Emmanuel Macron a décidé d'honorer la mémoire de l'artiste franco-américaine, Joséphine Baker. Elle sera la première femme noire à reposer au Panthéon. Une décision dont se félicite sa petite-nièce nantaise, Anne Bouillon.
Née dans une famille très pauvre au Missouri en 1906, elle reposera au Panthéon à Paris à partir de ce mardi 30 novembre. Le parcours de vie de Joséphine Baker est pour le moins extraordinaire. Toute sa vie, cette chanteuse, danseuse et meneuse de revue aura "pavé le chemin", comme disent les Américains. Comprenez par là qu'elle est une pionnière. À sa mort encore. Elle sera en effet la première femme noire à entrer au Panthéon français.
Cette décision fait suite à une pétition lancée en ligne qui a reçu 37 820 signatures. "C’est une excellente nouvelle que l’on attendait depuis longtemps ! Je suis très fière, heureuse et émue", nous confiait sa petite-nièce, l'avocate nantaise Anne Bouillon, en septembre dernier.
Une vie de combattante
A 19 ans, Joséphine Baker débarque à Paris. Après avoir fait la une de la "revue nègre", elle - qui a été mariée de force à 13 ans- devient rapidement meneuse de revue aux Folies Bergères. "Elle était féministe presque sans le savoir en se battant pour son émancipation et celle de toutes les femmes", commente Anne Bouillon.
Pendant la Seconde Guerre Mondiale, Joséphine Baker entre dans la Résistance. Elle travaille comme espionne, transmettant par exemple des messages secrets à travers ses partitions.
Liberté, égalité, fraternité
Bien que née aux Etats-Unis, Josephine Baker est l'incarnation même de la devise française. Elle s'est battue pour la liberté des peuples pendant la Seconde Guerre mondiale. Elle a milité pour l'égalité entre noirs et blancs et contre la ségrégation. "Elle avait l’indignation chevillée au corps", se souvient Anne Bouillon.
Elle a aussi oeuvré pour la fraternité en adoptant par exemple douze enfants venus des quatre coins du monde. "C’était une très grande citoyenne française qui a lutté contre les fatalités et les injustices", rappelle sa petite-nièce nantaise.
Entrée dans l'Histoire
"Cette panthéonisation envoie un très beau message. Elle répond à la réalité de notre société en promouvant des valeurs d’inclusion et de diversité. Elle apporte aussi une réflexion sur la question ‘qu’est-ce que c’est qu'être français ?’", se réjouit Anne Bouillon. Joséphine Baker a effet remis en cause les notions d'appartenance et de communauté car elle était avant tout une citoyenne du monde, sans filtre et sans frontières.
Joséphine Baker sera la sixième femme à entrer au Panthéon. "Je pense que le Président de la République n’a pas été sourd au combat des féministes ", commente sa petite-nièce. Avec 80 hommes inhumés, elle estime que l'ultra-masculinité de la nécropole laïque n’en fait pas le miroir de notre société.
L'avocate nantaise milite maintenant pour que Gisèle Halimi rejoigne sa grand-tante au Panthéon des grandes âmes françaises.
"Et si Joséphine Baker entrait au Panthéon ?"
C'est l'écrivain Régis Debray qui en décembre 2013 avait lancé l'idée : "Et si Joséphine Baker entrait au Panthéon ?", écrivait-il dans Le Monde. "Des Folies-Bergère au suprême sanctuaire ? De la ceinture de bananes à la couronne de lauriers ? Profanation ! Le Front national accusera. Le burgrave gémira. La vertu hoquettera".
François Hollande avait refusé cette proposition audacieuse, "il jugeait l'idée farfelue", s'amuse un proche de son successeur.
Le "comité Joséphine" qui défendait sa panthéonisation a été reçu à l'Elysée en mai dernier. Emmanuel Macron se convainc et le 21 juillet annonce sa décision aux membres du comité de soutien qu'il reçoit au Palais.
"Nous rendons hommage à son engagement pour les valeurs républicaines", explique l'entourage du président, en rappelant qu'elle avait dit de la France : "Ici on
me prend pour une personne et on ne me regarde pas comme une couleur".
Au point, rappellent les conseillers de l'Elysée, que lorsqu'elle accompagne la marche de Martin Luther King pour les droits civiques à Washington en 1963, elle porte son uniforme de l'armée française, avec ses décorations. Et lance : "En France, je n'ai jamais eu peur".