En 2023, la plus grande usine de méthanisation de France pourrait bien voir le jour à Corcoué-sur-Logne, en Loire-Atlantique. Initié par la coopérative d'Herbauges et le groupe danois Nature Energy, le projet industriel est contesté par les riverains.
Au sud de Nantes, dans la campagne de Corcoué-sur-Logne, d'ordinaire tranquille, il fait bon vivre, mais ces dernierq temps l'atmosphère est électrique, empoisonnée par un épineux dossier qui ne sent pas bon pour les uns, porteur d'avenir pour les autres.
Dans cette commune de 2 800 habitants, la coopérative d'Herbauges et le groupe danois Nature Energy prévoient d'implanter un méthaniseur gigantesque. Les chiffres donnent presque le vertige. Sur une parcelle de dix hectares, située en face de la coopérative d'Herbauges, huit cuves de 22 mètres de haut et 3 cheminées de 50 mètres de haut seront construites pour transformer chaque année 700 000 tonnes de lisier et de fumier en biogaz.
"On reproduit ni plus ni moins ce qui se passe à l’intérieur de l’estomac des vaches. C’est un processus naturel qui est reproduit à l’échelle industrielle", explique Guillaume Loire, directeur exécutif France de Nature Energy, spécialisé dans ce genre d'usine.
Des revenus pour les éleveurs
La coopérative d'Herbauges embarque dans l'aventure 230 agriculteurs. Parmi eux, Guillaume Voineau, éleveur de 150 vaches laitières en Vendée."Une partie du gaz qui sera vendu reviendra en valeur aux agriculteurs, par retour de dividendes et dans nos exploitation par l’économie d’engrais", explique-t-il. Autre argument avancé par les éleveurs, "le digestat sera plus vite utilisable par les plantes, donc on va diminuer nos quantités d’achat d’engrais chimiques".
Si le process n'est pas nouveau, cette fois il a été imaginé à très grande échelle, pour des raisons de coût et de rentabilité.
"Si on doit faire plusieurs projets, ce sera beaucoup plus complexe à organiser. Sur le plan technique, on pourra mettre beaucoup moins d’argent dans la technologie, notamment par rapport à la sécurité et aux performances de l’outil", explique Jean-Michel Bréchet, directeur de la Coopérative d'Herbauges.
"Sur le plan organisationnel et financier, la multiplication des sites était beaucoup plus coûteux"
Les riverains se mobilisent contre ce projet
Dans la commune, on ne peut pas dire qu'une telle usine soit la bienvenue. Les riverains s'inquiètent. Pollution, trafic de poids-lourds, nuisances sonores et olfactives, la liste est longue."Ce qui m’inquiète, ce sont les risques sanitaires, au niveau des particules qui vont s’échapper de la cheminée. Actuellement, on nous dit qu’il n’y a aucune étude de faite, sauf qu’il y a déjà des problèmes avec les petites usines de méthanisation", confie Nadège Gobi, riveraine du futur méthaniseur.
Un collectif de riverains s'opposent au projet. Dans une pétition en ligne, ils s'inquiètent notamment du trafic routier engendré par cette usine, "120 passages de camions", selon le collectif.
"On vit au bord d’une route qui est déjà fort étroite, qui est déjà fréquentée par les camions laitiers, les cars scolaires. Cela nous parait incroyable d’imaginer un grand nombre de camions supplémentaires et de tracteurs pour nourrir l’usine. Les enfants ne pourront plus faire de promenades à vélo, ce sera trop dangereux", s'inquiète Clémentine Maury, riveraine du futur méthaniseur.
Un projet disproportionné
La coopérative d'Herbauges et le groupe danois Nature energy, porteurs du projet, ont lancé une concertation préalable auprès de la population. Pour cause de confinement elle vient d'être prolongée jusqu'au 14 décembre. Le maire lui, se serait bien passé d'un tel dossier, qu'il juge démesuré."Le développement local, c’est la mobilisation de l’ensemble des acteurs d’un territoire pour favoriser le développement de ce territoire et l’épanouissement individuel. Qu’a-t-il de développement local ce projet, lorsqu’il concerne ainsi un territoire tout entier, celui de la Loire-Atlantique?, s'interroge le maire.
Il s'inquiète aussi des dérives d'un tel projet industriel, qui pourrait inciter les éleveurs à "concentrer leurs animaux de plus en plus, dans des exploitations pour pouvoir produire du gaz autant que du lait, voire demain, peut-être plus de gaz que de lait", souligne-t-il.
Le méthaniseur géant coûtera 70 millions d'euros. Si le préfet donne son feu vert, l'enquête publique pourrait démarrer à l'automne 2021. La mise en service de l'usine est envisagée en juillet 2023.