Il y a deux ans, la championne nantaise de patinage artistique, Sarah Abitbol, révélait dans un livre les viols et agressions subis, lorsqu'elle avait 15 ans. Son agresseur : son entraineur. L'affaire avait provoqué une vague de révélations, et une prise de conscience sur la fréquence des abus sexuels dans le sport, parfois couverts par les fédérations.
Décembre 2020, Sarah Abitbol sort "Un si long silence". c'est une déflagration dans le milieu sportif. Elle y brise un tabou.
Dans ce livre*, elle raconte, pour la toute première fois, les viols, les agressions sexuelles imposés par son entraîneur dans les années 90, lorsque la patineuse nantaise avait à peine 15 ans.
" Ma première motivation c’était, "ce livre c’est ma dernière chance d’être entendue", parce que j’ai parlé à plusieurs reprises (...) mais j’ai toujours eu la porte qui se fermait, donc, pour moi, ce livre c’était ma dernière chance d’être entendue, j’ai dit "on y va, on se lance et soit ca passe soit ca casse" explique la jeune femme.
Et aussi je me sentais complice de mon agresseur quelque part parce qu'il était toujours en place et ça je ne pouvais plus le supporter
Sarah Abitbol, patineuse artistique
Dans les mois qui suivront la parution de son témoignage, son ancien entraîneur
sera démis de ses fonctions. Le président de la fédération française des sports de glace démissionnera…
Pendant deux ans, suite aux prises de parole de Sarah Abitbol, une cellule de crise au Ministère de la Jeunesse et des Sports va recueillir plus de 800 témoignages.
Une sorte de "#metoo" du sport.
Certains de ces athlètes, qui parlent aujourd'hui, avaient-ils déjà essayé d'alerter, comme Sarah Abitbol en son temps ?
À Corcoué-sur-Logne, au sud de Nantes, l'affaire Michel Mérel est presque emblématique.
En 2018, ce dirigeant d'un club de motocross est condamné pour viols et agressions sexuelles. Lors du procès, l'une des victimes réalise en audience que la fédération française savait.
Marie témoigne de son calvaire, son visage est dissimulé, la honte n'a pas encore changé de camp.
Eux, ils étaient au courant en janvier 2011, moi j’ai été victime jusqu’en mars 2011
Marie, victime de son entraineur de Motocross
"J’avais déjà été victime d’agressions sexuelles avant, sauf qu'en fait, sur les derniers instants, c’est des stages de motocross que je faisais pratiquement tous les week-ends, et j’ai été victime d’agressions sexuelles pratiquement tous les week-end".
Donc, entre janvier 2011 et mars 2011, j’aurais pu être épargnée de certaines agressions sexuelles, qui s’amplifiaient de plus en plus
Marie
Suite au procès de Michel Mérel, la jeune femme dépose une nouvelle plainte, cette fois contre la fédération, une première en France.
La plainte se trouve toujours à l'instruction, mais pourrait faire jurisprudence.
Des entraineurs maintenus malgré les doutes
Le phénomène des entraîneurs maintenus, malgré les doutes ou les alertes, Pierre- Emmanuel Luneau-Daurignac, journaliste d'investigation, le connaît bien.
Pendant plusieurs années, il a enquêté sur le système qui permet aux abus sexuels de se perpétuer dans les milieux sportifs.
L’entraineur est dans une position de toute puissance par rapport aux jeunes athlètes et c’est encore plus fort quand on monte dans le haut-niveau. Pourquoi ? Parce que l’enfant à tout à perdre à s’opposer à lui.
Pierre-Emmanuel Luneau-Daurignac
"Il risque ne ne pas être cru, il va être éjecté du club, il va aussi décevoir ses parents qui ont transmis à l’entraineur une espèce de délégation d’autorité. On sait qu’il y a encore beaucoup de clubs dans lesquels l’entraineur dit, "si vous pouviez ne pas venir assister aux entrainement ce serait quand même mieux"… Pourquoi ? "
Progressivement, tout de même, certaines choses évoluent.
Une charte pour prévenir les abus
Depuis 2019, ce club de foot au cœur des Mauges affiche la charte de l'association Colosse aux Pieds d'Argile, pour prévenir notamment les abus sexuels. Une décision prise en 2019.
En novembre dernier, un entraîneur du club a également suivi une formation.
Des conseils de bon sens, mais qui permettent de réfléchir aux manières d'instaurer un climat de confiance et de sécurité.
Il évoque notamment le fait que lorsque les enfants vont dans les douches, les adultes les laissent entre eux, de sorte qu'il y ait "le moins de risques possibles".
Depuis septembre, toutes les fédérations sportives peuvent également soumettre leurs animateurs sportifs, professionnels ou bénévoles, à des contrôles automatiques de casier judiciaire.
Mais cette procédure souffre cependant d'un manque de communication.
Quand notre équipe a tourné ce reportage, ce club n'en avait pas entendu parler.