La tenue d'un référendum local sur le projet contesté d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, annoncé par François Hollande, se heurte à plusieurs obstacles juridiques qui ne sont toutefois pas rédhibitoires, ont souligné hier plusieurs juristes.
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La tenue d'un référendum local sur le projet contesté d'aéroport de Notre-Dame-des-Landes, annoncé par François Hollande, se heurte à plusieurs obstacles juridiques qui ne sont toutefois pas rédhibitoires, ont souligné hier plusieurs juristes.
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©France 3 pays de la Loire
Annoncée jeudi dernier par le chef de l'Etat pour permettre de sortir du "blocage" sur ce dossier, qui empoisonne depuis le début de son quinquennat les relations entre socialistes et écologistes, l'organisation de ce référendum rencontre "un double obstacle juridique", met en garde Roger-Gérard Schwartzenberg, président du groupe des Radicaux de gauche à l'Assemblée nationale et spécialiste en droit constitutionnel. Les référendums locaux à caractère décisionnel sont possibles depuis l'entrée en vigueur d'une loi du 1er août 2003, s'ils sont organisés à l'initiative de collectivités territoriales et si le projet de délibération tend à régler une affaire de la compétence de cette collectivité.
"Or, ce projet d'aéroport relève non de la compétence locale mais de l'Etat qui a déclaré les travaux d'utilité publique (en 2008, ndlr)", relève M. Schwartzenberg. "D'une part, l'Etat ne peut décider d'un référendum local. D'autre part, une collectivité territoriale ne peut organiser un tel référendum sur un dossier relevant non de sa compétence mais de celle de l'État", argumente-t-il, ne voyant qu'une modification de "la loi organique du 1er août 2003, voire de l'article 72-1 de la Constitution" pour que ce référendum dispose "d'un cadre juridique solide".
"Je suis très dubitatif sur la régularité constitutionnelle de ce référendum. Je ne vois pas sa fiabilité juridique. (...) Un référendum local doit être pris à l'initiative d'une collectivité locale", met également en avant Dominique Rousseau, professeur de droit constitutionnel. Jugeant "un peu curieux que le président de la République annonce qu'il y aura un référendum local, un mode de consultation décidé par des autorités locales",
Michel Verpeaux, spécialiste du droit constitutionnel et du droit des collectivités territoriales, estime que cette consultation n'est "globalement pas" possible juridiquement, "sauf à imaginer un référendum qui ne porterait que sur les compétences spécifiques
de la collectivité concernée".
Valeur symbolique
Sans pouvoir formuler la question "êtes-vous pour ou contre Notre-Dame-des-Landes", le référendum "n'aurait finalement pas grande valeur, à part symbolique", insiste-t-il. "En l'état actuel du droit, le fondement légal de cette opération n'existe pas. (...) Il faudrait se raccrocher à une compétence réellement exercée par la collectivité, mais plus on s'éloignera de la question de fond, plus les organisateurs du référendum seront soumis à la critique", analyse également Philippe Bluteau, avocat au barreau de Paris.Cependant, souligne-t-il, "une loi, ça peut se modifier et très vite". "Si le gouvernement veut disposer d'un fondement légal, il peut préparer une loi ad hoc qui va dire qu'une collectivité territoriale peut organiser un référendum. (...) Il peut aussi se faire autoriser par le Parlement à prendre une ordonnance qui aura valeur de loi".
"Il n'y a pas d'obstacle rédhibitoire", a avancé Me Bluteau, même "avant l'été", date visée par Manuel Valls, le gouvernement pouvant avoir "d'ici mi-mars une loi sur mesure qui lui permette d'organiser le référendum". "Il ne faudrait pas que cela donne le sentiment que le gouvernement impose quelque chose à une collectivité car cela serait contraire au principe de la libre administration", prévient de son côté Michel Verpeaux. Une modification de la Constitution est aussi "une possibilité", mais c'est "une
opération lourde, longue et politiquement aléatoire sur un sujet qui n'est pas consensuel", souligne-t-il.
Le département de Loire-Atlantique, périmètre du scrutin suggéré vendredi par Matignon, a lui jugé qu'il n'était "pas compétent" pour "organiser de référendum sur la question de l'aéroport", renvoyant le gouvernement à "changer la loi actuelle" s'il souhaite mener à bien cette consultation.
Interrogés sur la faisabilité juridique du référendum local sur Notre-Dame-des-Landes, ni l'Elysée ni Matignon n'ont souhaité réagir.