Dimanche en Politique se penche sur un sujet sensible, celui de l’adoption d’enfants à l'étranger, de ses dérives, et même parfois de ses scandales. Aujourd’hui, des personnes adoptées, dans notre région comme ailleurs en France, ont révélé des irrégularités dans leur dossier. À voir ce dimanche 23 avril à 11h25.
L'adoption d'enfants à l'étranger est un sujet sensible. Aujourd'hui, des personnes adoptées à l'étranger dénoncent des pratiques douteuses, voire criminelles : falsification de documents, corruption, absence de consentement des parents biologiques, jusqu’au trafic d’enfant caractérisé.
Des témoignages qui font froid dans le dos
Éléonore Duplay, Juliette Poirier et Ophélie Péroux sont allées à la rencontre d'hommes et de femmes qui témoignent de leur histoire, et des drames qu'ils ont vécus face à des adoptions faites dans des conditions plus que douteuses.
Avec les interviews de Rachel Gitroux, Membre du collectif des adoptés du Mali - Joseph Breham, Avocat du collectif des adoptés du Mali - Thomas Juvin, Membre du collectif des adoptés du Mali - Fabio Macedo, Chercheur à l'université d'Angers - Yves Denéchère, Professeur d'histoire contemporaine à l'université d'Angers - Laëtitia Deschamps, Membre du réseau des adoptés à l'international.
Pour ce Dimanche en Politique spécial sur l'adoption à l'international, Maxime Jaglin reçoit :
- Emmanuelle Hébert, co-fondatrice du Réseau des adoptés à l’international en France (RAIF)
- Yves Denéchère, historien à l'université d'Angers, co-auteur d’une étude inédite sur les pratiques illicites dans l’adoption à l'international.
- Myriam Mony, membre de la fédération nationale d’Enfance et famille d’adoption (EFA)
Des victimes en très grand nombre
Depuis 1979, au moins 100 000 enfants nés à l’étranger ont été adoptés en France. Combien ont été victimes de ces abus ? Pour Yves Denéchère, il est pour l’heure impossible de répondre à cette question.
Selon l’historien, la demande de parentalité dans les pays du nord aurait participé à créer une offre dans les pays du sud.
Une manne financière
Avis partagé par Emmanuelle Hébert du collectif RAIF. "C’était une véritable manne financière pour certains intermédiaires, un marché s’est développé dans certains pays. La mission d'enquête interministérielle devra faire toute la lumière".
Pour Myriam Mony, de l'association EFA, de nombreux parents ont également été abusés.
"EFA a été saisi depuis une trentaine d’années par des adhérents sur des processus d’adoption qui leur semblaient discutables. Certains ont d'ailleurs renoncé à aller avec certains intermédiaires. Nous avons interpellé les pouvoirs publics. Mais les parents, ça leur est tombé dessus, ils ont été trompés dans leur confiance. La question éthique et la vigilance doivent être portées par tout le monde".
Selon elle, "L’aspect humanitaire, la demande auprès des familles d’accompagner financièrement un orphelinat ou une structure a aussi conduit à des dérives et des pratiques complètement illicites".
Une responsabilité collective
Quelles sont alors les responsabilités dans ces pratiques délictueuses ou criminelles ?
Tous les acteurs de l’adoption internationale étaient au courant de ces abus. La responsabilité est donc collective.
Yves Denéchèrehistorien à l'université d'Angers
"Tous les acteurs de l'adoption internationale étaient au courant : parents, tous les intermédiaires, les associations, et évidemment l’État. Donc, la responsabilité est collective, mais les autorités auraient pu prendre des mesures plus claires, plus nettes, pour prendre des mesures".
Des mesures suffisantes ?
Ces adoptions illégales sont désormais qualifiées de crime contre l’humanité par l’ONU. Plusieurs pays européens ont lancé des enquêtes. En France, les autorités commencent à prendre la mesure du phénomène. Une mission interministérielle doit rendre ses conclusions dans les prochains mois. Une loi de février 2023 rend, dorénavant, obligatoire l’accompagnement des adoptants par un organisme autorisé.
Est-ce suffisant ? Ces dérives seraient-elles encore possibles aujourd’hui ? Là encore, "difficile à dire" selon Yves Denéchère. Mais on observe que le nombre d’adoptions internationales a chuté ces 20 dernières années. Divisé par 20.
L'appel aux tests ADN
Les associations comme RAIF demandent aujourd’hui que des moyens supplémentaires soient investis dans la recherche des origines, et notamment l’autorisation des tests ADN. "C’est un droit fondamental, celui de connaitre ses origines, si on le souhaite" selon Emmanuelle Hébert.
Une position partagée par Myriam Mony. "Pendant longtemps, la question de la recherche des origines n'était pas essentielle. Alors que c’est un droit, et ce levier peut vraiment aider à clarifier les conditions d'adoptions, et mettre à jour ces dérives qui ont pénalisé les enfants et les parents".
Interdire l'adoption à l'étranger ?
Faut-il aller plus loin et interdire l’adoption internationale comme le demandent certaines victimes dans notre région ?
Pour Emmanuelle Hébert "le système doit en tous les cas être repensé en profondeur. Quand on voit le nombre de personnes qui ne peuvent pas être adoptées en France, on se demande pourquoi aller chercher un enfant de l’autre côté de la terre sans pouvoir s’assurer que le principe de subsidiarité (donner la priorité à des adoptions dans le pays d’origine, Ndlr) a été respecté".
Pour Myriam Mony "interdire l’adoption internationale serait dommageable pour les enfants, car ils doivent pouvoir trouver une famille. Aujourd’hui, le principe de subsidiarité s’applique. On a donc le plus souvent des dossiers d’adoption pour des enfants avec des profils spécifiques, qui souffrent de maladie ou de handicap, ou bien des enfants déjà grands. On peut développer des pratiques de prévention et ne pas laisser seuls les personnes adoptées et les parents".
►Dimanche en politique sur l’adoption à l’étranger et ses dérives, c'est ce dimanche 23 avril à 11h25 sur France 3 Pays de la Loire.
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