7 ans de procédure pour faire reconnaître la responsabilité du CHU de Nantes dans le décès d'un nourrisson

Quels ont été les manquements du CHU de Nantes dans cette affaire ? Une première étape vient d'être franchie avec le jugement du Tribunal Administratif qui reconnaît la responsabilité de l'établissement dans le décès d'un enfant de trois mois en août 2016. Une instruction au pénal est en cours.

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Cette affaire est une illustration bien dramatique des dysfonctionnements des services publics.

Du service public hospitalier d'abord, de celui de la Justice ensuite.

En juillet 2016, un enfant de trois mois est admis au centre hospitalier universitaire de Nantes pour une opération chirurgicale en raison d'un problème cardiaque. L'opération se passe bien et donne toute satisfaction.

Des signes d'infection

Sept jours plus tard, le service estime que le nourrisson peut sortir de l'hôpital et retourner au domicile de ses parents, dans le Maine-et-Loire, bien que souffrant de selles liquides.

On est alors fin juillet et ce détail a son importance. 

Deux jours plus tard, constatant que leur bébé souffre d'une toux persistante et a toujours des selles liquides et vertes, les parents contactent le CHU de Nantes et l'enfant est à nouveau pris en charge, mais seulement deux jours. L'hôpital, en cette période estivale, est en sous-effectifs et le service pédiatrique manque de lits. 

Malgré un diagnostic posé, une co-infection aux virus Coxsackie A9 et virus para-influenzae avec des conséquences pulmonaires et digestives, l'hôpital délivre à nouveau une autorisation de sortie le 31 juillet.

L'enfant décédera deux jours plus tard

Au matin du 2 août, les parents découvrent que leur petit garçon est décédé, dans son lit.

Connaissant le contexte d'une opération chirurgicale, le médecin venu constater le décès délivre ce matin-là un permis d'inhumer. L'affaire aurait pu en rester là, laissant des parents désemparés, effondrés suite au décès de leur bébé... et sans véritable explication.

Mais la maman n'accepte pas cette situation et, malgré la douleur et ce que représente ce qu'elle va demander, exige une autopsie.

7 ans de procédure

Commence alors une procédure qui durera sept ans.

Les résultats de l'autopsie tardent à être communiqués aux parents, puis ce sont des reports successifs du dossier. 

"Sans la présence d'esprit de ma cliente, de demander une autopsie, cette affaire n'aurait pas eu d'issue" nous a déclaré Maître Bertrand Salquain, avocat des parents du petit garçon.

Et c'est en octobre 2023, que le tribunal administratif a rendu publique sa décision de condamner le CHU de Nantes. Se basant sur les expertises, les juges administratifs ont estimé "que le CHU de Nantes a commis des fautes médicales dans la prise en charge de l'enfant ... à l'origine d'une perte de chance de 50 % pour l'enfant d'éviter le décès."

"Il résulte de l'instruction, notamment du rapport d'expertise judiciaire susmentionné, concluent les juges, qu'en raison de la fragilité de l'enfant, liée à sa cardiopathie, à l'intervention chirurgicale récente qu'il avait subie ainsi qu'à la diarrhée subaiguë dont il souffrait, ce dernier n'aurait pas dû être autorisé à sortir de l'établissement de santé dès le 31 juillet 2016."

De plus, l'instruction a montré que les parents "n'ont pas reçu de consignes écrites, ni de prescription de solution de réhydratation orale lors de la sortie de ce dernier le 31 juillet 2016."

Selon Maître Salquain, si cette prescription a bien été faite par un médecin, elle n'a en revanche pas été transmise aux parents.

"L'enfant avait besoin d'être réhydraté, le temps que le traitement (pour soigner ses infections nosocomiales) fasse effet", explique Maître Salquain.

Ce décès était évitable, a reconnu le tribunal administratif : "Le fait pour l'équipe en charge de ce dernier de ne pas avoir informé les parents d'un risque de déshydratation et de la nécessité de lui administrer, en relais de son alimentation à base de lait infantile, une solution de réhydratation orale, caractérise une faute de nature à engager la responsabilité du CHU de Nantes." conclut le tribunal.

Mais cette condamnation n'est pas la conclusion de l'affaire qui poursuit son parcours désormais sur le plan pénal.

"Une instruction est en cours, nous dit Maître Salquain, pour homicide involontaire suite à un réquisitoire du parquet. Le juge va sans doute procéder à de nouvelles auditions. Il a demandé au CHU un bilan des décès dans le secteur pédiatrique."

De nombreux passages de visiteurs

Car, selon l'avocat, les parents ont constaté que les règles d'hygiènes n'étaient pas respectées dans le service où était hospitalisé leur bébé. De nombreux passages de familles, de proches d'enfants en réanimation ont surpris ces parents. Comment, dès lors, lutter contre les maladies nosocomiales ?

Et la réticence du service à reprendre leur enfant pour le soigner alors qu'ils constataient, de retour à domicile, des selles infectées. Une illustration du manque de moyens de l'hôpital ?

L'instruction au plan pénal devra donner des réponses à ces questions.

"Même les médecins peuvent avoir intérêt à ce que le CHU soit condamné en tant que personne morale" estime Maître Salquin qui précise que les parents du petit garçon n'ont pas de sentiment négatif à l'égard des personnels, mais dénoncent un problème d'organisation.

Si les parents ont décidé de rendre public ce dossier douloureux, c'est pour alerter ceux qui pourraient connaître de tels drames sur l'importance de demander une autopsie.

"De telles affaires doivent exister en nombre plus important" estime Maïtre Salquain.

Quant à la Justice qui a mis sept ans pour produire ce premier jugement et enchaîne sur l'enquête au pénal, elle aussi, elle ajoute à la douleur de ces parents.

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