.

"Alors que les paquebots modernes emportent toujours plus de passagers, on fonctionne toujours sur des schémas d'évacuation datant du Titanic", a expliqué M. Galy. "Canots de sauvetage, embarquement dans les canots sur ordre de l'équipage: mais le fiasco du Concordia montre qu'il va falloir trouver de meilleurs moyens d'évacuation", a-t-il souligné.

Spécialistes et professionnels réunis à Nantes sont d'accord: évacuer en bon ordre et dans le calme plusieurs milliers de passagers, on ne sait pas faire. "On est à la limite", selon Hubert Ardillon, président de l'Association française des capitaines de navires (AFCAN). "Des paquebots de 8.000 passagers sont en construction.

A quai c'est déjà la cohue

Avec l'équipage, cela faite onze à douze mille personnes. Evacuer 12.000 personnes quasiment impossible", a-t-il estimé. "Il y aura bien à bord les moyens techniques et humains, mais conjuguer les deux en cas de catastrophe, avec le stress, c'est pas gagné (...) Impossible de gérer une telle foule. Il y aura toujours quelqu'un qui paniquera, se mettra à hurler, et là, c'est fini. Aucun entraînement ne prépare à cela: on ne simule pas le stress", a expliqué M. Ardillon.

A son côté, René Tyl, membre de l'AFCAN, ancien commandant en second du Club Méditerranée (400 passagers): "Au-delà de 1.500/2.000 passagers, je ne sais pas comment ils prévoient ça. Je me souviens, quand j'étais aux Antilles, je regardais les milliers de personnes sortant des gros paquebots: à quai, au port, dans le calme, c'était la cohue. Vous imaginez en cas de naufrage..."

On ne sait pas évacuer une foule en mer

L'Organisation maritime internationale (OMI) travaille depuis 1998 sur les effets du gigantisme appliqués notamment aux paquebots. "Mais les travaux de l'OMI sont excessivement lents", a relevé Awa Sam-Lefebvre, professeur à l'ENSM. "Ils ont sorti les premières régulations en la matière en 2010. Il faudrait peut-être que l'Union européenne prenne le relais à ce niveau là."

"On a atteint le stade où on ne peut plus gérer les évacuations, le Concordia l'a prouvé", a-t-elle dit. "Huit mille passagers bientôt: on ne sait pas comment faire. Aucun état riverain n'aura les moyens de porter secours à autant de naufragés à la fois", a ajouté Mme Sam-Lefebvre.

Certains experts évoquent des routes obligatoires, sécurisées, pour les paquebots géants. D'autres remettent en cause la toute puissance du commandant, qui peut sur sa simple décision modifier l'itinéraire.

Pas de légilsation contraignante

Pourtant, rien ne semble pouvoir à court terme enrayer la course au gigantisme. Des paquebots de plus en plus grands sont commandés, que les ports et les villes-escales se font une joie de recevoir. "C'est une règle économique: plus vous entassez de passagers, moins cela coûte cher", a résumé M. Ardillon. "C'est la croisière pour tous. Mais ce n'est plus gérable au niveau de la sécurité. Il faudra peut-être qu'un jour, bientôt, l'OMI dise: Non! Le nombre maximum de passagers, c'est tant."

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