Dans son livre L’Ami impossible, Bruno de Stabenrath revient sur son amitié d'enfance avec Xavier Dupont de Ligonnès. Une enquête pour percer le mystère de l’homme suspecté d'avoir tué sa femme et ses quatre enfants à Nantes, il y a maintenant dix ans.
"Mon premier lecteur est Xavier. Et quoi qu'il arrive [...], je suis son ami". C'est un récit intime que l'écrivain Bruno de Stabenrath consacre à Xavier Dupont de Ligonnès dans L'Ami impossible (Gallimard). L'auteur se replonge dans les souvenirs d'une amitié qui a commencé en 1977, à Versailles, dans la terminale du collège Saint-Thomas d'Aquin. A travers cet ouvrage, il tente de comprendre celui qu'il qualifie parfois de "monstre", mais qu'il considère toujours comme son ami et qu'il ira voir "s'il est arrêté ou s'il se rend en prison".
Dix ans après le drame, Bruno de Stabenrath raconte le passé commun avec cet ami impossible, celui qui aurait tué sa femme et ses quatre enfants à Nantes en avril 2011. L'écrivain le pense toujours vivant et en cavale, et espère qu'il entendra sa voix. Entretien mené par Maxime Jaglin.
Dans votre livre, vous faites le récit d’une amitié proche, intime, avec un homme qui deviendra l’homme le plus recherché de France. Quel est le Xavier Dupont de Ligonnès que vous avez connu ?
Xavier, que j’ai connu il y a une trentaine d’année, était un ami solaire, fidèle, très sympathique, avec qui j’avais un coup de foudre d’amitié adolescente au collège. On avait les mêmes rêves, l’Amérique, les États-Unis, Elvis, les Beach Boys. Et cette adolescence heureuse que l’on a partagé pendant des années, forcément à un moment elle a changé.
Cette amitié d'enfance, est-ce qu’elle vous permet aujourd’hui d’essayer d’expliquer cette trajectoire tragique ?
Il y a deux Xavier : celui que j’ai connu, et ce Xavier Dupont que je ne connais pas, qui est en fait l’ami impossible, le « monstre » qui a tué sa famille. Et je ne parviens pas à comprendre ce qui l'a amené à cette forme de délitement psychologique, et cette dérive meurtrière horrible. Il a fallu que je remonte dans mes souvenirs, j’essaie de comprendre à quel moment j’avais raté quelque chose.
S’il y avait une part d’ombre ?
Cette part d’ombre je ne l’ai jamais vue, j’ai compris après, en retrouvant justement nos amis de l’époque, en menant une enquête en fait, et en retrouvant tous mes souvenirs. La part d’ombre elle se dévoile au fur et à mesure sur le groupe de prière de sa mère, tout ce que Xavier nous cachait. Le groupe Philadelphia, les retraites qu’il faisait, cette éducation religieuse un peu bizarre, sectaire. C’est là où Xavier va m’échapper.
Pour vous, Xavier Dupont de Ligonnès est toujours en vie aujourd’hui ?
Pour moi c’est clair et net, il est vivant, il se cache quelque part. C’est plus qu’une intuition. Et je suis pas le seul à le penser. Et quand on voit le mode opératoire, on se dit que c’est pas quelqu’un qui voulait mourir. Il voulait faire une sorte de pied-de-nez à la société, et prendre la fuite. Et tout ça a été préparé longuement à l’avance.
Vous espérez un jour qu’il lira peut-être votre livre ?
Mon premier lecteur est Xavier, parce que je me suis dit quoi qu’il arrive, je suis pas le bon dieu, je suis pas juge, je ne suis pas avocat, je suis son ami. Et si demain il est arrêté ou s’il se rend, j’irai le voir en prison, je veux comprendre. Mais je pense que c’est important pour une société, pour l’humanité, de comprendre les mobiles criminels d’un homme qui avait tout pour réussir - l’éducation, l’intelligence - et qui se transforme un jour en monstre. On a besoin de comprendre ça. Et pour moi il est important de garder ce fil et que Xavier entende ma voix, soit par un livre, soit quand on se reverra.
Retrouvez l'interview de Bruno de Stabenrath, auteur de L'Ami impossible paru aux éditions Gallimard, réalisée par Maxime Jaglin et Killian Moreau.