Paimbœuf, une petite commune sur l’estuaire de la Loire. Une façade murée, les vestiges d'un cinéma des années 30. Comment a-t-on pu l’abandonner ? Le documentaire "Le cinéma, Monique et moi" retrace la vie puis le déclin d'un cinéma rural, le reflet d'une époque gravée sur pellicule.
C'est avant tout une histoire d'amour, un amour pour le cinéma, pour sa portée populaire. Avec son documentaire "Le cinéma, Monique, et moi" la réalisatrice Julie Rambaud, fait défiler les bobines de sa rencontre avec une salle abandonnée de la ville de Paimbœuf en Loire-Atlantique.
Au bout de la route... le cinéma
Montrer des films là où les salles de cinéma n'existe pas ou plus, c'est le credo de Julie et de son compagnon Yann. Ils parcourent les campagnes à bord d'un bus aménagé en salle obscure pour faire revivre la tradition du cinéma forain. Beaucoup de salles ont fermé et pour la réalisatrice, il est essentiel de conserver cette activité de partage.
Remettre du lien et faire sortir les gens. On montre des films qui font du bien.
Julie RambaudRéalisatrice
Une commune, une rencontre, une histoire
Paimbœuf, c'est un petit village de 3000 habitants sur l’estuaire de la Loire dans lequel le couple de cinéphiles à décidé de poser ses valises en 2019.
Et c'est LA rencontre, un coup de foudre pour un vieux cinéma qui sommeille, une façade murée qui laisse deviner une histoire... L'histoire du Français, le témoin d'un certain âge d'or du 7e art. Comment en est-on arrivé à la disparition d’une telle institution ? L'histoire de cette salle et de la commune interpelle.
Le cinéma, une histoire de famille
Le Français, c'est une histoire de famille, celle de René et Ernestine Crusson, puis de leur fille Monique. Une famille qui parcourait les routes de la région pour proposer un cinéma ambulant, tiens... tiens... une belle coïncidence !
Dans les années 30, à l'époque du plein emploi et des bistrots, la famille Crusson ouvre la salle de cinéma de Paimbœuf : le Français.
Elle était belle, elle avait des beaux fauteuils rouges, vous savez, comme on voit partout. Avec ses lampes sur le côté, sa tenture sur le côté, le Français avait de la gueule à l'intérieur.
un habitant de Paimbœuf
Dès lors, cette salle va devenir l'âme du village, et suivre son histoire au gré des événements de la grande histoire.
Le Français dans le tourbillon de la vie
Pendant la 2ᵈᵉ Guerre mondiale, le cinéma est réquisitionné par les Allemands. Alors, René et Ernestine Crusson sabotent les séances malgré les risques qu'ils encourent. Ils vont même jusqu'à cacher un Polonais sous une des loges du cinéma.
À la libération, le Français devient un lieu incontournable du village. À l'époque, les sorties au cinéma et le sport sont les seules distractions pour les classes populaires en milieu rural. Un loisir pas cher pour se retrouver ensemble.
Les anciens de Paimbœuf témoignent de cette époque où la salle obscure avec ses fauteuils rouges était un vrai lieu de rencontre. Dans le noir de cette salle, il s'en passait des choses et beaucoup de couples s'y sont formés !
Il y en a quand même pas mal qui venaient, ils n'avaient rien à faire du film. Il y a tous les amoureux qui venaient pour être tranquilles dans la salle, dans le noir, avec leur chéri.
un habitant de Paimbœuf
Fondu au noir pour le Français
À travers le récit et les images d'archives, c'est le déclin d'une époque qui se grave sur pellicule. Le Paimbœuf des années 60, c'était l'image d'un village prospère, avec cafés, commerces et salles de cinéma. Mais la fermeture de l’usine dans les années 90 a entraîné un lent déclin, symbolisé par l’abandon du cinéma Le Français.
Avec l'arrivée de la télévision et de son offre cinématographique gratuite, le cinéma commence à battre de l'aile. Et Monique Crusson, la dernière propriétaire, n'arrive plus à faire face aux coûts d'entretien et aux différentes mises aux normes demandées. Elle avait promis à son père qu'elle ne le vendrait jamais et a toujours eu le rêve de rouvrir un jour la salle. Mais c'est avec la projection du film "Amadeus" que le projecteur s'éteint à jamais.
Un hommage à Monique Crusson et à la mémoire collective
Monique Crusson, fille des fondateurs, symbolise la lutte contre la disparition des expériences collectives. Elle s'est toujours beaucoup investie pour le cinéma. Dès l'adolescence, elle travaille à la caisse ou au bar. Elle vivait pour le cinéma et le déclin de celui-ci c'est aussi son déclin.
La réalisatrice, Julie rambaud, a rencontré Monique quelques jours avant sa mort et à l'évocation du Français, la vieille dame s'est écriée : "c'était toute une vie de cinéma".
"Le cinéma, Monique et moi" lui rend hommage, ainsi qu’à tous les cinémas abandonnés des campagnes. Il ne s’agit pas seulement, pour Julie, de revisiter le passé, mais de recréer des expériences partagées autour du cinéma pour l’avenir : "toujours guidé par la nécessité de voir les films ensemble... absolument".
"Le cinéma, Monique et moi" un documentaire de Julie Rambaud. Une production Mille et Une Films à voir sur France 3 Pays de la Loire ce jeudi 10 octobre à 22 h 45.
Rediffusions à 9 h 35 mercredi 6 novembre et vendredi 15 novembre
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