Le militant anti-chasse Pierre Rigaux dénonce les conditions d'élevage des faisans destinés à la chasse. Les représentants de la filière récusent toutes formes de maltraitance.
Un alignement de cages posées sur des centaines de mètres de grillage, éclairées la nuit par des milliers d'ampoules pour simuler la clarté du jour. Dans cette première séquence d'une vidéo "choc" postée jeudi 17 octobre sur le web, le naturaliste Pierre Rigaux et son association Nos Viventia, posent le décor d'une industrie encore méconnue du grand public : l'élevage de gibier à destination de la chasse.
Cette filière, qui compte 500 entreprises en France et produit 30 millions de volailles par an, est très implantée dans l'ouest de la France, notamment en Loire-Atlantique et Vendée. Pendant une année, l'activiste, bête noire des chasseurs et de la filière, a ainsi suivi les différentes étapes de l'élevage de ces animaux dans trois exploitations de Loire-Atlantique.
"On leur perce la cloison nasale"
De la ponte au lâcher par les associations de chasseurs, en passant par le convoyage logistique des animaux, Pierre Rigaux décrit "un enfer du premier au dernier jour". Les images, souvent tournées en caméra cachée par "des lanceurs d'alerte", montrent des manipulations "brutales" d'animaux comme l'installation de couvre-bec, qui nécessite de percer la cloison nasale de l'animal. "Ce sont des animaux territoriaux, qui n'ont pas l'habitude de vivre dans une telle promiscuité. Pour éviter qu'ils ne se blessent en s'agressant mutuellement, le couvre-bec permet de prévenir les mutilations", explique Pierre Rigaux, joint par téléphone.
L'objectif de l'activiste est clair : interdire l'élevage de gibier en France. "On élève des millions d'animaux pour le plaisir de les tuer. Ces bêtes n'ont jamais connu la vie sauvage et la grande majorité des spécimens est incapable de survivre en milieu naturel". Manière de battre en brèche l'argument du repeuplement avancé fréquemment par les chasseurs pour justifier l'élevage de gibier.
Chasse commerciale vs repeuplement
Sollicité sur le sujet, Christophe Sorin, conservateur de la réserve naturelle régionale du lac de Grand Lieu pour la fédération de chasseurs de Loire Atlantique est plus nuancé : "le taux de survie d'un faisan élevé pour être lâché peut être élevé. Tout dépend justement de l'éleveur et de comment les volailles sont nourries". Quant à la pratique de lâcher des oiseaux pour les tuer immédiatement, l'expert cynégétique en convient : "Oui cela s'est beaucoup développé ces dernières années. Au départ pensé pour le repeuplement des populations sauvages, l'élevage à destination de la chasse dite commerciale a pris une part importante."
Si la pratique peut ainsi choquer moralement les défenseurs des animaux, elle n'en reste pas moins légale et encadrée comme l'explique Jean-Christophe Chastang, à la tête du syndicat national des producteurs de gibier de chasse : "Notre filière est reconnue pour son excellent respect des normes zootechniques et du bien-être animal. Nous sommes contrôlés étroitement par les services de l'Etat".
"Tout est réalisé dans les règles"
Interrogé sur les images, parfois dures, de la vidéo de Pierre Rigaux, l'éleveur assume : "Tout ce qui est filmé et dénoncé respecte la réglementation. Oui, il y a des faisans qui meurent dans le processus, mais ce n'est pas lié à la maltraitance. C'est commun à toutes les activités d'élevage". Avant de poursuivre, véhément : "Cette vidéo n'est qu'un montage à charge réalisée par un individu dont la passion est la destruction du tissu économique et social".
Oui, il y a des faisans qui meurent dans le processus, mais ce n'est pas lié à la maltraitance.
Jean-Christophe Chastang, syndicat national des producteurs de gibier de chasse
C'est peut-être dans cette ambiguïté que réside l'impossible conciliation des protagonistes : une activité même autorisée et réglementée peut-elle être dénoncée pour son caractère choquant ? Le code pénal interdit en effet la maltraitance sur les animaux de compagnie et en captivité mais ne prévoit aucune disposition pour les animaux sauvages. L'espèce du faisan appartient à cette dernière catégorie mais le fait d'en élever dans des exploitations agricoles en fait-il un animal en captivité ? C'est la question que devra trancher le tribunal de Nantes. L'association Nos Viventia vient en effet de déposer plainte pour maltraitances sur les animaux.