Hiver trop doux, printemps trop frais : fleur d'un jour, le muguet nantais, récolté à 85% dans la région de Nantes, sera plus vert et plus rare pour le 1er Mai, avec une production qui pourrait être en baisse de près de 30%.
"C'est une année exceptionnelle. L'hiver a été trop doux, le mois d'avril trop frais. Il y aura moins de muguet, de qualité moindre car il est un peu plus vert", explique Patrick Verron, conseiller "muguet" au Comité départemental de développement maraîcher."Le froid de l'hiver a pour rôle de réveiller le muguet, mais il n'y a pas eu d'hiver, pas de températures négatives à Nantes. Qui plus est, depuis fin mars, début avril, le temps est assez mitigé. Cette dernière semaine, on a eu des températures au petit matin soit légèrement négatives, soit autour de 0°. Ce sont des conditions très difficiles pour faire pousser le muguet", détaille le spécialiste de cette petite fleur en clochettes, mise en vente chaque 1er Mai.
Certains maraîchers nantais, qui vendent 40 à 45 millions de brins de muguet - soit 85% de la production française, le reste venant de la région de Bordeaux - ont "fait leurs dernières récoltes [vendredi] midi", selon M. Verron. Les derniers brins ont été livrés dans la nuit ou samedi matin chez les grossistes ou au marché de Rungis, en région parisienne, où "les lots partent très vite" et "à des prix plus soutenus", a constaté le conseiller sur place.
C'est une année noire et complètement incompréhensible
Louis Douineau, horticulteur à La Chapelle-Basse-Mer (Loire-Atlantique)
Conséquence de la floraison tardive à Nantes, de nombreux brins n'ont pu être cueillis à temps. Dans l'exploitation de six hectares de Louis Douineau, à La Chapelle-Basse-Mer, au nord-est de Nantes, c'est "la moitié de la production qui est restée aux champs". "C'est une année noire et complètement incompréhensible. Je n'ai jamais vu un muguet aussi peu réagir. En 2011, on avait eu beaucoup de pertes parce que ça avait fleuri trop vite. Là, c'est l'absence de vigueur de la plante qui est surprenante. Elle ne s'est pas réveillée", constate l'horticulteur de 62 ans, qui a derrière lui 45 récoltes et qui assure n'avoir "jamais connu ça".
« Dimanche il faudra être matinal »
"Entre le premier muguet qui est sorti de terre et les derniers, il s'est passé un mois, d'habitude ça prend trois jours. La cueillette a été très échelonnée, avec des volumes réduits, quelques brins par-ci par-là. On a encore des brins de muguet dans les champs, mais il ne sera fleuri que le 10 mai. C'est trop tard, la récolte est finie", se désole M. Douineau, qui "n'a plus que le muguet", après s'être "mis à la retraite des légumes".A une quinzaine de kilomètres plus à l'ouest, à Carquefou, l'année a été aussi "très compliquée" pour Jean-Pierre Cheminant, mais elle s'est finalement "bien terminée". "Il manque au moins 30% des volumes au niveau de la région, pour moi c'est une année correcte, malgré une cueillette plus tardive. (...) On a un peu moins de muguet que les autres années, mais on n'a pas de pertes", affirme-t-il. Aléas climatiques, "absence de rentabilité en production", "charges trop importantes": les difficultés s'accumulent pour les maraîchers, souligne M. Cheminant. "Nous étions 250 producteurs il y a 30 ans, nous sommes 20 aujourd'hui. Et nous serons 15 l'année prochaine", prédit-il.
"Pour certains, la question de continuer le muguet va se poser. On va être amenés à réfléchir à l'organisation, à la stratégie, parce qu'ici en France, on ne peut pas imaginer un 1er mai sans muguet", renchérit Patrick Verron. "Dimanche, il y en aura, mais il faudra être matinal !", conseille-t-il.