Une semaine après le rejet des recours environnementaux déposés par les opposants au futur aéroport par le tribunal administratif de Nantes, qui a validé les arrêtés préfectoraux autorisant les travaux, les "zadistes" poursuivent leurs activités de moisson et de sciage
Les travaux destinés à la construction de l'aéroport sont suspendus depuis 2012, les seuls témoins de chantiers présents en ce moment dans le bocage nantais sont une scierie mobile pour le bois et une moissonneuse pour le blé.
"On continue à vivre normalement": à Notre-Dame-des-Landes en Loire-Atlantique, l'occupation du site dédié au projet contesté d'aéroport se poursuit avec "sérénité" et les projets se multiplient, malgré les menaces d'expulsion des occupants avant le début des travaux.
A la ferme de Saint-Jean-du-Tertre, visée par une expulsion avortée en avril 2014, des monticules de bois, pin maritime et bois de douglas coupés pendant l'hiver dans les forêts des environs, attendent de passer à la scie d'un groupe de "résistants", la plupart torse nu et en short sous le soleil de juillet.
"Le matin, on déjeune ensemble et on se répartit les différentes tâches sur la scierie : certains vont écorcer le bois, d'autres aller chercher les grumes ou les nettoyer", explique Greg, arrivé il y a un an sur la "Zad" - "zone d'aménagement différé" dédiée au projet d'aéroport, rebaptisée "zone à défendre" par les occupants qui dénoncent l'insuffisance des mesures compensatoires prévues pour la destruction des zones humides et de quelque 100 espèces protégées, ou leur déplacement.
Cette "campagne de sciage" doit durer quelques semaines. Une fois travaillé, le bois servira à la dizaine de chantiers destinés à rénover ou construire dès la mi-août granges, corps de ferme ou salle de réunion, sorte de "pied-de-nez" pour Greg, après les démolitions de cabanes lors des tentatives d'expulsion de l'automne 2012 mais aussi "une nouvelle façon d'envisager d'habiter un territoire".
Une installation pour durer
Dans un champ voisin, à côté de quelques plants de vigne, une moissonneuse lieuse, machine agricole des années 50, a remplacé la moissonneuse batteuse, le temps de faire quelques gerbes de blé. Au total, 16 hectares seront récoltés pendant les moissons estivales, qui se clôtureront par une fête des battages, en septembre.Outre le blé, du sarrasin a été semé en mai "pour occuper les terres et montrer qu'on peut faire autre chose que du béton", souligne Michaël, installé depuis quatre ans à Notre-Dame-des-Landes, "serein et confiant" dans l'abandon du projet d'aéroport, qui devait initialement être inauguré en 2017.
Formé au maraîchage bio, le jeune homme s'est mué en meunier, apprenant "sur le tas la culture des céréales", avec "l'aide des paysans des alentours". Depuis l'achat d'un moulin il y a un an, "une dizaine de tonnes de farine" a été produite pour alimenter les fournils installés sur la Zad, mais aussi fournir en pain les bourgs alentours et les "autres luttes", à Sivens (Tarn) ou Roybon (Isère) notamment.
"En cultivant des céréales, en pensant les rotations à long terme, en installant une meunerie, des infrastructures pareilles, ce n'est pas pour rester six mois, c'est pour rester des années. Ici on s'installe", prévient Michaël, souhaitant "bien du courage" aux forces de l'ordre, pour l'instant invisibles, si elles "veulent intervenir".
En cas de tentative d'expulsion, les 200 comités anti-"NDDL" créés dans toute la France sont "prêts à agir" pour se mobiliser sur le terrain et "bloquer tous les lieux de pouvoir de la région", assure Cyril Bouligand, agriculteur et membre de Copain 44 (Collectif des organisations professionnelles agricoles indignées par le projet d'aéroport).
"On continue à vivre normalement, parce qu'on sait que ce n'est pas la fin des recours, que ce n'est pas la fin de la lutte. Le combat continue, on continue nos réflexions sur ce qu'on veut faire de la zone, comment y vivre en harmonie" une fois le projet abandonné, souligne-t-il.
avec AFP Eco